« Le bien le plus précieux de l’homme n’est pas la vie, c’est l’honneur. »
Pierre Guillain de Bénouville
Le 5 novembre dernier était célébré, à la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur, le centenaire de la naissance du général Pierre Guillain de Bénouville. Réunissant de nombreuses personnalités du monde politique et journalistique, cette exposition commémorative, conjoitement organisée par Laurent Dassault et par la Société Baudelaire présidée par Isée Saint-John Knowles en collaboration avec l’avocat-historien Charles Benfredj, évoque la vie d’un héros baudelairien qui vécut à l’écart des sentiers battus.
Né le 8 août 1914 à Amsterdam, Pierre Guillain de Bénouville passe sa scolarité chez les Jésuites à Angoulême. Il fait alors la connaissance d’un élève de l’école libre, son cadet de deux ans, François Mitterrand, avec qui il servira la messe. Pendant les années trente, Bénouville s’installe à Paris pour y étudier les Lettres. C’est alors qu’il projette dans sa vie les pensées et les rêves de Baudelaire auxquels il restera indéfectiblement attaché : en 1936, âgé de 22 ans, il écrit son premier ouvrage, Baudelaire, le trop chrétien. Il part également, pendant l’été 1936, combattre en Espagne dans les rangs carlistes avec son ami Michel de Camaret.
A la même époque, il vit ses premiers affrontements entre communistes et camelots du roi. Royaliste, Bénouville, qui exècre la IIIème République, se tient aux côtés de ces derniers. La montée du nazisme le heurte alors profondément. La philosophie qui sous-tend l’Allemagne hitlérienne le conduit à rédiger un ouvrage fort, Le Réveil du paganisme. Les Accords de Munich qu’il critique avec virulence l’amènent à rompre, dès 1938, avec l’Action française.
Mobilisé en 1939 après d’héroïques combats en Alsace, puis dans les Vosges, il est fait prisonnier mais parvient à s’évader. Repris, il s’évade à nouveau et gagne la zone sud où il s’embarque pour l’Algérie afin de rejoindre Londres. Dès son arrivée en février 1941, il est arrêté à Alger. Libéré le 1er avril de la même année, il est arrêté une nouvelle fois et transféré à la prison maritime de Toulon. En dépit des conditions abjectes de détention, il rédige un nouvel ouvrage : Saint Louis ou le Printemps de la France. Acquitté par le Tribunal militaire en août 1941, il renonce à son projet de gagner Londres et rejoint la Résistance, d’abord à Radio Patrie (rattachée au S.O.E britannique). Il fait alors une rencontre décisive, celle d’Henri Frenay, fondateur et chef du mouvement Combat, dont il devient le conseiller pour les affaires militaires, et un adjoint fidèle.
Dès 1942, Bénouville perçoit les manœuvres de ceux qui souhaitent ressusciter le régime des partis à la fin de la guerre. Il confira plus tard à Alain Griotteray : « Le Conseil national de la résistance fondé par Jean Moulin était une invention politique à laquelle nous n’avons donné notre accord que du bout des lèvres. De Gaulle en avait besoin pour justifier son action devant les Américains. Quant à l’Assemblée provisoire d’Alger, qui a permis la réhabilitation des partis, là encore à cause des Américains, c’était une farce. »[1. Alain Griotteray, 1940 : la droite était au rendez-vous. Qui furent les premiers résistants ?, Editions Robert Laffont, 1985.]
Sous la direction d’Henri Frenay (le Patron), Pierre Guillain de Bénouville et Claude Bourdet (Lorrain) dirigent « Combat », le plus important Mouvement de Zone Sud, fondateur des Groupes Francs, de la Résistance Fer, du « noyautage des administrations publiques », mais également de l’Armée Secrète. Inventeur du sigle MUR (Mouvements Unis de Résistance) en 1943, Bénouville fait partie de son Comité Directeur. Avec Philippe Monod, également membre de Combat, il établit et approfondit en Suisse les contacts avec les Services spéciaux américains dirigés par Allen Dulles et Max Shoop. Il franchira la frontière clandestinement plus de cinquante fois !
En avril 1944, il traverse l’Espagne puis rejoint Alger où il est reçu par le général de Gaulle dont il deviendra un fidèle. Il s’engage dans l’Armée d’Afrique commandée par le futur maréchal Juin et combat dans ses rangs de mai à juin 1944. Ayant à nouveau rejoint la Résistance française à l’été 1944, le véhicule qu’il conduisait se retourne dans un ravin pour échapper à une patrouille ennemie. Miraculeusement, il survit malgré de très graves blessures qui lui laisseront d’importantes séquelles physiques.
Au lendemain de la guerre, il est fait Grand Officier de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, décoré de la Croix de guerre 1939-1945 (cinq citations), de la Médaille de la Résistance, de la Croix de guerre belge et de l’Ordre de Léopold. Il est promu général de Brigade à 30 ans par le général de Gaulle qu’il suivra dorénavant politiquement.
Elu Député gaulliste d’Ille et Vilaine de 1951 à 1955 puis de 1958 à 1962, il devient Député de Paris entre 1970 et 1983. Il est également le plus proche collaborateur de Marcel Dassault qu’il secondera pendant près d’un demi-siècle tout en menant une prestigieuse carrière dans le secteur privé : administrateur des Editions Robert Laffont et président de Jours de France. Profitant de sa position au sein du groupe militaro-industriel Dassault, il put fournir des armes à l’Etat d’Israël en contournant l’embargo décrété par le gouvernement français lors de la guerre des Six Jours en juin 1967.
De 1985 à 1990, Jacques Soustelle représente en Angleterre le général de Bénouville, président d’honneur de la Société Baudelaire, à l’occasion d’hommages officiels rendus au peintre des Fleurs du Mal, Limouse.
C’est à Paris que Pierre Guillain de Bénouville s’éteint le 4 décembre 2001. Une cérémonie d’hommage lui a été consacrée en l’église Saint-Louis des Invalides en présence de tous les hauts personnages de la République et de ses amis qui lui ont toujours conservé respect, fidélité et affection.
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