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Quand c’est Booba, c’est de la balle! Quand c’est Zineb, c’est le scandale!

Le rappeur pense à présent que les racailles ne doivent plus défier la police. Il faudrait savoir...


Quand c’est Booba, c’est de la balle! Quand c’est Zineb, c’est le scandale!
Élie Yaffa dit "Booba", sur le plateau de Canal +, Cannes, 2014 © SYSPEO/SIPA

Dans une interview accordée, le 5 août, aux journaux régionaux du groupe EBRA, Booba a surpris tout le monde, affirmant que « la police, le système judiciaro-carcéral, et plus globalement l’État, ne se font pas respecter […] les jeunes n’ont pas peur de la police, l’État est beaucoup trop mou et faible […] les peines de prison sont trop légères et surtout rarement appliquées », et qu’à cause de cela « les policiers s’en trouvaient discrédités ». Le rappeur a conclu qu’aux États-Unis, « c’est loin d’être parfait mais tu ne défies pas la police à la bagarre ».

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, de nombreux commentateurs ont loué cette prise de position du rappeur. C’est le cas d’Olivier Dartigolles, chroniqueur politique, ou de Lucas Jakubowicz, rédacteur en chef de Décideurs Magazine. Invités sur le plateau de CNews dans l’émission « L’Heure Des Pros 2 été » du 6 août, Lucas Jakubowicz avait même soutenu l’idée que, s’il n’y vivait plus, « Booba était le porte-parole d’une grande majorité des résidents de ces quartiers dits sensibles », premières victimes des voitures brûlées, des violences – bref de l’insécurité. Le journaliste de Décideurs magazine avait conclu : « sa parole pèse, elle mérite d’être entendue et non pas moquée ». Ces commentaires, intéressants, amènent trois questions. La première consiste à se demander si, comme l’a prétendu Booba, le système judiciaro-carcéral inflige vraiment des peines trop légères et rarement appliquées. L’actualité semble donner raison à Booba. Ne nous a-t-elle pas appris récemment qu’on pouvait avoir 15 rappels à la loi, pour trafics de stupéfiants, excès de vitesse, conduite sans permis, vols avec violence, sans avoir jamais une seule condamnation, et tout en ayant un casier judiciaire vierge [1] ? Ou qu’on pouvait avoir commis depuis des années des agressions sexuelles et voies de fait dans son quartier, ainsi que viol et violences répétées sur personnes de sa famille, avoir été appréhendé mais être resté en liberté [2] ?

Quand la prison assure une bonne promo

En outre, lorsqu’on est condamné, la loi prévoit que pour toute condamnation inférieure à un an, on peut se voir accorder par le Juge d’Application des Peines (JAP) une réduction de 14 jours par mois d’incarcération, si l’on a un bon comportement en prison. Pour toute peine supérieure à un an, le JAP peut, pour les mêmes motifs, accorder à la personne condamnée une réduction de peine de six mois par année d’incarcération. Sans compter qu’il y a encore des dispositifs de liberté conditionnelle, une fois que le condamné a accompli la moitié de la durée initiale de sa peine. Autrement dit, une condamnation à 15 ans, pour agressions, crimes, ou trafics de drogue, peut tout à fait normalement aboutir, en réalité, à une peine inférieure à sept ans et demi, si l’on se comporte correctement en prison et qu’on s’engage dans une démarche de réinsertion [3].

Booba sait de quoi il parle. Après la bagarre entre sa bande et celle de Kaaris, à Orly, occasionnant de couteux dégâts, le « Duc de Boulogne », expliquait, lors d’une interview accordée au média Brut, en septembre 2019, « je savais que j’y resterais pour un mois maximum, ça m’a même permis de me reposer. Dans mon cas, c’était presque de la promo, […] j’étais assez détendu ». Que la prison ne fasse plus peur, Booba peut donc en parler savamment.

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La deuxième question consiste à se demander si l’on peut entendre les propos d’un rappeur qui, aujourd’hui, appelle à la fermeté de la justice et de la police vis à vis de la délinquance, alors qu’hier il chantait tout le contraire. Dans le morceau « N° 10 », le mélomane peut entendre « Fuck la loi, son arbitrage, ses cartons, Dis-leur ici c’est nous les patrons. Sucez-nous pendant qu’on bicrave, […] Nombreuses seront les victimes […] Toujours anti-dèps, insolent contre les agents. » Dans « La Faucheuse », Booba n’incite guère la jeunesse à la sagesse : « Vis dans l’inégalité […] Agis, ça sert à rien d’lé-par, Moi, j’suis toujours en train d’bé-bar c’pays d’klébars »… Booba a donc beau jeu de trouver, à présent, l’État, la justice et la police trop mous et trop faibles ; il y a encore peu de temps, il encourageait à les défier et exprimait, sans complexe, son mépris pour la France. Notamment dans « Le Bitume et La Plume », où il clamait : « Quand j’vois la France les jambes écartées j’l’encule sans huile ». Si l’on peut se féliciter que le rappeur ait changé son fusil d’épaule, on peut regretter qu’il ne l’ait pas fait plus tôt. Et surtout, on peut regretter qu’il ne l’ait pas fait en chansons, tout compte fait… Car, compte tenu de la prédominance du rap dans la musique qu’écoutent les jeunes, on ne peut que rêver des répercussions qu’un rappeur du renom de Booba auraient sur les jeunes des quartiers s’il les exhortait, dans ses punchlines, à respecter leurs profs qui s’investissent sans compter, à ne pas systématiquement s’armer jusqu’aux dents ou à chercher la bagarre entre bandes pour les plus futiles motifs, et enfin, à cesser de refuser d’obtempérer lorsqu’on est contrôlé, pour éviter les accidents tragiques, pour soi-même, ou pour les autres. Si Booba ne l’a pas fait avant, c’est parce qu’il évolue dans un milieu musical labellisé « rebelle », qui, en réalité, est extrêmement conformiste.


