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Quand Christophe Dechavanne parle de géopolitique avec Ibrahim Maalouf 

... et deux autres fadaises du sévice public audiovisuel


Quand Christophe Dechavanne parle de géopolitique avec Ibrahim Maalouf 
Christophe Dechavane et Ibrahim Maalouf, sur le plateau de Léa Salamé © Capture France 2

La propagande et les mensonges prospèrent dans les médias publics. Trois exemples parmi mille, relevés par notre chroniqueur Didier Desrimais.


Le 27 mai, dans “Quelle époque”, l’émission de la télé publique la mieux-correctement-pensante du moment (sévèrement concurrencée toutefois par celle de Karim Rissouli, “C ce soir”), le grand spécialiste de politique internationale Christophe Dechavanne a interviewé le non moins célèbre géo-politicien Ibrahim Maalouf sur le multiculturalisme au Liban. Il n’y avait aucun problème au Liban, a dit en substance ce dernier, jusqu’au jour où « des gens ont commencé à penser comme lui [comme Eric Zemmour NDLA], et c’est ce qui a fait que les communautés ont arrêté de vivre ensemble alors qu’elles vivaient justement très bien ; ce qui a créé une grande partie de la guerre civile, c’est lié au fait que les gens se sont isolés les uns face aux autres ».

Maalouf, un récidiviste

M. Maalouf est trompettiste et Franco-libanais. Léa Salamé, l’animatrice de l’émission en question, est Franco-libanaise et manque de souffle : sans doute asphyxiée par la très courte et décoiffante démonstration de son double compatriote, elle n’en releva pas la bêtise. Ce que nous ferons (trop) rapidement pour elle : n’en déplaise à M. Maalouf, c’est bien le multiculturalisme qui a détruit le Liban et conduit à la guerre civile en 1975, surtout à partir du moment où le rapport de force s’est inversé et a vu les chrétiens – majoritairement maronites – devenir minoritaires face à des musulmans de plus en plus revendicatifs et vindicatifs au fur et à mesure que leur nombre augmentait (arrivée massive de Palestiniens dès 1948 puis, plus tard, de Syriens sunnites). La corruption généralisée, la création des milices défendant chacune des communautés religieuses tiraillées par les enjeux régionaux (conflit palestino-israélien, guerre en Syrie, influence iranienne, etc.) et, depuis 1982, la présence du Hezbollah, dont le but avoué est la destruction d’Israël, n’ont fait qu’envenimer les choses. Il est peu probable que le Liban sorte un jour prochain du marasme dans lequel il est actuellement – et Éric Zemmour n’y est pour rien.

Ibrahim Maalouf n’en est pas à sa première ineptie : en 2021, après avoir vu la retransmission du traditionnel concert du Nouvel An à Vienne, il reprochait à l’orchestre philharmonique de la capitale autrichienne de se faire « remarquer par son manque de diversité ethnique ». Quelques jours plus tard, il affirmait sur France 5, dans l’émission “C à vous”, que le milieu de la musique classique est systémiquement « sexiste et raciste ». La violoniste Zhang Zhang le contredisant fermement en lui rappelant les strictes modalités de recrutement des orchestres symphoniques obligeant les jurys à choisir les plus doués des musiciens sans pouvoir tenir compte ni du sexe ni de la couleur de peau des candidats, Ibrahim Maalouf balança sur les réseaux une rumeur bien fausse et bien sale sur la façon dont la violoniste avait pu échapper au régime chinois et poursuivre ses études. M. Maalouf devrait continuer de faire ce qu’il fait le mieux, jouer de la trompette, et nous épargner ses airs de pipeau, entre autres ses considérations wokes sur la musique classique ou ses réflexions imbéciles sur l’histoire du pays qui l’a vu naître.

Camille Étienne, comme Greta Thunberg mais en VF

Camille Étienne a marché « pour la planète » avec Greta Thunberg et a voyagé avec Cécile Duflot pour défendre « l’Affaire du siècle » (recours juridique intenté contre l’État français pour inaction contre le réchauffement climatique). Cette jeune militante écologiste est en ce moment la coqueluche des médias publics qui raffolent des deux ou trois idées creuses et rabâchées que cette jacasseuse est capable de dupliquer mécaniquement. Le jeudi 18 mai, lors du Grand entretien matutinal sur France Inter, Camille Étienne, après avoir admonesté l’État français, a pu affirmer sans être contredite que l’éco-anxiété a été créée par… les puissants lobbys de l’industrie pétrolière et les dirigeants gouvernementaux pour « patholigiser individuellement les citoyens » et empêcher l’action collective.

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Il nous semblait pourtant que cette notion avait vu le jour dans les discours des écologistes politiques les plus radicaux, et qu’elle devait servir à démontrer les ravages d’une prise de conscience de notre jeunesse à propos de l’apocalypse annoncée. Camille Étienne déploie un discours pré-formaté reposant sur le rapport du GIEC : remettre en cause les conclusions de ce dernier sur l’activité humaine comme principale cause du réchauffement climatique relève d’un crime de la pensée. Quand bien même une majorité de gens ne penseraient pas comme les rapporteurs du GIEC ou les militants radicaux, l’heure n’est plus au débat ou au consensus, selon Camille Étienne : « Il faut faire le deuil de l’illusion dun consensus […] une récente étude américaine montre qu’on a besoin de 3,5 % de la population pour bousculer un ordre établi. […] Parfois, une minorité active, organisée, suffit à renverser l’ordre établi. » Hypnotisés, les journalistes de France Inter ont omis de dire à cette écolo que cet axiome révolutionnaire n’a pas attendu une « récente étude américaine » pour être connu de n’importe quel quidam ayant écouté les cours de son professeur d’histoire, et qu’il fut celui de tous les mouvements finissant généralement dans la terreur, le despotisme ou le totalitarisme : Saint Just, Lénine, Trotsky, Mao et Castro, pour ne citer que les exemples les plus saillants, ont appliqué avec ardeur ce concept de la « minorité organisée renversant l’ordre établi » avec les conséquences qu’on sait. Il est vrai que, pour le moment, la militante écolo se satisfait, à titre d’exemple révolutionnaire, de la « désobéissance civile » des étudiants de l’école d’agronomie qui ont « bifurqué » et sont partis se régénérer les neurones dans les potagers d’une ZAD au lieu de mettre leurs connaissances agronomiques au service d’une agriculture qu’elle appelle pourtant de ses vœux – on a vu des révolutions plus… révolutionnaires.

