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Quand Macron brade la souveraineté du peuple français

Au lieu de soutenir la Pologne dans son bras de fer avec l’Union européenne, la France sacrifie la souveraineté du peuple français


Quand Macron brade la souveraineté du peuple français
Clément Beaune, 7 octobre 2021 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

La réaffirmation par la Cour constitutionnelle polonaise de la prééminence de la Constitution polonaise sur les traités européens a provoqué des hauts cris. Commission européenne, médias acquis au projet fédéraliste européen et certains gouvernements hurlent à l’unisson à la trahison. Ainsi, le gouvernement français, par la voix de Clément Beaune, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, en a fait autant. Au lieu de soutenir la Pologne dans son bras de fer avec l’Union européenne, la France sacrifie la souveraineté du peuple français.


La solidarité de la France avec la Commission dans cette affaire polonaise pose la question de la souveraineté du peuple français. L’enjeu est majeur. L’article 55 de la Constitution française précise que les traités ont, dès leur ratification, une « autorité supérieure à la loi ». Mais rien n’indique que lesdits traités ont autorité sur la Constitution… Et l’article 5 de cette même Constitution prévoit que le président de la République « veille au respect de la Constitution » et qu’il « est le garant de l’indépendance nationale ».

Si les institutions européennes, soutenues par le gouvernement de M. Macron, imposaient leur vision du droit, cela signifierait que la moindre directive européenne primerait sur la Constitution ! Cela signifierait aussi que les Etats européens auraient renoncé à leur souveraineté.

Une révolution par le haut

Or, aucun référendum n’a été proposé aux Français pour leur demander de se fondre dans une fédération européenne. Il s’agit là d’un authentique coup d’Etat juridique qui supprime d’un trait de plume les souverainetés nationales. Que le gouvernement français se livre à une telle manœuvre est une opération révolutionnaire, une révolution par le haut.

L’Etat-Macron trouve plus important de stigmatiser la Pologne que de défendre la souveraineté de ce pays… et la nôtre par ricochet !

Pour comprendre l’origine du problème, il faut rappeler les interactions classiques entre droit national et droit international. Quand deux pays signent un traité, les deux promettent de le respecter. Mais à tout moment, chaque pays signataire peut dénoncer le traité ou demander à le renégocier. On peut donc dire que l’ordre juridique international ignore le droit national. Inversement, la place d’un traité dans l’ordre juridique national dépend exclusivement de ce que la Constitution prévoit. Dans les pays dits dualistes comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, il faut une loi pour transposer un traité en droit national et une loi postérieure peut donc modifier unilatéralement la portée d’un traité en droit interne. Dans les pays monistes, comme la France, le traité une fois ratifié s’inscrit dans l’ordre juridique national.

Jusque dans les années 60, les traités relevaient de la politique étrangère et les tribunaux nationaux n’imaginaient pas d’écarter une loi votée par le Parlement parce qu’elle entrait en conflit avec un traité. Depuis, deux tendances puissantes changent la donne :

  • une inflation juridique internationale d’une part, avec en particulier des traités européens de plus en plus détaillés et une explosion du droit dérivé (règlements et directives européennes), ont fait dire à juste titre que le droit applicable en France est désormais élaboré à Bruxelles plutôt qu’à Paris ;
  • la mise en place d’autre part d’un système juridictionnel visant à assurer le respect des normes internationales dans l’ordre interne.

Ce système juridictionnel est composé de la Cour de Justice de l’UE (CJUE) qui veille à l’application du droit de l’Union par les Etats membres, de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui vérifie le respect de la Convention européenne des droits de l’homme et des cours suprêmes nationales (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat et Cour de Cassation). S’appuyant sur l’article 55 de la Constitution (les traités priment sur la loi), toutes institutions qui disent le droit censurent systématiquement les lois françaises quand elles apparaissent incompatibles avec les normes européennes et internationales.

La Cour de Justice de l’UE au Luxembourg © Thierry Roge/ISOPIX/SIPA Numéro de reportage: 00697548_000003

L’épisode de la collecte française de données téléphoniques dans la lutte antiterroriste

L’usage montre que les magistrats desdites juridictions donnent à ces normes une interprétation militante. Ainsi, au nom du droit à une vie familiale normale, la CEDH a jugé que les migrants avaient droit au regroupement familial, ce qu’aucun des rédacteurs de la convention n’avait imaginé.

