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Quand même la pollution est une «micro-agression»

La pandémie de Covid a comme accéléré une psychose qui se répand dans tout le pays


Quand même la pollution est une «micro-agression»
Justin Trudeau, août 2019, Québec D.R.

Le Canada, leader mondial du sécuritarisme 


Le Canada n’est plus seulement un État « post-national », mais un pays où la notion de safe space structure une partie de l’univers mental de la population. À l’origine, la notion de safe space désigne un espace à l’abri de toutes les oppressions « coloniales » et patriarcales. 

Mais depuis la pandémie, elle soutient le fantasme d’une société délivrée en entier de la vie comme source de danger et de contrariété. C’est l’avènement du safe space global.

Le nombre de « micro-agressés » en hausse 

Le but d’un safe space est de prémunir l’individu contre les « micro-agressions », c’est-à-dire contre toutes les formes de violence symbolique pouvant être recensées par les courants à la mode. Ces micro-agressions peuvent toucher l’identité profonde d’une personne, surtout si celle-ci appartient à ladite diversité, mais elles peuvent aussi être d’ordre sanitaire, écologique et psychologique. C’est le miracle de la pandémie que d’avoir universalisé ces deux notions centrales de la pensée woke, pour en faire de puissants outils de transformation des sociétés qui ne seraient plus réservés aux membres des minorités. Maintenant, quiconque peut se dire « micro-agressé » et aspirer à vivre dans un espace supposément sécurisé.

Fin mars dernier, le maire de la ville de Québec, Bruno Marchand, a porté à un niveau supérieur le sécuritarisme canadien en déclarant que la pollution dans la capitale – Québec ne compte que 500 000 habitants (!) – pouvait contribuer à engorger le système de santé dans un contexte de pandémie où les hôpitaux manquent de ressources. 

Une sortie destinée à promouvoir le projet de tramway à Québec, symbole controversé d’une transition énergétique menée au détriment des chauffeurs de véhicules à essence. L’électrification des transports peut sauver des vies, mais rester chez soi encore plus grâce au télétravail, comme le confinement nous l’a bien démontré. 

Une société de petits bouddhas netflixisés 

Nous voilà devant une sorte de brahmanisme écologique où le Bien passe par le moins d’activité possible. Par le moins d’activité humaine. Par l’austérité. Chaque petit geste, chaque mouvement est une atteinte à la nature, mais aussi à l’intégrité de son voisin fragile. Pour le nouveau maire de Québec, à l’ère des énergies vertes, conduire son véhicule à essence est un acte de violence envers les autres. Vous « micro-agressez » vos concitoyens, car vous augmentez chez eux le risque de développer une maladie respiratoire mortelle.

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Nous voilà devant une sorte de philosophie du renoncement digne des spiritualités orientales, mais à la sauce woke, bien sûr. D’ailleurs, le wokisme n’est-il pas un éveil (to wake, se réveiller ou s’éveiller en anglais) ? La pulsion de mort de l’Occident commande de nous tourner vers l’extinction des désirs, tels de petits bouddhas netflixisés conscients des dommages collatéraux de toutes leurs actions. Un monde soucieux de l’effet papillon. Chaque interrupteur allumé a le potentiel de détruire des écosystèmes avec ses barrages électriques, de même que chaque éternuement hors de votre masque a le potentiel de repartir une épidémie. Dans tous les cas, rester chez vous à méditer est toujours l’option la plus juste et la plus morale. 

Criminaliser tous les comportements 

En février, au Canada, la révolte des camionneurs a aussi démontré qu’une partie grandissante de la population aspirait à vivre dans cet espace ultra-aseptisé où le moindre mouvement peut être vu comme une forme de violence bien réelle. Durant toute le « siège » d’Ottawa par les camionneurs et leurs partisans, le bruit des moteurs et des klaxons auront été perçus par la majeure partie de la classe politique comme l’une de ces petites, mais importantes agressions, visant cette fois les habitants de la capitale fédérale. Quel drame ! La musique et le bruit empêchaient des élus et fonctionnaires de trouver le sommeil. 

12 000 résidents d’Ottawa réclament 306 millions de dollars aux manifestants pour les troubles de voisinage occasionnés durant cet épisode révélateur de l’état d’esprit. « La pollution environnementale, le bruit, le racisme et les préoccupations en matière de sécurité ont eu des répercussions négatives sur la santé des gens et ont créé de la peur et de l’anxiété au sein de notre collectivité » [1], dénonçait le médecin en chef de la Santé publique d’Ottawa, Vera Etches, le lendemain de l’invocation de la loi martiale par Justin Trudeau pour mater les manifestants. 

La notion de micro-agression permet en fait de criminaliser tous les comportements existants sur la planète, ce qui est une révolution. Le seul fait de tondre votre pelouse peut être néfaste pour la santé physique ou mentale de votre voisin. En mars dernier, la ville de Lévis, près de Québec, annonçait la fermeture d’un parc à chiens fermant pourtant chaque jour à 20h00, après avoir entendu les doléances de citoyens qui n’en pouvaient plus des jappements. « Citoyens sur les antidépresseurs, Lévis abandonne le parc à chiens à Charny », titra le réseau Radio-Canada !


[1] « Le convoi amplifie des problèmes de santé déjà aggravés par la pandémie, selon des experts », Radio-Canada, 15 février 2022.




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Auteur et journaliste. Rédacteur en chef de Libre Média. Derniers livres parus: Un Québécois à Mexico (L'Harmattan, 2021) et La Face cachée du multiculturalisme (Éd. du Cerf, 2018).

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