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Quand Sarkozy réduit le chômage


Quand Sarkozy réduit le chômage
Cendrillon et ses soeurs, imagerie Pellerin, Epinal, XIXe siècle.
Cendrillon et ses soeurs, imagerie Pellerin, Epinal, XIXe siècle.
Cendrillon et ses soeurs, imagerie Pellerin, Epinal, XIXe siècle.

Elle s’appelle Nathalie Perriot. Mais vous la connaissez peut-être sous le pseudonyme de « Nathalie bac+5 au chômage ». Elle a 26 ans et ressemble à toutes les jeunes femmes de sa génération, avec son franc-parler et ses bottes en cuir. Seulement, « Nathalie bac+5 au chômage » a un « destin », qui la distingue des autres mortels et de toutes les étudiantes françaises de son âge… et ce, depuis qu’elle a attiré l’attention de TF1. Vous l’avez découverte sur le plateau de l’émission spéciale « Paroles de Français », le 25 janvier, interrogeant le président Sarkozy sur le chômage des jeunes. Mais comme l’ensemble des onze participants à ce programme populo-politique, elle avait été préalablement castée parmi des Français ayant déjà fait l’objet de reportages pour le journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernaut. Une équipe de TF1 l’avait suivie dans ses pérégrinations de chercheuse d’emploi, notamment lors d’un infructueux entretien d’embauche à Poitiers. Le reportage en question n’avait pas été diffusé, mais le reporter avait gardé les coordonnées de la jeune-femme − le « premier épisode d’un joli feuilleton » pour Le Parisien. La télévision peut faire de votre vie une sitcom.

[access capability= »lire_inedits »]Il faut dire que la « petite fiancée de TF1 » a fait des étincelles sur le plateau de « Paroles de Français ». Parmi ces onze stéréotypes de Français moyens (le syndicaliste gouailleur avec sa veste en cuir, la douce infirmière avec son sourire de madone pleine de bienveillance, le prof en lycée pro, le Black de banlieue, etc.) la jeune-femme diplômée en marketing et communication incarne une jeunesse sans perspective. Dans le dispositif de l’émission, « Nathalie bac+5 au chômage » est à la gauche du père. Dans la proximité directe du président, c’est elle qui ouvre le débat en l’interrogeant sur l’injustice qui fait que des étudiants moins qualifiés qu’elle lui « piquent » les postes qu’elle convoite en acceptant des salaires plus bas. Le président lui répond en mettant en cause la crise, les 35 heures, et développe mollement sa politique sur l’emploi. L’échange est courtois, mais « Nathalie bac+5 au chômage » insiste. Le président lui dispense des promesses vagues et générales. L’émission s’achève. Nathalie Perriot, pense-t-on, va retomber dans l’anonymat.

Heureuse surprise : on la retrouve dans les colonnes du Parisien, deux jours plus tard. « Son passage à la télé la sort de la galère« , titre le quotidien régional, qui nous apprend que « Nathalie bac+5 au chômage » a reçu plusieurs propositions d’emploi suite à son passage sur TF1. « J’ai d’abord fait l’émission par défi, mais je suis heureuse de voir que cela débouche aussi sur du concret« , déclare-t-elle. Elle a été contactée par une association dont le responsable a été impressionné par son assurance : « C’est aussi ce qui nous a plu, explique Hervé Gbagidi, président de l’association Oderasaca, une ONG d’Orléans spécialisée dans l’aide au développement. Nous cherchions une jeune diplômée pour notre antenne d’Alfortville. Elle correspondait parfaitement au profil. » Une association bossant dans l’aide au développement, c’est super-sympa. Le conte de fées aurait été moins brillant si elle avait été contactée pour assurer la communication d’une usine à gaz ou des pompes funèbres générales. Mais le « feuilleton » ne va pas s’arrêter là. Les médias n’ont pas fini de nous faire rêver au destin magique de « bac+5 au chômage » étudiante en com, repérée par la télé et recrutée grâce à la télé. Cela fera toujours un chômeur de moins grâce à TF1 et à Nicolas Sarkozy. On est impatient de la revoir au « 13 heures » de Jean-Pierre Pernaut.
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Février 2010 · N° 20

Article extrait du Magazine Causeur



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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