Les journalistes « spécialistes » du Moyen Orient n’ont pas pour but de décrire la réalité, mais de conforter une vision du monde qui fait du djihad une valeur de gauche et d’Israël une réincarnation du nazisme.
L’article titré :« Ibrahim Al-Nabulsi, itinéraire d’un « martyr » palestinien », signé par Louis Imbert et publié dans Le Monde, est une caricature. Une caricature du travestissement de l’information que les journaux de la gauche progressiste opèrent chaque fois qu’il est question du Moyen-Orient.
À travers l’itinéraire d’un jeune homme de 18 ans, Ibrahim Al-Nabulsi, tué par des soldats israéliens au cours d’un échange de feu, Louis Imbert, journaliste au Monde, entreprend de brosser le portrait d’une génération. Après tout, pourquoi pas ? Le problème est que la description opère à partir d’informations travesties. Ce travestissement procède de deux inversions. La première consiste à victimiser les terroristes pendant que la deuxième entreprend de criminaliser les victimes de ce terrorisme.
Un universalisme très particulier
Cela fait cinquante ans que les médias nous présentent des voyous islamistes palestiniens comme des Rimbaud privés d’avenir. « Le jeune homme, tué à 18 ans par l’armée israélienne au mois d’août, est devenue l’incarnation d’une jeunesse sans perspectives, qui renoue avec la lutte armée » écrit Louis Imbert. Ces jeunes Palestiniens qui disposent de tous les moyens de s’instruire, d’acquérir un métier, de se marier, de voyager (depuis plus de cinquante ans, le contribuable européen finance par centaines de millions d’euros les études et l’entretien des réfugiés et descendants de réfugiés) sont systématiquement présentés par les médias comme des chérubins qui choisissent le terrorisme faute de « perspective ».
Louis Imbert nous apprend qu’Ibrahim Al-Nabulsi « avait tiré sur un officier et sur des colons israéliens », mais il ne précise pas comment ce « garçon pâle au long visage, élancé et pieux comme sa mère » s’est procuré un fusil d’assaut M16. Les bébés palestiniens sortiraient-ils du ventre de leur mère avec un kalachnikov entre les mains ?
Le jeune homme n’était pas un militant, mais un universaliste. Il « ne se réclamait d’aucun parti, mais de toutes les brigades ». Al Qaeda, le Djihad islamique, Daesh, le Hamas ? Louis Imbert ne précise pas quelle « brigade » avait sa préférence.
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Ibrahim al Nabulsi a utilisé un fusil d’assaut mais « sans tuer ». Louis Imbert nous l’affirme, le garçon est « innocent ». Et c’est à ce stade que commence la deuxième phase de l’opération, la criminalisation des victimes. Ibrahim n’était pas un délinquant, ni un terroriste. C’est un enfant. « Il y avait quelque chose dans son visage, un enfant à l’intérieur », se souvient un ami proche. Les Israéliens qui ont abattu Ibrahim, c’est connu, aiment tuer des enfants. L’affaire al Durah demeure à jamais le prototype de ces manipulations.
Louis Imbert cite le père d’Ibrahim Al-Nabulsi, Alah, qui affirme que la mort de son fils est imputable à « cette paix qu’Israël n’a jamais voulu nous donner. La génération de mon fils est en colère contre nous et sa résistance est légitime. »
Le Rimbaud palestinien serait mort du manque de générosité d’Israël. Louis Imbert du Monde, fait sien le narratif politique du père : ce sont les juifs qui ont saboté la paix. La réalité est bien sûr différente : ce sont les Arabes, puis les Palestiniens qui, en 1946, en 1967, en 2000, en 2005, en 2008 ont tourné le dos à toutes les propositions de paix, à tous les arrangements territoriaux que les Israéliens et les Américains leur ont proposés. Les propositions faites ultérieurement par Obama-Kerry, puis par Donald Trump ont été rejetées aussi avec colère. Mais quand on a pris le parti de criminaliser les victimes, la réalité historique n’a aucune importance.
Ibrahim, c’était les frères Kouachi
Ce que Louis Imbert du Monde nous décrit comme le désarroi de la jeunesse palestinienne, ressemble en réalité à l’itinéraire des frères Kouachi, les assassins de Charlie Hebdo. Ibrahim semble avoir été une racaille pas très différente de celle qui peuplent nos banlieues. Au collège, il commence par « caillasser des soldats » comme d’autres en France, caillassent des voitures de flic. Il « stocke des explosifs » et « tire sur des policiers palestiniens ». Il est ainsi arrêté par les miliciens de l’Autorité Palestinienne « pour une histoire de voiture volée ». Avant de tirer sur des soldats juifs, Ibrahim s’est fait la main en tirant sur des religieux juifs désarmés. « Ensemble, ils poursuivent les juifs ultraorthodoxes de la secte de Bratslav, qui se faufilent clandestinement dans les faubourgs de Naplouse ».
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Louis Imbert ne s’étonne pas de cette intolérance islamique qui oblige des juifs religieux à se cacher pour aller prier (« une secte », « ils se faufilent clandestinement » écrit-il). Tirer sur des pèlerins juifs semble avoir été une spécialité d’Ibrahim al Nabulsi. « Avec un groupe de militants, il tire sur des colons israéliens, escortés par l’armée sur la tombe de Joseph ». Tout à coup, ces juifs « sectaires » qui se faufilent comme des rats deviennent des « colons ». Ce terme « colons » a une fonction : il permet à Louis Imbert de transformer des délinquants antisémites en militants anticolonialistes.
Louis Imbert ne veut pas voir la décomposition sociale du mouvement palestinien. Cette jeunesse délinquante qui vole des voitures et tire indifféremment sur des juifs religieux désarmés et des policiers palestiniens, est romantisée. Ibrahim al Nabulsi racaille de Naplouse devient une icône type Che Guevara dont toutes les minettes des années 70 étaient amoureuses.
Cette vision romantique qui structure l’imaginaire de tous les journalistes qui traitent du Moyen-Orient, repose en réalité sur une histoire falsifiée. Matthias Küntzel, historien (non-juif) spécialiste de l’islam, explique que les antisionistes reprennent le mantra de l’OLP selon lequel « le sionisme est… organiquement lié à l’impérialisme mondial et s’oppose à tous les mouvements de libération ou de progrès dans le monde ». « C’est une falsification de l’histoire » explique Mathias Küntzel. « En fait, c’est l’inverse qui est vrai, (…) avant 1948 le sionisme n’était pas promu, mais combattu « par l’impérialisme mondial » – si l’on entend par là le gouvernement britannique et le Pentagone et le département d’État aux États-Unis – parce qu’au début de la guerre froide le sionisme était considéré comme un outil de Moscou ». La gauche progressiste occidentale d’aujourd’hui oublie aussi que la gauche progressiste occidentale de 1948 a soutenu l’État d’Israël contre l’impérialisme arabe qui cherchait à anéantir l’État d’Israël à peine créé.
Matthias Kuntzel affirme que la tache numéro un des historiens aujourd’hui est de briser « le monopole historiographique » de l’OLP qui s’est imposé progressivement à la gauche depuis 1967. Un travail de titan quand on voit qu’en 2022, des journaux comme Le Monde font l’apologie du djihad et que des ONG comme Amnesty comparent Israël à l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.
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