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Cause toujours, tu m’intéresses

L’édito politique de Jérôme Leroy


Cause toujours, tu m’intéresses
Emmanuel Macron et Philippe de Villiers au Puy du Fou en août 2016 © SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA Numéro de reportage: 00768589_000004

La pandémie a provoqué une telle inflation de commentaires contradictoires que même Macron en perd la tête. Sanofi, Canal Saint-Martin, fermeture du Puy du Fou: Jérôme Leroy dézingue tout le monde.


 

Il faut toujours faire attention aux mots. Ce n’est pas toujours facile. On s’aperçoit que tout le monde parle beaucoup et beaucoup trop, souvent pour ne rien dire depuis le début de la pandémie. J’ai du mal à croire que la logorrhée des chaines infos et des talk shows, par exemple, ne masque pas une angoisse profonde chez ceux qui y participent. Parler jour après jour, sur des sujets dont personne ne sait rien. Se transformer en virologue, sociologue, logisticien, spécialiste de l’enseignement, de la pédagogie, de l’agriculture, des plages et des pistes cyclables. Avoir un avis sur tout et si possible très tranché. Les soignants pleurnichent, les profs sont des trouillards ou des feignasses, les Français ne pensent qu’aux vacances, le championnat de foot doit reprendre, les affreux de la CGT veulent tuer l’économie.

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Parler jour après jour, quitte à se contredire : l’affaire du Canal Saint-Martin a été à ce titre édifiante. Un rassemblement de webdesigners à fort pouvoir d’achat de moins de quarante ans ne voit pas pourquoi il ne profiterait pas du beau temps. Ils avaient déjà fait le coup pendant le confinement en pogotant sur du Dalida. Finalement, à leur âge, ils ne risquent pas grand chose et puis s’ils contaminent des vieux ou des insuffisants respiratoires, ils soutiendront les urgences re-submergées en applaudissant à 20h pour montrer leurs belles âmes.

Histoires de canaux

D’habitude sur les plateaux TV, ceux-là sont crucifiés sous le nom de bobos, sur tous les canaux. Et les voilà devenus tout à coup des héros de la liberté. À titre personnel, et puisqu’il est question de mots, je n’emploie plus le terme de bobos. Il ne veut plus rien dire : il regroupe, à Paris, la bibliothécaire anar à 2000 euros mensuel et le startupeur à 40 000, celle qui vit dans une chambre de bonne et celui qui vit dans un loft. Devant le canal Saint-Martin, c’était juste une bourgeoisie hédoniste et dépourvue de tout sens civique, persuadée d’être antifasciste parce qu’elle a voté Macron à 90% en 2017. Quand ceux-là sortent contre toute règle sanitaire, on appelle ça une fête. Quand d’autres sortent en Seine Saint-Denis pour respirer, on appelle ça une émeute. 

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Dernière mini-polémique en date : le Puy du Fou, le son et lumière réac de Philippe de Villiers, le spectacle préféré de la France en pull bleu marine sur les épaules, reste fermé malgré sa localisation en zone verte. Grande émotion chez les amis d’une histoire de France où Robespierre est un tueur et Marie-Antoinette une sainte. Coup de téléphone furibard de Philippe de Villiers à Macron. Ils s’aiment bien tous les deux, paraît-il. C’est normal, l’un se prend pour un monarque et l’autre les regrette. Un scénario bien connu a lieu. Macron a le beau rôle. Philippe le mauvais. Macron promet, Philippe gère. Macron dit : « Pas de problème, on rouvre ». Philippe dit : « On va attendre quand même, on va pas se taper un cluster chouan en plein été. » Macron devient donc le héros des amis de la liberté de (se) contaminer, et Philippe le psychorigide paniquard. C’est étonnant tout de même que Philippe se retrouve devant Macron dans les sondages.  Il est vrai qu’on peut préférer un homme de droite qui ne se cache pas d’être de droite à un autre homme de droite qui se donne comme parangon du progressisme et de la modernité. 

La polémique Sanofi

D’ailleurs, parfois, les mots, encore eux, le trahissent, Macron. Prenons Sanofi : cette entreprise française est financée par nos impôts pour la recherche et annonce froidement que les Américains paient mieux et qu’ils seront servis les premiers. Macron s’indigne ou feint de s’indigner parce ce que là c’est gros  et il dit, texto: « Il est nécessaire que ce vaccin soit un bien public mondial, extrait des lois du marché»

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Non, vous ne rêvez pas, ce que cette phrase dit inconsciemment, c’est que le bien public mondial est contradictoire avec les lois du marché. On ne s’attendait pas, à vrai dire, à un tel désaveu du libéralisme de la part d’un de ses plus zélés serviteurs!



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