En refaisant le coup de la présidentielle, le président Macron est accusé de vouloir enjamber les européennes grâce à la question ukrainienne. Le Premier ministre, de son côté, tient déjà des propos honteux sur le Rassemblement national, alors qu’un débat va avoir lieu à l’Assemblée sur l’accord bilatéral de sécurité conclu avec l’Ukraine le 16 février 2024 – et pas sur l’envoi de troupes, bien sûr.
Les propos d’Emmanuel Macron n’excluant pas l’envoi de troupes françaises et européennes en Ukraine n’ont pas vraiment suscité l’enthousiasme dans la classe politique française. Le président français a été promptement désavoué par ses homologues européens et américains. Seule la Suède n’a pas complètement exclu cette idée. En France, Emmanuel Macron a fait l’unanimité contre lui. De la droite à la gauche, du Figaro à L’Humanité en passant par Marianne, on rivalise dans la condamnation de ces propos va-t-en guerre et irresponsables. « Il ne s’agit pas d’Emmanuel Macron et de ses postures de petit chef viril, écrit Natacha Polony, très énervée. Il s’agit de savoir si nous allons accepter collectivement de marcher comme des somnambules jusqu’à la guerre »[1].
Il faudrait savoir
Le paradoxe, c’est que tous les observateurs conviennent qu’une victoire de la Russie serait une catastrophe pour l’Europe. Dans Marianne également, le général Desportes disait il y a quelques jours que la défaite de l’Ukraine serait notre défaite et notre déshonneur. Savoir jusqu’où nous devons aller pour l’empêcher est une question cruciale et douloureuse. Mais si on croit que l’avenir de l’Europe, comme civilisation, se joue en Ukraine, on ne peut pas écarter cette option par principe, ne serait-ce que pour conserver une dissuasion. Contrairement à ce que disait Jacques Chirac, la guerre est parfois la seule et terrible solution.
Emmanuel Macron a-t-il eu raison ? Je suis incapable de répondre par oui ou par non. Le propre d’une tragédie est qu’elle n’a pas de bonne solution.
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On pourrait sinon approuver Emmanuel Macron, au moins le prendre au sérieux si on était sûrs qu’il n’a pas fait un coup sans lendemain, comme avec la coalition contre le Hamas sortie de son chapeau mi-octobre, et dont plus personne n’a entendu parler depuis.
RN: Gabriel Attal feint de se demander «si les troupes de Vladimir Poutine ne sont pas déjà dans notre pays»
Après la colère parfaitement maitrisée de Gabriel Attal, accusant le RN d’être le parti de Poutine – donc un parti de traitres, ce qui n’est pas rien – il est difficile de ne pas penser que la macronie utilise sans vergogne le malheur ukrainien pour frapper ses adversaires en dessous de la ceinture.
On a le droit d’avoir peur de la guerre, surtout avec une puissance nucléaire, sans être traité de collabo ou de Munichois. On a le droit de penser que des erreurs et manigances américaines ont contribué au chaos sans être accusé d’être un suppôt de Poutine. Et on a même le droit d’approuver le président sans être considéré comme un valet ou un idiot utile de l’empire américain.
Nous méritons mieux que ce navrant échange d’invectives, l’Ukraine mérite mieux que ce festival d’assertions péremptoires. Dans ce climat, on voit mal l’intérêt d’un débat parlementaire qui sera encore une fois une consternante foire d’empoigne.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez notre directrice dans la matinale de Patrick Roger
[1] https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/natacha-polony-macron-envisage-des-troupes-en-ukraine-reveillons-nous-ou-ce-sera-la-guerre-totale