Les Français se désolent de voir de plus en plus de commerces qui ferment dans leurs villes. Mais ce n’est pas seulement la faute d’Amazon !
Imaginez un instant que le propriétaire de votre appartement vous demande de payer sa taxe foncière en plus de votre loyer et des charges qui vous incombent. Évidemment, vous refuseriez et prendriez cela pour une mauvaise blague. Imaginez maintenant que ce même propriétaire vous demande, de surcroît, de verser un dépôt de garantie équivalent à douze mois de loyer, tout en vous précisant qu’il sera inutile de le joindre en cas de problème de plomberie, d’électricité ou de quelconque mise aux normes. Non, vous ne rêvez pas : cela se déroule bien en France, à l’exception près que cela ne concerne pas les appartements mais les locaux commerciaux.
Ouvrir son commerce : du rêve au cauchemar administratif
Si l’on part du principe que ces usages sont non seulement largement répandus mais complètement tolérés, on comprend aisément qu’il y ait aussi peu de murs commerciaux en vente puisqu’il s’agit d’un des placements immobiliers les plus lucratifs qui soient. Chaque jour, des gens se promènent dans les centres-villes et font amèrement le même constat : les commerces ferment. Les raisons sont multiples : départs en retraite de la génération des baby-boomers, concurrence des géants de l’e-commerce international, baisse du pouvoir d’achat des Français, hausse de l’épargne ou encore changement des modes de consommation. Les études à ce sujet sont nombreuses et sont toutes très instructives. En réalité, vous savez quoi ? Ce n’est pas si grave. La vraie question qu’on devrait se poser et qui devrait nous inquiéter, ce n’est pas pourquoi les commerces ferment mais pourquoi il y en a si peu qui ouvrent ?
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Non, les jeunes générations ne sont pas fainéantes et, aussi étonnant que cela puisse paraître dans cette société 2.0 qui est la nôtre, le commerce physique de proximité créée encore des vocations. Je rencontre fréquemment des jeunes gens, seuls ou en couple, qui rêvent d’ouvrir leur échoppe que ce soit pour une activité artisanale ou commerçante. Malheureusement, si ceux-ci survivent au dédale administratif et au parcours du combattant de l’entrepreneuriat en France, ce n’est souvent que pour se heurter à un mur, celui du commerce qu’ils n’ouvriront jamais, faute de moyens. La législation des baux commerciaux n’a quasiment pas évolué depuis les années cinquante. C’est bien la seule chose qui n’ait pas changé dans le monde du commerce depuis cette période !
Et si on mettait un bon coup de pied dans la fourmilière de l’immobilier commercial?
Autant vous dire que, début mars, lorsque j’ai entendu Mme Olivia Grégoire, Ministre déléguée chargée des entreprises, annoncer des mesures pour encadrer les baux commerciaux, j’ai eu beaucoup d’espoir. Cela faisait des années que les fédérations commerciales et instances représentatives alertaient le gouvernement à ce sujet. Cette semaine, à la lecture du Projet de Loi Simplification (LSA) qui va bientôt être soumis au Conseil d’état, mon enthousiasme est quelque peu retombé. Au programme : un plafonnement des dépôts de garantie qui ne devront plus excéder trois mois de loyer ainsi que la possibilité pour les commerçants de payer leur loyer mensuellement. J’avais en effet omis ce détail : le propriétaire d’un local commercial est actuellement en droit d’exiger un paiement du loyer par semestre et donc de faire fructifier en placements financiers une trésorerie pourtant vitale aux commerçants…
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Tout ça pour en arriver là ! Ce n’est pas la première fois que des politiques donnent l’impression de s’attaquer à un problème pour, au bout du compte, l’effleurer à peine. Est-ce par manque d’audace, méconnaissance du sujet ou encore conflit d’intérêts ? Qu’importe : l’immobilisme est à l’œuvre et ses conséquences sont, chaque jour, catastrophiques pour les commerçants et artisans français.