La haine anti-France et anti-police est le fonds de commerce de la majorité des rappeurs depuis des décennies. D’ailleurs, en cela, Booba est un petit joueur ! Les groupes « Ministère Amer », « Sniper », par exemple, et tant d’autres, sont experts en la matière. Dans « Face À La Police », le groupe 113 prônait une haine pour son pays décomplexée, qui va de pair avec l’incivilité routière « J’baise votre nation […] En voiture à fond, un bon son, association, Les keufs sont au feu rouge, attention, disparition. Face à la police, me rendre, hors de question. L’uniforme bleu, depuis tout p’tit, nous haïssons. Produits stupéfiants et pe-pom comme protection. »

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Depuis que le rap français est tout p’tit, de tels exemples sont comme les feuilles mortes, on les ramasse à la pelle ! Ce fonds de commerce est aussi celui de l’extrême gauche, dont certains membres ne cachent pas sa relation symbiotique avec les rappeurs anti-France et anti-police. En 2021, c’est le rappeur Soso Maness que le Parti communiste a invité à sa fête de l’Huma. Celui-ci y scandait avec le public en liesse « tout le monde déteste la police ». Pour l’Université d’été d’EELV, cette année, l’invité d’honneur était Médine, poète qui cumule punchlines anti-police et antisémites (voir le numéro de Causeur en vente actuellement NDLR). Quant à LFI, leur leader et nombre de ses membres reprennent inlassablement la rhétorique rappeuse selon laquelle, c’est la police qui tue. Et qu’en plus, ce sont toujours les jeunes arabes et noirs, qui seraient visés. D’après tout ce petit monde musical et politique, la rage de cette jeunesse des quartiers ne serait qu’une riposte au « racisme systémique » dont elle serait victime.

Les jeunes endoctrinés par la musique violente n’agressent pas que les policiers

Mais, dans ce cas, quelques interrogations naïves: le nombre grandissant de professeurs victimes d’agressions, dans ces fameux quartiers, l’est-il parce qu’ils sont racistes, eux également? Racistes aussi, les pompiers, régulièrement caillassés ? Racistes encore, les médecins, de plus en plus souvent agressés ? Racistes toujours, les pharmaciens et commerçants qui, lassés par l’insécurité, désertent ces quartiers?

Capture LCI

La réception positive et générale des propos de l’été de Booba dans les médias pose une troisième et dernière question. Pourquoi les avoir accueillis avec autant de bienveillance, quand hier, on rejetait avec véhémence ceux de Zineb El Rhazoui, appelant pourtant à la même fermeté ? On se souvient que l’ancienne journaliste de Charlie Hebdo avait déclaré, lors d’un débat sur des violences urbaines sur un plateau de CNews, le mardi 5 novembre 2019, que puisque les forces de l’ordre avaient été attirées dans un guet-apens visant à les faire brûler vives, elles auraient dû tirer à balles réelles, comme le ferait la police américaine. Le même Olivier Dartigolles, qui dernièrement sur le plateau de CNews, s’est réjoui des propos de Booba, avait alors crié au scandale, soutenu par Sophie Obadia, avocate pénaliste ! Le lendemain, sur le plateau de LCI, Zineb El Rhazoui, imperturbable, avait enfoncé le clou. Faisant d’abord référence à l’article L 435-1 du code de sécurité intérieure, autorisant la police à la légitime violence, avec comme cadre l’immédiateté, et la proportionnalité, elle avait posé la question : « Pourquoi la police n’a-t-elle pas recours à son droit de la légitime défense quand on a des guet-apens […] à Viry-Châtillon, où les » racailles » ont immobilisé le véhicule de police, et y ont mis le feu ? » Au moment où l’ex-journaliste de Charlie Hebdo rappelait qu’un policier s’est retrouvé avec les poumons brûlés et d’autres blessures graves, un intervenant sur le plateau de LCI lui avait fait remarquer qu’il ne pouvait y avoir de proportionnalité entre les armes à feu des policiers, et les pavés et fumigènes des jeunes assaillants… Zineb avait rétorqué qu’il y aurait selon elle bel et bien eu proportionnalité si les policiers avaient sorti leurs armes et fait feu, car ils étaient trois lorsque les « racailles » étaient 100… Dans le cas de ces guet-apens perpétrés contre la police, « les racailles se constituent en milice concertée, et à des dates précises, se donnent rendez-vous pour casser du flic ». Raquel Garrido, de la France Insoumise, présente également sur le plateau n’avait pas manqué d’attaquer Zineb El Rhazoui sur le fameux terrain du racisme. « Vous montrez du doigt une certaine jeunesse des quartiers noire et arabe, principalement », avait lancé la députée de Seine Saint-Denis. Ce à quoi Zineb el Rhazoui avait répliqué: « Moi, je dis « racailles », et vous vous entendez « noirs et arabes », c’est votre problème, demandez-vous pourquoi ! »

