Accueil Économie Le libre-échange, c’est la guerre commerciale

Le libre-échange, c’est la guerre commerciale

Quand Valeurs actuelles débat du libre-échange


Le libre-échange, c’est la guerre commerciale
Donald Trump broie la main de Xi Jinping à Pékin, novembre 2017. SIPA. AP22127632_000001

Lisant l’hebdomadaire Valeurs actuelles de cette semaine, j’y découvre des prises de positions contradictoires au plan de l’intelligence économique et incompatibles sur le plan théorique entre la chronique de François d’Orcival et celle, au verso, de Yves de Kerdrel[= »A l’heure actuelle, ces articles n’ont pas été mis en ligne »]1[/tooltips].

Pékin, juge et partie de la guerre commerciale

Le premier a bien compris le projet chinois, et (en creux) celui du président Trump qui entend bien s’y opposer, voire le démanteler. Si les exportations chinoises ont centuplé en trente-cinq ans, c’est qu’elles servent un projet hégémonique indispensable à la paix civile et à l’ordre public sur cet océan démographique de 1,370 milliard de Chinois. Et à son expansion mondiale. Comme le note avec justesse M. d’Orcival, « le premier à condamner la guerre commerciale de Trump, c’est Xi Jinping… parce que les excédents commerciaux sont vitaux pour la Chine ».

Quand on tourne la page, on change complètement de perspective. M. de Kerdrel nous assène des affirmations contestables. Quelques citations pour résumer cette ligne bruxello-mondialiste : « les guerres commerciales font des morts… Chacun de nous a plus à perdre qu’à gagner de la guerre commerciale qui débute et d’un repli sur soi. Le libre-échange est synonyme de paix… » Et M. de Kerdrel d’invoquer les mânes de son hebdomadaire qui « depuis un demi-siècle » mène un combat « pour une économie libérale ». Un demi-siècle, c’est 1968. C’est à dire avant l’Acte Unique européen, avant Maastricht, avant le traité de Marrakech (OMC), celui de Lisbonne, les traités transocéaniques… Rien à voir avec la situation actuelle.

En cinquante ans, tout a changé

Depuis 1968, la fin de la Politique agricole commune, des quotas et des « campagnes » agricoles, de la préférence communautaire, des accords Afrique-Caraïbes-Pacifique/CEE, puis l’avènement de la monnaie unique ; les travailleurs migrants ; la financiarisation mondialisée ; l’émergence de la Chine ont bouleversé la donne.

Quoi de comparable entre les deux périodes ? Yves de Kerdrel s’émerveille des performances des entreprises du CAC 40 : « Si nos champions français sont devenus de vrais champions c’est qu’ils ont devenus de moins en moins français (sic). Faut-il s’en désoler ? Non… » Puis il ajoute, citant Montesquieu, que « l’effet naturel du commerce [du temps de la marine à voile] est de porter à la paix ».

Il faut reprendre ces jugements hâtifs. C’est la situation actuelle de mondialisation qui est une guerre commerciale injuste et qui fait des morts. La France et l’Europe se sont terriblement désindustrialisées au profit de l’Asie (la part industrielle dans l’emploi est passée de 20 % en 1989 à 12 % en 2014 et 11 % en 2017. Notre déficit commercial est chronique (-62 milliards en 2017, contre -48 en 2016). Puis Kerdrel conclut, prophétique : « n’oublions pas que les guerres commerciales ont toutes précédé des conflits armés ». Or c’est une vue de l’esprit sans réalité historique : les conflits armés ont des origines religieuses, territoriales, la convoitise de richesses, notamment agricoles, maritimes, minières et pétrolières.

C’est la mondialisation qui est l’agression

C’est donc exactement le contraire de ces vaticinations qu’on lit un peu partout. Car c’est quand on s’en prend aux moyens de vie d’une nation ou de ses habitants que naît, même dans une démocratie, la volonté d’une résistance et la guerre défensive pour la juste survie des forces productives de la nation. Trump se rappelle que c’est la négation de l’économie américaine par la métropole anglaise qui a provoqué la guerre d’indépendance (Sugar, Stamp, Townshend, Tea Acts de 1764 à 1773). « Le protectionnisme c’est la guerre«  ? La phrase recyclée par Emmanuel Macron, est prétend-t-on, empruntée à Aristide Briand (septembre 1929 à la SDN à Genève). Lui-même l’avait (mal) tirée d’un article de Von Mises qui disait (pensant au Reich dont il avait été banni) qu’un pays qui se prépare la guerre est protectionniste. Ce n’est pas la même chose. La légitime défense n’est pas la guerre. C’est la mondialisation qui est l’agression. Quant à l’économie, elle ne se résume pas au CAC 40. Le chiffre de l’emploi et le niveau de vie sont les seuls vrais indicateurs. Une nation doit donc protéger, quand c’est nécessaire, son industrie et son agriculture. Et même si on n’était pas d’accord qui va arrêter le brise-glace Trump ? Autant le suivre et en tirer profit.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent « Nora », un roman noir au pied des Alpes suisses
Article suivant Sollers et Gaudemet sur le divan

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération