Après le premier tour de l’élection législative partielle dans la deuxième circonscription l’Oise, Solférino n’est pas d’accord avec sa candidate Sylvie Houssin, éliminée pour avoir rassemblé sur son nom moins de 12.5% des inscrits, laissant l’UMP Jean-François Mancel face à la représentante du Front National Florence Italiani. Un véritable cas d’école. Dimanche, seuls 32% des électeurs se sont déplacés aux urnes. Mancel, dont l’élection de juin dernier a été invalidée par le Conseil constitutionnel[1. Vainqueur avec 63 voix d’avance, un tract ayant été distribué alors que la campagne était close.], a amélioré son score en pourcentages. Le FN aussi. Mais Sylvie Houssin s’est écroulée, comme la cote de popularité de François Hollande, finissant à 21,37 %. C’est surtout en nombre de voix qu’on se rend compte de la claque. La candidate de la majorité présidentielle a obtenu 5 828 suffrages contre 15 143 voix il y a neuf mois.
Pourtant, face à cette gifle, il semblerait que la candidate soit plus lucide que les instances de Solférino. Il n’est en effet pas question pour Sylvie Houssin de « faire barrage au FN » en appelant à voter pour Mancel comme l’ordonne son parti. Ce n’est pas la première fois que Solfé voit l’une de ses candidates rechigner à appliquer le fameux « front républicain ». En juin dernier, Catherine Arkilovitch refusait de s’effacer derrière l’UMP-Droite populaire Jean-Michel Ferrand et se maintenait, permettant la victoire de Marion Maréchal-Le Pen. SOS Racisme dénonçait alors une « candidate de la honte », bientôt exclue par le PS. Mais Arkilovitch reste droite dans ses bottes. Pour elle, la politique, c’est certainement terminé[2. Invitée au journal télévisé régional, elle explique avoir quitté Carpentras et s’être repliée sur sa vie professionnelle.]. Dans ces deux cas, on ne peut que louer la lucidité des candidates. Pourquoi appeler à voter UMP alors que Ferrand et Mancel tiennent le même discours que le FN sur les sujets régaliens et identitaires ? Ferrand émarge à la Droite populaire et paraît encore plus à droite que la jeune candidate frontiste. En quoi le PS était-il forcé de lui apporter son soutien en demandant à sa candidate de se retirer ?
Mais revenons dans l’Oise qui nous occupe en cette fin d’hiver. Et évoquons Jean-François Mancel. Nommé secrétaire général du RPR présidé par Alain Juppé entre 1995 et 1997, son nom défraye la chronique par trois fois. La chronique judiciaire, d’abord avec ses dépenses personnelles établies au nom du Conseil Général qu’il présidait. L’affaire fut classée après remboursement des sommes (in)dues. Une autre affaire, un conflit d’intérêt, lui valut de se faire condamner à 30 000 euros d’amende ainsi qu’à une peine inéligibilité censurée a posteriori par la Cour européenne des droits de l’Homme pour vice de procédure[3. La CEDH estima que la cour de cassation s’étant réunie deux fois dans une composition quasi-identique, le procès ne pouvait pas être considéré comme équitable]. La chronique politique, enfin, lorsque Philippe Séguin, devenu président du RPR, exclut Mancel du parti dont il était encore secrétaire général un an plus tôt, pour avoir fait alliance avec le FN afin de conserver la présidence de conseil général. Avec un tel CV, on comprend que le militant socialiste local ne soit pas forcément enchanté à l’idée de glisser dans l’urne un bulletin Mancel. Comment comprendre qu’on souhaite constituer un « front républicain » derrière un ancien allié du FN ? Florence Italiani, la candidate frontiste, de surcroît, peut difficilement apparaître comme plus à droite que Mancel. Elle est l’épouse d’André Fouchard, lui aussi membre du RPR dans les années 90. À la création de l’UMP, il a refusé de l’intégrer, préférant adhérer au FN. Florence Italiani l’a suivi. Dans Le Parisien, elle explique : « Je ne me suis jamais considérée comme étant d’extrême droite. J’étais même blessée quand on me collait cette étiquette. Même si je n’ai pas partagé toutes les idées du parti, je suis restée dans la ligne et j’aime beaucoup ce que le FN est devenu depuis que Marine le dirige. » Italiani est donc un exemple de la nouvelle ligne frontiste incarnée par le duo Marine Le Pen-Florian Philippot.
Qu’est ce qui différencie idéologiquement Mancel (ou Ferrand) d’un FN marinisé ? Très simple : ils sont plus libéraux sur le plan économique et plus européens. Dans ces conditions, les instances nationales du Parti socialiste sont-elles conscientes du message qu’elles envoient sur le terrain ? Il est difficilement explicable à un électeur socialiste de l’Oise que voter pour Mancel relève du devoir moral. Aussi, le même électeur conclura qu’on lui demande de voter pour le candidat le plus libéral et le plus européen. Ce message s’avère dévastateur, ce qui ne doit pas échapper à Sylvie Houssin. Il l’est d’autant plus que le gouvernement est accusé – et à juste titre – de poursuivre la politique économique et européenne de Nicolas Sarkozy. On assiste donc à une coupure entre la rue de Solférino et les élus et militants de province qui ressemble de plus en plus à celle qui existe à l’UMP. Ce n’est donc pas seulement pour des questions morales et idéologiques que le PS doit en finir avec cette stratégie du « front républicain ». Après tout, l’UMP de Copé n’y adhère pas non plus, préférant le ni-ni. À ce ni FN/ni PS, pourquoi ne pas opposer un subtil « au cas par cas » ? Et n’appeler à voter, par exemple, que pour des candidats UMP dont on serait certain qu’ils auraient retourné la pareille en cas de duel PS-FN ? Expliquer à ses électeurs qu’un second tour opposant Mancel à une candidate FN ne les regarde plus aurait été à la fois moral, cohérent et conforme aux intérêts du PS.
Surtout, cette décision eût été lisible. Ce qui n’est pas du luxe, dans la tempête actuelle.
*Photo : Melle Bé.
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