Deux poids deux mesures

Il est en outre surprenant que les propos de Zineb el Rhazoui aient suscité un tel scandale, puisqu’à la même période, plusieurs articles de la presse et des reportages nous expliquaient bien que tendre des guet-apens à la police par le truchement des pompiers était devenu une « tradition », et que cette dernière allait croissant. Le Parisien citait alors l’expression de Loïc Travers, officier de police et secrétaire national adjoint de Alliance, évoquant des vidéos postées sur les réseaux sociaux, où l’on entend distinctement certains assaillants crier, plusieurs fois, au sujet de policiers attaqués: « Tuez-les ! » 

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N’ayant jamais commenté ou condamné de tels actes, Booba avait, en revanche, publiquement injurié la journaliste. « Pourrissons la vie à cette grosse merde puante » […] écrivait-il sur Instagram « cette suceuse d’empereur romain ». Zineb avait porté plainte, et le rappeur avait été condamné par le tribunal correctionnel de Nanterre à lui verser une amende de 5000€ en dommages et intérêts. Alors que Booba n’avait pas besoin d’appeler à pourrir la vie de la journaliste, les activistes islamistes et tous leurs réseaux de collaborateurs s’en chargeant déjà. Depuis huit ans, la jeune femme, menacée de mort au quotidien, est forcée de vivre, jour et nuit, sous protection policière. La seule célébrité à avoir eu le courage de la soutenir publiquement dans cet épisode avait été Patrice Quarteron, champion de Taï et Kick-boxing. Au micro de SudRadio, le 12 novembre 2019, il avait menacé publiquement Booba de balancer l’adresse de toute sa famille s’il arrivait le moindre ennui à Zineb… La polémique s’était arrêtée là. Booba n’avait sans doute pas voulu prendre le risque de contrarier le champion de boxe, encore moins celui de troubler la douce vie qu’il coulait dans son quartier huppé et protégé de Miami.

Outre le côté misogyne de l’attaque, qu’aucun(e) féministe n’avait dénoncé, cette fatwa sur Zineb était avant toute chose lâche. Le rappeur confessait même, dans l’interview accordée à Brut précitée, qu’il avait choisi de vivre à Miami dans un quartier ultra-protégé où sa tranquillité était totale, lui permettant même de mettre en scène ses enfants sur les réseaux sociaux, chose qu’il ne pourrait jamais faire s’il vivait en France… Ainsi, protégé et dans l’anonymat, sans risque de représailles, il avait lancé sa fatwa numérique aux conséquences potentiellement tragiques.

Quarteron avait également dénoncé l’hypocrisie collective des gens, qui, en public, pouvaient qualifier Zineb de « ouf », tel Cyril Hanouna, mais qui en « off » convenaient que si une masse de gens vous attaquait pour vous tuer, le bon sens était évidemment de défendre votre vie ! Le boxeur, qui ne fait pas mystère de ses origines très modestes, à Grigny, et de ses galères de boulot avant de commencer la boxe, a aussi raconté comment la haine dans les quartiers avait été initiée et entretenue par des militants et certaines associations soi-disant anti-racistes, dont l’analyse folle repose sur le passé esclavagiste et ségrégationniste américain, sans rapport avec le passé et le présent de la France métropolitaine. Pour de telles prises de positions, Quarteron est, depuis, boycotté par les médias publics, relais des bien-pensants qui n’adoubent les « racisé(e)s » que lorsque ceux (ou celles)-ci déversent leur haine contre la France et la police comme il convient de le faire. Ces médias et leurs relais risquent d’être de nouveau pris de cours. Les récents propos de Booba ont révélé qu’il est un artiste intelligent, opportuniste, et sensible au vent qui tourne. Or le vent qui souffle est celui des masses, excédées par la violence gratuite, la sauvagerie croissante, l’impunité et les discours victimaires. Un vent qui risque de souffler aussi l’avènement d’un nouveau rap.

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[1] https://www.europe1.fr/faits-divers/info-europe-1-mort-de-nahel-ladolescent-connu-pour-15-mentions-au-fichier-des-antecedents-judiciaires-4191433

[2] https://www.lalsace.fr/faits-divers-justice/2023/08/15/viol-barbare-a-cherbourg-l-auteur-18-ans-deja-vise-par-plusieurs-enquetes

[3] Droit de l’exécution des peines 2023-2024, de Martine Herzog-Evans, éditions Dalloz



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