De même, l’article 4 du Traité sur l’Union européenne a beau stipuler que l’Union respecte l’ « identité nationale » (des Etats membres), ne se mêle pas des « fonctions qui permettent à un Etat-membre « d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauve­garder la sécurité nationale », et que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre », la CJUE considère désormais qu’elle a un droit de regard sur la sécurité nationale des Etats-membres.

La CJUE a ainsi déclaré contraire au droit européen les lois nationales sur la sécurité qui imposaient aux opérateurs téléphoniques de conserver les données de trafic et de localisation de leurs usagers. C’est seulement lorsque l’Etat membre fait face à une « menace grave… qui s’avère actuelle ou prévisible » qu’il est possible de demander aux opérateurs de conserver ces données.

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En avril dernier, le gouvernement français s’était ému de cette intrusion de la CJUE dans le champ de la sécurité nationale et avait fait valoir devant le Conseil d’Etat que la CJUE avait outrepassé ses compétences et que par conséquent, sa décision ne devait pas être appliquée.  

Le Conseil d’Etat, acceptant l’argumentation du gouvernement, avait, par un arrêt rendu le 21 avril 2021, informé cette même CJUE que la Constitution française demeurait au sommet de l’ordre juridique interne et que le gouvernement conservait la possibilité d’écarter l’application d’une norme européenne si cette norme vidait de sa substance une exigence constitutionnelle.

Or, aujourd’hui, face à l’affaire polonaise, ce même gouvernement se contredit et change de position sur une question tout à fait fondamentale. L’Etat-Macron trouve plus important de stigmatiser la Pologne que de défendre la souveraineté de ce pays… et la nôtre par ricochet !

La Pologne n’est pas le seul Etat membre à s’être inquiété de cette dérive. La cour constitutionnelle allemande a développé la doctrine « ultra vires » par laquelle elle s’octroie la possibilité de contrôler les institutions européennes afin qu’elles n’outrepassent pas les compétences que les Etats membres leur ont concédées.

Si l’Etat-Macron défendait réellement la nation française, il signifierait clairement à la Commission et à la CJUE que leur empiètement permanent sur la souveraineté des Etats membres oblige la France à donner raison à la Pologne !

Changeons l’article 55 de notre Constitution !

Plus largement, cette crise démontre qu’une clarification s’impose. Les Français doivent bien comprendre qu’en l’état actuel des relations juridiques entre la France et les institutions européennes, toute tentative de mettre fin au regroupement familial pour les immigrés, ou toute velléité d’expulser systématique les délinquants étrangers serait censurée par une cour suprême européenne.

Si le prochain président de la République veut véritablement maîtriser les flux migratoires au lieu de les subir, il devra donc impérativement faire passer de telles réformes par référendum. Autrement dit, il devra se prévaloir de la voix du peuple qui se sera exprimé sur le sujet.

Mais la mère de toutes les réformes, celle qui permettrait à la France de redevenir une démocratie, c’est à dire un pays régi selon le principe défini à l’article 2 de la Constitution (le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple), serait de modifier l’article 55 de la Constitution, afin que les traités n’aient plus une autorité supérieure à celle des lois, mais simplement « force de loi ».

Pour éviter tout risque d’interprétation hasardeuse par le Conseil constitutionnel, l’article 88-1 de la Constitution, qui porte sur l’UE, devrait aussi commencer par ses simples mots : « Sans préjudice de l’article 55… » afin qu’il soit bien clair que les traités européens ne font pas exception à la règle générale.

Cette révision constitutionnelle rendrait au peuple la parole et au Parlement son rôle. Elle n’impliquerait pas que la France cesserait de respecter les traités européens, mais elle permettrait à la France de le faire quand elle le juge nécessaire.

Agir ainsi ne manquerait pas de faire surgir un conflit avec l’Union européenne mais ce conflit ne serait plus réglé par des juges mais par les élus du peuple. La France pourrait ainsi, en matière de migration, se prévaloir du mandat impératif donné par le peuple souverain suite au référendum, pour renégocier les traités et introduire une clause de « opt-out » similaire à celle dont bénéficiait le Royaume-Uni (avant le Brexit) et dont bénéficient toujours le Danemark et l’Irlande sans que ces pays ne se soient mis pour autant en dehors de l’UE.

Enfin, avantage supplémentaire, la Commission ne pourrait pas se livrer avec la France au chantage financier qu’elle exerce sur la Pologne ou la Hongrie. La France étant « contributeur net » au budget de l’UE, la Commission n’aurait guère intérêt à supprimer ses versements à la France, obligeant par contrecoup la France à suspendre ses versements à l’UE. A cet égard, la France s’en trouverait financièrement mieux.



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