Jean Viard / Lilian Thuram: même combat!

Last but not least, Jean Viard, sociologue, macroniste, immigrationniste et mondialiste, est le pur produit de cette sociologie sociologisante de gauche qui aura peu cherché et beaucoup milité – son directeur de thèse fut… Edgar Morin, il y a des signes qui ne trompent pas. Sur le plateau de “C à vous”, assuré de n’être point contredit, Jean Viard a lâché des énormités qui, si le ridicule tuait, auraient dû le foudroyer sur place.

La première : « On est une société métisse ! C’est quoi le mythe, on va tous devenir blancs ?! On n’a jamais été tous blancs ! » Nous avons échappé de justesse à la démonstration dite « de la feuille de papier » chère à Lilian Thuram – rappel : prenez une feuille de papier, montrez-la à un enfant, demandez-lui s’il pense que sa peau est exactement de la même couleur que cette feuille, attendez la réponse qui ne peut être que négative, faites ensuite une leçon de morale antiraciste à deux balles en dénonçant le « mythe » de la peau blanche véhiculé par de vilains fachos.

La deuxième : « L’essentiel des immigrés aujourd’hui sont des universitaires. » On se pince. Dans quelle partie de son cerveau Jean Viard est-il allé pêcher cette assertion ? Dans l’hémisphère gauche, bien entendu, là où siège la salle de contrôle idéologique permettant de délirer avec un extraordinaire aplomb.

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La troisième (après l’évocation du drame d’Annecy) : « Des actes fous de ce genre (mettant en péril de très jeunes enfants) il n’y en avait pas encore eu, en tout cas ici (en France). » Jean Viard a apparemment oublié les enfants juifs tués par Mohamed Merah. La quatrième : « Il faut toujours rappeler que le taux de délinquance des immigrés n’est pas supérieur au taux des Français. » Correction : en 2019, les étrangers représentaient 14 % des auteurs d’affaires suivies par la justice et 23 % des personnes incarcérées alors qu’ils ne représentent que 7,4 % de la population générale [1], sans compter la surreprésentation dans les vols, le trafic de drogue et les agressions à l’arme blanche, en sus des immigrés récents, légaux ou illégaux, des jeunes Français issus de l’immigration extra-européenne. Le même Jean Viard avait par ailleurs déjà expliqué, sur le site d’information marseillais Gomet’, que les problèmes de délinquance liés à la drogue étaient surtout dus à « la société française refusant de faire une place à ces jeunes issus de l’immigration du Maghreb et qui pourtant continuent pour la plupart à faire des efforts pour tenter de s’intégrer ».

Plus c’est gros…

Le point commun à ces trois événements se déroulant dans des médias publics ? L’absence totale de réaction des journalistes. Plus c’est gros, plus ça passe, et les journalistes de l’audiovisuel public semblent dans l’incapacité de reprendre, de corriger ou, tout simplement, de questionner l’invité, surtout s’il est de gauche, sur les documents, les sources, les données lui permettant d’asséner des affirmations qui, pour certaines d’entre elles, paraissent immédiatement pour ce qu’elles sont : des contre-vérités, des mensonges, des fantasmes idéologiques.

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Deux raisons peuvent expliquer cette apathie. La première pourrait être l’inculture crasse des journalistes en question – Anne-Élisabeth Lemoine est bien gentille mais donne toujours l’impression de découvrir la lune quand un de ses invités affirme une ânerie avec un peu d’assurance. Pour ce qui est de l’émission de Léa Salamé, si nous n’attendions aucune réaction intelligente de la part du clown médiatique, opportuniste et inculte qu’est Christophe Dechavanne, nous espérions de la journaliste une remarque permettant, pour le moins, de nuancer les propos d’Ibrahim Maalouf. Elle a préféré aller dans le sens de ce dernier parce qu’il mettait (bêtement) en cause Zemmour – ce qui nous amène à la deuxième raison de l’apathie des journalistes : l’idéologie. L’audiovisuel public, cela n’est plus un mystère pour personne, baigne dans le wokisme, l’écologisme, l’immigrationnisme et l’antifascisme de théâtre. Les invités de gauche les plus radicaux peuvent assommer l’auditoire à coups de mensonges et d’allégations sommaires nourrissant la propagande sans rencontrer de résistance. Il arrive même que des journalistes d’émissions publiques mettent eux-mêmes tout en œuvre pour divulguer cette propagande et contrecarrer une réalité qui les gêne – le dernier exemple en date, à savoir l’émission de M. Rissouli autour du meurtre de la petite Lola, restera sans doute dans les annales de l’histoire journalistique comme la plus grosse entourloupe orwellienne d’inversion du réel et de manipulation médiatique de ce premier quart du XXIe siècle, le point d’orgue du discours mensonger qui s’amplifie dans les médias publics au fur et à mesure que la réalité réelle apparaît et qu’il devient plus difficile d’en cacher les sombres conséquences.

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[1] https://www.lejdd.fr/societe/immigration-pourquoi-le-lien-avec-la-delinquance-est-une-illusion-136006




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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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