La stratégie Terra Nova a poussé la gauche à se faire hara-kiri
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le rappeur Médine est un personnage « controversé ». Ses critiques l’accusent tour à tour d’être hostile à la laïcité, proche des Frères musulmans, homophobe, misogyne, ou encore antisémite. Et pourtant, malgré son profil sulfureux, le rappeur a ouvert les journées d’été des écologistes. Il enchainera par une rencontre avec les Insoumis, avant de se joindre à la fête de l’Humanité.
Des valeurs culturelles communes, vraiment ?
En réalité, cette tournée aurait très bien pu s’appeler le « Terra Nova Tour » de Médine, du nom de cette note, rédigée en 2011 par Bruno Jeanbart et Olivier Ferrand, le président fondateur de ce groupe de réflexion orientée à gauche. Au travers de cette note, ces derniers souhaitaient dessiner une nouvelle majorité électorale qui permettrait aux socialistes de renouer avec le pouvoir qui lui échappait depuis le retrait de Lionel Jospin en 2002. Et pour ce faire, les experts de Terra Nova conseillaient à la gauche de se tourner vers un nouvel électorat urbain réunissant « les diplômés », « les jeunes », « les femmes » mais également « les minorités des quartiers populaires » : tous unis par « des valeurs culturelles progressistes ».
Lionel Jospin: « Et qu’est-ce que vous voulez que cela me fasse que la France s’islamise ? »
Les récents succès électoraux de la Nupes, et plus particulièrement de la France Insoumise (LFI), dans les quartiers populaires, sont venus démontrer que la vision politique de Terra Nova est en train de se réaliser. Pour les progressistes, le prolétariat blanc n’est plus la classe qui s’oppose à la classe bourgeoise capitaliste. Ce rôle est maintenant tenu par les « minorités ». Les opprimés et les ennemis de l’oppression sont appelés à travailler main dans la main pour faire avancer la cause du progressisme.
A lire aussi, Benoît Rayski: Nos prévisions météorologiques: sale temps pour la gauche!
Sauf que cette « alliance » repose sur des fondations fragiles, car les valeurs des minorités n’ont que peu en commun avec celles des progressistes habitant les centres-villes gentrifiés des grandes métropoles.
Un électorat de gauche avec des valeurs d’extrême-droite
En effet, si par progrès, l’on entend par là les valeurs historiques de gauche telles que l’anti-cléricalisme, la reconnaissance des communautés LGBT, l’égalité homme-femme, l’anti-consumérisme, ou encore l’écologie… Alors force est de constater que les minorités des quartiers populaires adhèrent à des valeurs aux antipodes de celles prônées par ceux qui se réclament du progressisme.
En réalité, la France « racisée » est profondément conservatrice. Plusieurs études démontrent que les quartiers populaires adhèrent à des normes culturelles qui n’ont rien à envier à celles traditionnellement défendues par la droite la plus dure. Si une large majorité de Français soutient le mariage pour tous et la parentalité pour les couples de même sexe, il n’en va pas de même pour les habitants des quartiers populaires islamisés. Selon un sondage IFOP de juin 2019, 63% des musulmans estiment que l’homosexualité est « une maladie » ou « une perversion sexuelle ». Ils ne sont que 14% chez les catholiques et 10% chez les sans religion. Aujourd’hui, la situation est telle que les homosexuels vivant en banlieues fuient les quartiers islamisés.
A lire aussi, Catherine Santeff: Affaire Médine: cela fait longtemps que Rachel Khan a les “racisés” à ses trousses
Autre grande victime de la montée en puissance du prolétariat « racisé » : la laïcité. Une autre étude de l’Ifop, publiée en décembre 2022 et menée auprès de 1009 enseignants, révèle une forte augmentation des atteintes à la laïcité à l’école. De 2018 à 2022, le nombre de professeurs s’étant déjà autocensurés pour éviter des incidents sur les questions de religion est passé de 36% (Étude Ifop-CNAL), à 56% (Étude Ifop), soit une hausse de 20 points en quatre ans. Or, selon ces deux enquêtes, cette « spirale du silence » affecte toujours plus les zones d’éducation prioritaire (65%), CQFD.
L’illusion de la convergence des luttes
Les progressistes se bercent d’illusions, eux qui semblent croire que la montée en puissance d’un prolétariat non-européen compensera la fuite des classes ouvrières blanches vers le Rassemblement national. Le prolétariat « racisé » est culturellement déconnecté de la nation française et des combats menés par son peuple. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la composition ethnique des cortèges des grandes manifestations populaires telles que les gilets jaunes ou ceux de la contestation de la réforme des retraites : la banlieue est la grande absente de la contestation sociale en France. Et quand cette dernière se mobilise, c’est pour défendre l’islam ou pour piller les Nike Stores. Qu’on se le dise, la convergence des luttes est une chimère.
Qui plus est, les progressistes sous-estiment les valeurs consuméristes véhiculées par la culture du « quartier ». Les habitants des cités HLM de France se contrefichent de la décroissance ou de la transition écologique. Dans leurs chansons, les rappeurs originaires des quartiers populaires chantent la gloire de l’argent-roi et du matérialisme. Dans les faits, les habitants des quartiers rêvent bien davantage de coupés BMW et de montres Rolex que de pistes cyclables et de marchés fermiers.
A lire aussi, Alain Finkielkraut: A. Finkielkraut : « Ce qui fait peur, c’est la convergence entre les pillards et les Insoumis »
Victimes d’une profonde dissonance cognitive, les grandes figures progressistes refusent de reconnaitre l’existence d’un profond conflit de valeurs entre les deux rives de la Méditerranée. D’un côté, un Occident libéral s’interrogeant sur les dérives de la société de consommation, et de l’autre, les civilisations islamiques et africaines, conservatrices, et qui rêvent de rejoindre ses rangs.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !