Un mois après le cyclone Chido, Mayotte s’enfonce dans la crise. Face aux Comoriens, Mansour Kamardine (LR) estime que la France doit être beaucoup plus inflexible.
Gil Mihaely. Avant de parler de la suite et des leçons à tirer, quelle est la situation actuelle sur le terrain ?
Mansour Kamardine. Plus d’un mois après le passage du cyclone Chido, la situation reste extrêmement difficile. L’accès à l’eau est erratique, la sécurité se dégrade fortement, l’économie est à terre, l’électricité n’est que partiellement rétablie, l’éducation est suspendue et les services de santé fonctionnent en mode fortement diminué. À cela s’ajoute l’isolement des villages reculés et un accès à la nourriture difficile pour une grande partie de la population démunie.
Comment évaluez-vous la gestion de la crise par l’État et les autorités locales, depuis l’alerte jusqu’à aujourd’hui ?
Le manque de planification stratégique, souligné par la commission d’enquête parlementaire sur les risques naturels outre-mer que je présidais en 2023 et 2024, conduit l’État à improviser avec des moyens notoirement insuffisants. On peut comprendre une réponse imparfaite dans les jours qui ont suivi Chido. Cependant, cinq semaines après la catastrophe, le niveau d’intervention de l’État n’est pas à la hauteur d’un pays qui a bâti sa puissance sur les capacités mobilisatrices de son administration centrale. En revanche, la réaction des autorités préfectorales et des acteurs locaux est remarquable. Ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens limités que Paris leur donne.
Peut-on distinguer les dégâts subis par les citoyens français de ceux affectant les résidents sans statut légal ?
On peut surtout distinguer les conséquences politiques tirées par le pouvoir exécutif ! Il semble qu’en métropole, certains aient saisi cette catastrophe comme une occasion de tordre le bras des Mahorais et d’imposer ce que nous ne voulons pas : la « comorisation » de Mayotte à travers l’installation durable des étrangers arrivés clandestinement, via l’école et le logement, ce qui constitue le cœur même du projet de loi d’urgence porté par Manuel Valls.
Avec une population composée d’un tiers de Français, un tiers de Comoriens en situation régulière et un tiers de Comoriens en situation irrégulière, il est ni plus ni moins proposé aux Français de Mayotte de devenir une minorité légale chez eux. Cela ne se passera pas bien !
Comment envisagez-vous la reconstruction ? L’exemple de Notre-Dame de Paris vous semble-t-il pertinent en termes de mobilisation et de rapidité d’action ?
Depuis des années, nous demandons la mise en place d’outils similaires à ceux de Notre-Dame pour permettre une mise à niveau rapide des infrastructures de base et des équipements, favorisant un développement durable du département. On nous le refuse constamment. Maintenant, on nous propose de suivre l’exemple de Notre-Dame, mais pour reconstruire à moitié. C’est inacceptable ! Mayotte est à construire, non à reconstruire, sauf à considérer que la pauvreté, l’inégalité sociale et la submersion migratoire sont les valeurs de la République appliquées à Mayotte.
Le projet de loi d’urgence porté par le ministre des Outre-mer est donc non seulement insuffisant, mais inacceptable. Sans dispositions efficaces permettant de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, les pillages et la destruction des bidonvilles, et sans mesures sur le pouvoir d’achat pour répondre aux besoins des plus démunis après la destruction des cultures vivrières, j’aurais voté contre ce projet. Manuel Valls parle beaucoup, surtout de ce qu’il ne fait pas.
Comment aborder efficacement la question de l’immigration non contrôlée ? Quels moyens envisager pour stopper le flux migratoire ?
C’est avant tout une question de volonté politique, qui doit se traduire par une fermeté diplomatique envers les Comores, le déploiement de moyens humains et matériels adaptés, et une adaptation des lois à la situation de Mayotte, comme le permet explicitement l’article 73 de la Constitution. Affirmer que la France ne peut maîtriser ses frontières à Mayotte, alors que 70 km nous séparent des Comores et 400 km des côtes africaines, revient à reconnaître l’incapacité de l’Europe à contrôler les migrations à Gibraltar, distante de seulement 14 km de l’Afrique. Basique !
Comment gérer les personnes déjà présentes sur le territoire, notamment celles touchées par la tempête, ainsi que leurs familles ?
Il convient de leur apporter une aide humanitaire : distribution d’eau, de nourriture, hébergement temporaire et soins. Ensuite, il faut raccompagner aimablement mais fermement ceux arrivés clandestinement dans leur pays d’origine. Simple !
Quelle politique la France devrait-elle adopter vis-à-vis des Comores pour apaiser les tensions et coopérer sur des questions essentielles comme la migration et le développement ?
Par pusillanimité, le Quai d’Orsay maintient de facto des tensions avec les Comores par une ligne molle permettant aux autorités comoriennes de jouer sur tous les tableaux. Une position claire, ferme et invariante est essentielle pour contraindre les Comores à prendre au sérieux la situation.
Existe-t-il un problème au regard du droit international dans la gestion de la crise ou dans les relations entre la France et les Comores ?
Absolument pas. L’archipel des Comores est composé de quatre îles et quatre peuples, mais trois ont choisi de constituer un État indépendant lors de la décolonisation. Les Mahorais, eux, ont choisi en 1841 de rejoindre la France et de maintenir leur appartenance à notre nation. L’ONU consacre dans sa charte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les revendications comoriennes sur Mayotte relèvent davantage d’un colonialisme historique grand-comorien et d’une diversion face à l’échec de leur indépendance.
L’usage de la force est-il envisageable ou souhaitable dans ce contexte ?
La défense de nos frontières fait partie des missions des armées. Toutefois, de nombreux moyens diplomatiques et économiques peuvent être mobilisés pour nous faire entendre. Il n’est pas nécessaire d’imaginer des scénarios extrêmes qui servent probablement des intérêts étrangers lorgnant sur les richesses du canal du Mozambique.
Qu’attendez-vous concrètement de l’État et du législateur dans les semaines et les mois à venir ?
J’attends que le projet de loi d’urgence pour Mayotte soit réorienté vers la reconstruction et la mise à niveau des équipements de base, et non vers l’installation durable des clandestins. Le texte actuel est une pompe aspirante à l’immigration clandestine. Il maintient le sous-développement de Mayotte et aggrave la situation des Mahorais. Manuel Valls qui à travers son action sous la présidence de François Hollande porte une responsabilité importance pour la situation actuelle, va pouvoir mesurer dans ses nouvelles fonctions et dans les semaines qui viennent l’attachement des Mahorais à la France. Les « y a qu’à faut qu’on » mais plus tard, c’est terminé !