Jamais on n’aura vu une telle unanimité nationale depuis les obsèques de Charles Trénet : le président et le gouvernement, la droite et la gauche, le centre et les extrêmes, le patronat et les syndicats, Les Echos et L’Huma, les Francs-Macs et le Bon Dieu, tout le monde s’est félicité qu’une déclaration solennelle de Xavier Darcos, ministre des affaires sociales ait un mis point final à la tentative délirante de dépouiller, à l’occasion de la prochaine loi sur le financement de la Sécu, les mères de famille de leurs droits à la retraite. Dont acte. Ce type de chœur sans fausse note est tellement rare en politique de chez nous qu’il faudrait avoir vraiment mauvais esprit pour cracher dans la soupe. Sauf que comme on disait dans ma banlieue et dans ma jeunesse : y a une couille dans le potage !
J’ai beau scruter les communiqués victorieux des uns et les articles documentés des autres, nul ne prend la peine de nous rappeler d’où venait cette hallucinante tentative de spoliation qu’il aura fallu contrer de toute urgence par voie parlementaire. Pourtant, il a bien fallu que ce mauvais coup vienne de quelque part. Mais d’où ?
D’habitude, quand une semblable aberration surgit tel un alien dans notre quotidien, le coupable est tout trouvé : l’assassin habite à Bruxelles ou, à la rigueur, à l’Organisation Mondiale du Commerce ou autres machins supra-étatiques qui, quand ils viennent chez nous, font comme chez eux.
Mais là, non, mauvaise pioche. L’ennemi public numéro un des mamans réside en France, il a ses bureaux au 11 rue Saint-Georges, à Paris IXe. Son nom est Louis Schweitzer, il est président de la Halde. C’est, en effet, sur la base d’une injonction de cette hautoto en date du 11 décembre dernier, arguant que les hommes devaient avoir les mêmes avantages que les femmes, que le gouvernement s’est engagé dans un premier temps à démanteler le dispositif existant et à le faire en stricte défaveur des mères.
Et comme, apparemment, il est assez mal vu chez nous de contester les délires de la Halde, personne n’a trouvé à y redire ou n’a osé le faire, et le gouvernement s’apprêtait donc pour cette rentrée à modifier la loi en conséquence. Il aura fallu qu’en plein mois d’août une confédération considérée d’ordinaire comme peu vindicative, la CFTC, sauve l’honneur du syndicalisme français en menaçant de tout casser si la loi en gestation tronçonnait les retraites des mères de famille, entraînant une volte-face de Darcos, puis du reste du monde politico-syndical volant au secours de la victoire[1. On notera cependant que le PS n’a réagi que très tardivement, début septembre, par la voix de Jean-Patrick Gille, son fort peu médiatique secrétaire national à la famille. Une rumeur malveillante assure que tout comme la CFDT et la CFE-CGC, nombre de dirigeants socialistes partagent in petto le point de vue de la Halde. On rappellera que Nicole Notat est une des onze membres du collège exécutif de la Halde.]. Oui, sans le coup de sang estival de nos amis les travailleurs chrétiens, la modification de la loi préconisée par Schweitzer aurait été entérinée, tant il est vrai que tout ce que dit la Haute Autorité fait autorité. On l’a échappé belle.
On espère que cet impair commis au nom de la parité servira de leçon à tout le monde. Jusqu’à présent la Halde se contentait de gaspiller l’argent public pour nous pourrir la vie au nom du droit mal compris des minorités. Mais demander à ce qu’on expurge les manuels scolaires de toute trace de Ronsard, ça ne vous occupe pas toute l’année une armée de prébendiers…
Avec cet épisode, la Halde vient de montrer qu’elle était tout autant capable de s’acharner spécifiquement sur les plus faibles au nom de ses fantasmes technocratiques sur l’égalité pure et parfaite. On attend avec impatience qu’elle s’en prenne désormais aux handicapés au nom du droit à l’équité des bien-portants.
Oui, il est temps qu’on mette un terme à cette plaisanterie et qu’on évacue ce squat légal mais nauséabond, ces forcenés qui prennent en otage nos lois, nos droits acquis et nos institutions. Que fait le GIPN ?
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