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Quand les Soulèvements de la Terre disent «cheh» à Gérald Darmanin

Le Conseil d’Etat fait preuve d’une curieuse indulgence pour les écolos-dingos


Quand les Soulèvements de la Terre disent «cheh» à Gérald Darmanin
Une militante d'extrème gauche opposée à la dissolution des "Soulèvements de la Terre" et son intelligente pancarte à Paris, 22 juin 2023 © Laurent CARON/ZEPPELIN/SIPA

Le Conseil d’État a annulé la dissolution des Soulèvements de la Terre décidée par notre ministre de l’Intérieur. Un désaveu juridique qui est surtout une victoire pour tous les groupes violents et les partisans de la « désobéissance civile », déplore Elisabeth Lévy.


Gérald Darmanin sait prendre des risques. Il a joué et il a perdu. Le décret de dissolution pris le 21 juin, qui était déjà suspendu en référé, a été finalement annulé jeudi avec un de ces raisonnements bizarres dont la haute juridiction a le secret.

Extraits choisis. Le groupe ne se serait rendu coupable d’« aucune provocation à la violence contre les personnes ». Donc, quand les « Soulèvements de la Terre » diffusent, avec gourmandise, « des images d’affrontements de manifestants avec les forces de l’ordre, ce n’est pas une revendication, une valorisation ou une justification de tels agissements ». Oh non, pas du tout ! C’est pour les dénoncer, peut-être ? On se moque de nous. Traduction : les « Soulèvements de la Terre » ne sont nullement responsables des violences commises dans leurs manifestations, même s’ils les relaient ensuite avec complaisance. Les forces de l’ordre blessées à Sainte-Soline ou ailleurs apprécieront certainement.

Par ailleurs, le Conseil d’État reconnait que les membres de l’association sont bien coupables de provocations à des violences contre les biens. Mais on ne va pas faire une histoire pour ça non plus. Après tout, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Tant pis pour les agriculteurs, qu’ils se débrouillent.

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On n’interdit qu’avec la main qui tremble : on pourrait admettre ce raisonnement libéral s’il n’était pas aussi sélectif. Je ne vois pas en quoi les happenings de Génération Identitaire, groupe dissous qui ne s’était pas non plus rendu coupable de violences, par exemple, menaçaient l’ordre public. Il est donc difficile de ne pas penser que le Conseil d’État fait des choix idéologiques. D’ailleurs, il a récemment découvert les dangers de l’islamisme – ce qui était appréciable – mais il fait preuve d’une curieuse indulgence pour les écolos-dingos.

Gérald Darmanin avait-il pour autant raison de vouloir interdire les « Soulèvements de la Terre » ? Non ! Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman, j’interdis à gauche un jour, j’interdis à droite le lendemain ; cela ne fait pas une politique. Et même validées, ces interdictions sont de toute façon assez inutiles, car il s’agit de groupes fluides, numériques, très difficilement contrôlables voire sans existence juridique et qui se reconstituent facilement. En revanche, il serait plus efficace de poursuivre chaque délit et de frapper individuellement et collectivement au portefeuille. Je vous assure qu’ainsi cela les enquiquinerait nettement plus !

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Reste que cet arrêt est une victoire de taille pour les groupes violents, quand ils agissent pour la bonne cause. J’en veux pour preuve le Libération du jour qui écrit : « En rejetant le décret de dissolution, le Conseil d’État acte la légitimité de la désobéissance civile en matière d’environnement »1. Le pire, c’est que c’est vrai : les « Soulèvements de la Terre » triomphent. Curieusement, en arabe. Cheh ! (« bien fait ! ») lancent-ils, sur les réseaux sociaux à Gérald Darmanin. « Cette décision prend acte du rapport de forces que nous avons instauré », affirme leur communiqué. Cette jurisprudence pourra désormais être invoquée par tous les illuminés qui pensent que la fin justifie n’importe quel moyen.

Si Gérald Darmanin veut montrer ses muscles, il devrait peut-être commencer par dissoudre le Conseil d’État – je blague !! N’empêche, il est curieux que nos prétendus Sages choisissent les fauteurs de troubles et les casseurs de flics contre les défenseurs de l’ordre public. Tout de même : ils sont censés être les conseillers du pouvoir. Ils sont surtout les grands artisans de son impuissance.

  1. https://www.liberation.fr/societe/police-justice/soulevements-de-la-terre-le-conseil-detat-annule-le-decret-de-dissolution-20231109_ZOYSNOKE25D5FPWE4Q2SFMNIOU/ ↩︎



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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