Pays-Bas. C’est la belle histoire de la semaine. Vieux sage de la droite néerlandaise, M. Frits Bolkestein aurait été victime d’une arnaque commise par l’ex-terroriste islamiste qu’il avait prise sous son aile.
Confirmée par sa famille, la nouvelle a de quoi secouer la ronronnante campagne pour les élections législatives qui se tiendront le 22 novembre. L’hebdomadaire HP/DeTijd a affirmé, lundi 30 octobre1, que l’ex-terroriste Soumaya Sahla, repentie après avoir purgé une peine de prison, est soupçonnée d’avoir soutiré quelque 100 000 euros à M. Bolkestein, homme de 90 ans dans un état grabataire. Son neveu, Martijn, accuse la Néerlando-marocaine d’abus de confiance. Entre 2018 et 2021, son oncle aurait payé loyers, études universitaires, voyages et « argent de poche » de la jeune femme.
Des quelques 100 000 euros qu’elle aurait subtilisés, selon Martijn Bolkestein, 20 000 euros auraient été directement retirés dans des distributeurs avec la carte bancaire du vieux monsieur, lequel, gravement malade, ne sortait pourtant guère de chez lui selon le neveu.
Exclusion du parti et réactions de l’opposition
M. Bolkestein est ancien député du parti libéral conservateur VVD, parti au sein duquel Mme Sahla faisait figure d’experte en… « terrorisme et déradicalisation ». Après les révélations de HP/De Tijd, le VVD du Premier ministre démissionnaire Mark Rutte l’a immédiatement exclue. Le président du parti juge tout à fait crédible les accusations de « subtilisation de sommes d’argent considérables appartenant à notre membre d’honneur dans une période où il se trouvait dans un état vulnérable ».
Le parti aurait dû la radier depuis longtemps, a persiflé M. Geert Wilders, député de droite ! Ce dernier fut un temps menacé de mort par le groupe terroriste dissous auquel appartenait Mme Sahla, le Hofstadgroep. Et M. Wilders avait déjà manifesté par le passé son mécontentement de croiser dans les couloirs du parlement Soumaya Sahla accompagnée de sa sœur Fonda, strictement voilée et députée du parti de centre-gauche D66.
De la prison à la politique
En 2005, Soumaya Sahla fut condamnée à trois ans de prison ferme pour détention illégale d’armes et appartenance à une organisation terroriste islamiste. Un de ses membres, Mohammed Bouyeri, avait été condamné à la perpétuité pour l’assassinat de Theo van Gogh en 2004. Le mari de Mme Sahla, née en 1983 à La Haye dans une famille marocaine, faisait partie lui-aussi de la bande. Peu avant son arrestation, la police l’avait mise sur écoute et avait découvert qu’elle pressait une autre de ses sœurs de lui fournir les adresses de certains politiciens de droite, dont M. Wilders… À son procès, Mme Sahla affirmait avoir voulu les persuader pacifiquement à se convertir à l’islam. En 2008, après avoir purgé sa peine, et ayant abjuré le terrorisme en prison, elle entama des études de politicologie et devint membre du VVD. Elle s’y frotta aux huiles du parti, dont M. Bolkestein qui, informé de son passé, mit un point d’honneur à l’aider à se refaire une vie rangée – comme conseillère dans un domaine où elle avait été aux premières loges.
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Ce qui fit froncer bien des sourcils au sein du parti, où, cependant, on ne refusait rien à M. Bolkestein. Ce dernier doit son statut inébranlable de sage non pas à ses carrières parlementaires, ministérielles ou comme commissaire européen (1999-2004), mais à son rôle d’intellectuel courageux à une époque où les intellos étaient tous censés être de gauche. Pendant les années 1990, M. Bolkestein battait en brèche ce monopole, fustigeant le laxisme de la société hollandaise en matière d’immigration et la société multiculturelle adulée par la gauche mais vomie du peuple. M. Bolkestein, universitaire surdiplômé, exigea vainement pendant des années des excuses aux « cocollabos » ayant défendu des régimes communistes, en Europe et ailleurs.
Après s’être retiré de la politique active, M. Bolkestein resta la vedette incontestée des meetings de son parti, jusqu’à ce que sa santé de plus en plus fragile ne l’oblige à s’effacer. Le grand âge avait-il entamé ses capacités intellectuelles ? Des critiques au sein du parti osent timidement le suggérer, apportant comme ‘preuve’ les photos où M. Bolkestein pose, avec un sourire béat, à côté de l’islamiste reconvertie en politique. Elle lève les yeux vers celui qu’elle décrit comme son ‘mentor’, et qui la considérerait comme ‘sa fille’.
Chic, encore un procès !
Mme Sahla nie en bloc les accusations et a porté plainte contre Martijn Bolkestein pour diffamation. Elle maintient que M. Bolkestein s’était porté garant pour ses besoins financiers de son plein gré pendant qu’elle préparait sa soutenance de thèse universitaire. L’un de ses professeurs, M. Andreas Kinneging, connu pour avoir menacé de passer à tabac un journaliste, et accusé par des étudiants de harcèlement et d’intimidation, la soutient. Il accuse HP/De Tijd de pratiquer un journalisme de caniveau. Et témoigne que pendant la période où la prétendue extraction de fonds avait lieu, son ami M. Bolkestein s’était en connaissance de cause porté garant pour les besoins financiers de sa protégée.
Le VVD, très embarrassé, n’a pas permis à Mme Sahla de se défendre et l’a donc expulsée sur le champ, content sans doute de s’être débarrassé d’une personne dont la présence nuisait à l’image d’un parti qui, en période électorale, aime à se présenter plus à droite qu’il n’est véritablement. La concurrence de M. Wilders, qui se vante d’avoir enfin eu la tête de Mme Sahla, est sans pitié.
- https://www.hpdetijd.nl/2023-10-30/het-wonderbaarlijke-verhaal-van-ex-terroriste-soumaya-sahla-steeds-een-handdruk-verwijderd-van-de-macht/ ↩︎
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