Quand les truculentes malhonnêtetés de membres du Parlement européen sont révélées, les Brexiters se délectent.
L’affaire de corruption au sein du Parlement européen prend de plus en plus d’ampleur. Sans surprise, cela réjouit le cœur des Brexiters et attire même les critiques des médias de gauche outre-Manche. Rappelons le premier acte de cette tragi-comédie. Le 9 décembre, suite à des perquisitions, la police belge saisit 1,5 million d’euros en liquide et procède à l’arrestation de Éva Kaïli, socialiste grecque, vice-présidente du Parlement européen, son compagnon Francesco Giorgi, assistant parlementaire, et Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste. Quelques jours plus tard, le quotidien, The Daily Mail, s’en délecte en évoquant – photos glamour à l’appui – la vie de jetsetteurs du couple qui aurait mené grand train.
Le même jour, Nigel Farage, grand promoteur du Brexit et aujourd’hui chroniqueur vedette de la chaîne d’infos GB News, s’enflamme dans son émission. Celui qui avait lui-même fait l’objet d’accusations de corruption quand il était eurodéputé peste: « cette affaire, c’est le « bouquet ! » » (« this takes the biscuit »).
Une semaine plus tard, il renchérit : « le fait est, que les gros bonnets de l’UE ont construit un corps de politiciens et de bureaucrates qui constituent ce qui est, en fait, une classe à part. Et en créant cette élite, les pontes de l’UE se sont inspirés de l’aristocratie des bureaucrates les plus doués au monde : les Français ». Entretemps, le quotidien de gauche, normalement pro-européen, The Guardian, avait semblé abonder dans le sens des Brexiters, commentant : « Pourtant, quoi qu’il arrive, le scandale nuira à l’Union européenne, qui aime faire la leçon au monde sur les valeurs démocratiques, y compris les normes de la vie publique. Cette tendance à distribuer des leçons de morale ne se limite pas au Parlement. La Commission européenne s’y complait tout autant. Demandez à la Hongrie, à la Pologne – ou au Royaume-Uni ».
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Le deuxième acte est intervenu le 17 janvier, quand le parquet fédéral belge a annoncé que Panzeri, qui a effectué trois mandats au Parlement européen, avait signé un « accord de repentance » et s’était engagé, en contrepartie d’une réduction de peine, à partager des informations « substantielles » avec les enquêteurs. Le lendemain, son avocat a confirmé l’implication du Qatar et du Maroc dans le scandale de corruption, tout en niant que son client soit le cerveau de l’opération. « M. Panzeri avoue avoir participé activement à des actes de corruption en lien avec le Qatar et le Maroc, avoir été corrompu et avoir corrompu lui-même d’autres personnes ». Prétextant le secret de l’instruction, il a refusé toutefois de confirmer si d’autres pays étrangers étaient impliqués. Or, le 20 janvier, le site en ligne de la revue allemande, Der Spiegel, a publié un reportage détaillé et accablant sur l’affaire après avoir consulté les 1300 documents officiels de cette enquête internationale. Le groupe auquel Panzeri appartenait – ou qu’il dirigeait – a pu bénéficier pendant des années de pots-de-vin du Qatar et du Maroc, mais aussi de la Mauritanie et peut-être de l’Arabie Saoudite. Selon l’eurodéputée allemande écologiste, Viola von Cramon, plusieurs pays ont systématiquement acheté de l’influence au Parlement – non seulement le Qatar et le Maroc, mais aussi la Russie, le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan. Les eurodéputés ne sont pas au bout de leurs peines.
Au moment où la présidente du Parlement, la Maltaise Roberta Metsola, présentait son plan d’action en 14 points pour lutter contre la corruption, la nouvelle est tombée qu’elle n’avait pas déclaré dans les temps 125 des 140 cadeaux qu’elle avait reçus entre février et novembre 2022. Pendant le même temps, d’autres eurodéputés se sont empressés de déclarer des cadeaux, dont certains aussi importants que des voyages internationaux, qu’ils avaient oublié de mentionner avant la date limite. Sans surprise, un autre tabloïd britannique, The Daily Express, n’a pas hésité à jubiler. En tant que présidente, Mme Metsola n’est cependant pas obligée officiellement de faire de telles déclarations et le fait seulement selon une coutume – explication qui n’est toutefois pas de nature à dissiper les soupçons dont le système parlementaire européen fait désormais l’objet.
Que les Brexiters et d’autres au Royaume-Uni pavoisent est peut-être quelque chose de banal. Le problème, cette fois, c’est que leurs critiques, doutes et railleries au sujet de l’UE semblent, au moins en partie, justifiés.