Drame de Puisseguin: Quand Mamère récupère


Drame de Puisseguin: Quand Mamère récupère

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«Si on accepte la multiplication des circulations des transports par autocar sur des routes qui sont en mauvais état, on aura d’autres accidents, d’autres déconvenues et d’autres drames ». La saillie de Noël Mamère, jaillie immédiatement après l’annonce de l’accident de Puisseguin qui a fait 43 morts en Gironde vendredi dernier, a créé un nouveau drame, médiatique celui-ci. Un mois après la libéralisation des transports par autocars, le député de Gironde n’a pas hésité à fustiger la politique du ministre de l’Economie en lui mettant des dizaines de morts sur la conscience.

Cette sortie n’a pas échappé au président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone. Dimanche, au micro de Radio J, le candidat aux régionales en Île-de-France a vigoureusement recadré l’élu écologiste: «J’espère que Noël Mamère s’est mal réveillé ce matin, alors qu’il va y avoir cette cérémonie qui va permettre aux voisins, aux amis, à la famille de se retrouver autour de la mémoire des disparus et d’essayer de commencer à faire le deuil après cette catastrophe» avant de lui opposer l’argument par l’absurde : «Est-ce que, lorsqu’il y a une catastrophe aérienne, on va dire qu’il faut interdire tous les vols en avion?». Et le président de l’Assemblée Nationale, de demander à l’élu écologiste, en  guise de repentir, des excuses en bonne et due forme, avant de conclure, moralisateur : «Essayer de faire le lien entre cet accident terrible et une décision gouvernementale, il y a des choses qui ne se font pas».

Un « ça ne se fait pas » martelé par le député PS du Libournais Florent Boudié. Ce lundi matin, l’élu a demandé à Noël Mamère de ne pas participer à l’hommage national qui sera rendu mardi matin aux victimes du drame à Petit Palais en Gironde. L’argument ? La présence  du député-maire de Bègles « est susceptible de provoquer de l’émotion et de la colère parmi des proches des victimes qui sont sous pression, à fleur de peau et qui ne dorment pas depuis trois jours » a précisé Florent Boudié au journal Sud Ouest.

Soucieux de répondre à la polémique, Mamère a lui publié ce lundi matin sur Mediapart un billet de blog dans lequel il dresse un parallèle entre la mort du zadiste Rémi Fraisse en octobre 2014 et le drame de Puisseguin, défendant mordicus l’argument de la responsabilité des pouvoirs publics: « Qu’y avait-il « d’indécent », « d’inepte », de « politicien », de « déplacé » à répéter ces évidences après s’être incliné devant la douleur des familles. Faudra-t-il attendre qu’un autre événement vienne chasser ce drame des écrans pour qu’on se pose des questions qui ne viendront jamais parce qu’elles dérangent,  comme celles que pose la mort de Rémi Fraisse ? »

S’il ne se rendra pas à l’hommage aux victimes, Mamère ne désarme pas pas. « La compassion sur commande est en effet un bon moyen de ne pas se poser les questions politiques que révèlent un tel drame. Et c’est bien à cette injonction que je n’ai pas voulu céder, comme un an auparavant lors de la mort de Rémi Fraisse».

Pour Noël Mamère, il n’y a donc qu’un seul drame : l’information par l’émotion, « la compassion sur commande » relayée par les médias, qui voile l’incapacité des pouvoirs publics à privilégier la « sécurité » de ses citoyens.

« On aura d’autres accidents » met-il en garde. « Un jeune homme de 23 ans mourait pour rien », écrit-il encore sur Mediapart. Le pathos est bien là, noir sur blanc, prêt à émouvoir ou effrayer, pour convaincre. Seule la critique de la politique du gouvernement semble donc arracher au député de Gironde des arguments rationnels. Pour incriminer la loi Macron, une rhétorique solide : «  Une petite route de la campagne girondine serpentant dans les collines entre vignobles et bois », « un autocar transportant des personnes âgées en route vers le Béarn, heurte un semi-remorque dans un virage dangereux où la visibilité est faible ». Le pamphlet anti-Loi Macron est aiguisé. Voilà un J’accuse dernière génération contre l’abandon des lignes secondaires de la SNCF, contre la circulation des poids lourds, contre le non-entretien du réseau des routes secondaires, contre la libéralisation des transports en autocars, le manque de formation continue des conducteurs. Noël Mamère dénonce haut et fort. Faire usage de la mort de Rémi Fraisse et des 43 morts de Puisseguin ? « Où est l’indécence ? » conclut Noël Mamère dans son billet de blog  Mediapart. Relisez-vous, Monsieur Mamère, et vous trouverez.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage :00726795_000003.



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Journaliste et syndicaliste, Manuel Moreau est engagé dans le mouvement social.

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