Pendant 48 heures, le Ministère de la Justice, Place Vendôme, s’est retrouvé privé d’électricité, comme un ménage de smicards qui n’aurait pas payé sa facture dans le délai prévu. Mercredi et jeudi derniers, les écrans d’ordinateurs de la chancellerie sont ainsi restés désespérément noirs, livrant les soldats du droit à un sentiment de désœuvrement inhabituel. La justice moderne aussi peut avoir les yeux bandés
A quel mauvais démon attribuer cette coupure non épistémologique affectant un ministère régalien? Faut-il voir le symbole d’une période de rigueur budgétaire requérant des économies généralisées, y compris donc sur les communications téléphoniques et informatiques, sorte d’offrande apportée au Moloch RGPP ?
Etre ainsi coupé du monde électronique (en vérité, c’était à cause d’une panne généralisée) durant cette folle semaine d’affaire Woerth/Bettencourt présente au moins un avantage : celui de retrouver le temps du pouvoir d’avant les portables et les systèmes d’information et d’échapper à la tyrannie du « en temps réel ».
On est loin de la célérité de la justice réclamée par les modernisateurs et autres professeurs de réactivité. La technique a ses raisons que la raison ne connaît pas et quand elle défaille, la justice se retrouve dans une nudité sans fard. C’est un moment de vérité un comme quand on se réveille pour la première fois aux côtés d’une femme du monde démaquillée. Tout est toujours possible, ou bien l’effroi, ou bien le miracle d’une beauté sans artifice.
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