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Proud Tina

C'était la meilleure, "simply the best"


Proud Tina
La superstar Tina Turner à Cologne, Allemagne, 2009 © Hermann J. Knippertz/AP/SIPA

La star Tina Turner est décédée hier (1939-2023)


Hier soir, mes voisins ont une nouvelle fois frappé à ma porte pour me signifier que j’écoutais de la musique trop fort. J’aurais pu leur répondre que je travaillais ma chronique en hommage à Tina Turner, qui vient de nous quitter à l’âge de 83 ans. Libération, cette fois pas très inspiré, a titré : « Tina the best »,  j’aurais eu un autre titre à leur proposer : Proud Tina, pour paraphraser le tube Proud Mary, cette reprise du groupe Creedence Clearwater Revival, qu’elle a magnifié pour en faire une célébration, un rite vaudou qui ferait entrer n’importe qui en transe. En effet, Tina Turner pourrait être fière de son parcours. Née Anna May Bullock à Memphis (Tennessee), en 1939, au sein d’une famille que l’on qualifierait aujourd’hui de toxique, elle va chercher un peu de consolation et de distraction à l’église baptiste du coin, où elle commence à exercer sa voix quasi surnaturelle – à l’image de celle d’Elvis – en chantant du gospel. Il s’est vraiment passé quelque chose dans les années 50, au Sud des Etats-Unis, encore sous le joug de la discrimination raciale, quelque chose de l’ordre de la synchronicité jungienne, où la musique a  circulé, donnant naissance à des demi-dieux ou déesses, qui ont changé à tout jamais la face de l’Amérique.

Une tornade sur la scène

Anna est vite repérée par le musicien Ike Turner, qui lui fait enregistrer A fool in love, titre qui devient vite un énorme succès. Ike la rebaptise Tina en hommage à Sheena, la reine de la jungle, certainement pour célébrer sa façon animale de bouger, tout en rythme et en abandon. Ike fut un cadeau empoisonné pour Tina. Certes, il lui offrit la célébrité, mais c’est un homme extrêmement violent et pervers, qui l’emmena au bordel lors de leur nuit de noces. Il la bat, mais elle joue le jeu de la parfaite épouse, et, sur scène de la parfaite complice amoureuse. Ike va jusqu’à l’obliger à miner des fellations avec son micro. Elle obéit. Mais tente un jour de se suicider. En 1966, elle enregistre River Deep, Mountain High, à l’initiative du producteur de génie, Monsieur wall of sound Phil Spector. Même si une transaction qui ressemblait à un marché d’esclaves eut lieu entre Ike Turner et Phil Spector, elle entre définitivement dans la légende avec ce titre phénoménal et hypnotisant. Et puis, elle n’en peut plus. Elle se tourne vers le bouddhisme, ce qui lui donna la force de quitter son bourreau. Commence alors pour elle une descente aux enfers, où elle vit de bons alimentaires. Elle divorce et perd tout, sauf le nom de Turner. Mais Tina est un phoenix, une guerrière, et c’est en Europe qu’elle renaît de ses cendres. Plus flamboyante et animale que jamais. Elle délaisse un peu la soul pour le rock’n’roll, confie qu’aux Etats-Unis une chanteuse noire reste confinée à la musique noire, et que cela ne lui convient pas.

Elle avait acquis la nationalité suisse en 2013

Débarrassée de Ike, elle veut atteindre le firmament, grimper au sommet de la Tour Eiffel en talons aiguilles, comme sur la célèbre photo de Peter Lindbergh, remplir des stades à en faire pâlir les Stones, tourner dans Mad Max auprès de Mel Gibson. « Proud Tina kept on burning ». Jusqu’à s’éteindre paisiblement en Suisse un jour de printemps.

Tina Turner

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