Accueil Économie Projet de loi contre la corrida : « C’est une volonté d’anonymation de notre culture ». Entretien avec le député RN, Emmanuel Taché de la Pagerie

Projet de loi contre la corrida : « C’est une volonté d’anonymation de notre culture ». Entretien avec le député RN, Emmanuel Taché de la Pagerie

Le jour du vote à l'Assemblée, un plaidoyer pour la corrida.


Projet de loi contre la corrida : « C’est une volonté d’anonymation de notre culture ». Entretien avec le député RN, Emmanuel Taché de la Pagerie
© Manuel da Costa

Le député de la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône, où se situe la Camargue, nous explique pourquoi il est essentiel d’infliger une défaite retentissante au projet de loi d’Aymeric Caron visant l’abolition de la corrida. Le texte en question est encore un symptôme de l’incompréhension profonde du monde rural chez un grand nombre de politiques parisiens et urbains.


CAUSEUR. La commission des lois a déjà donné un avis défavorable à ce projet de loi. Le débat là-dessus ce jeudi garde-t-il encore quelque importance ?

Emmanuel Taché de la Pagerie. Oui, car la commission des lois ne donne qu’une orientation de ce qui peut se passer dans l’hémicycle. Encore faut-il qu’il y ait le nombre suffisant de parlementaires pour rejeter le texte d’Aymeric Caron. Et même si ce texte était rejeté, rien n’empêcherait, à l’avenir, monsieur Caron de présenter tous les ans, tout le long de la mandature, absolument le même texte. En tant que député de Camargue, je défends les intérêts des citoyens que je représente. Je suis allé voir Éric Dupont-Moretti pour lui demander de mobiliser la majorité présidentielle contre ce projet de loi : j’ai l’impression que le message a été entendu.

C’est un vote libre, mais est-ce qu’il y a quand même une division politique ?

Non, il n’y a pas de division politique au sens des partis politiques. Il y a effectivement des gens qui sont farouchement pour et d’autres farouchement contre. Ce que je vois autour de ce sujet, c’est qu’il y a une réelle méconnaissance de la part de mes collègues du monde taurin et de la réalité agricole, économique et même sociale. Je vois dans les écoles taurines des enfants qui, plutôt que de faire le guet ou de vendre de la drogue dans certaines cités d’Arles, font de la course camarguaise, deviennent toreros. Ça les extrait d’un milieu où il y a de la violence et ça leur permet une assimilation, une cohésion nationale. Les jeunes gens intègrent la vie en société. Dans une circonscription comme la mienne, la corrida est essentielle au maillage social.

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Dans les corridas, il y a les grands exploitants terriens, les grands propriétaires terriens, les grandes familles. Mais aussi des ouvriers, des employés, des jeunes. Les gens boivent de la bière, fument des cigarettes dans les arènes. Il n’y a pas de CRS dehors pour séparer les gens, ce n’est pas un match de foot qui aurait été mal arbitré. C’est une discipline qui ne créé aucune violence. Il y a de la bonne humeur et de la cohésion.

Il reste la question de la souffrance animale…

Certes, la mise à mort peut paraitre cruelle, mais je rappelle qu’il y a 900 taureaux qui passent dans les arènes et 3 millions d’animaux tués chaque jour dans des abattoirs. Le taureau est un animal sauvage, on ne le tue pas n’importe comment. Quand on plante l’épée dans la colonne de l’animal, c’est pour qu’il meurt tout de suite sans souffrance.

Si les gens qui sont préoccupés par le bien-être animal devraient se pencher en priorité sur la question de l’élevage industriel, quelle peut être la motivation d’un Aymeric Caron qui semble obsédé surtout par la question de la corrida ?

Il y a d’abord une véritable méconnaissance : l’élevage du taureau est une agriculture extensible. Un taureau vit a minima 4 ans sur un hectare à lui tout seul, sans intervention humaine. Si ce n’est des besoins de soins vétérinaires ou d’eau en période de sécheresse. En termes de bien-être animal, on est au maximum. Mais la volonté de Monsieur Caron, c’est de détruire des schémas de cohésion sociale qui existent depuis des siècles. La corrida, telle qu’on la connait, existe depuis l’impératrice Eugénie. Mais la culture taurine existe depuis plus longtemps : sur notre territoire, elle a mille ans. Après la corrida, ça sera la chasse à courre, la chasse, la pêche. Ces gens veulent nous expliquer que, depuis des siècles, nous sommes dans l’erreur. Que depuis des siècles des traditions sont transmises dans l’erreur. Je ne connais rien qui soit plus vertueux que la chasse dans la préservation des espèces et des paysages. On est dans ce délire wokiste où tout se vaut. Ces gens ne s’en prendraient jamais à des traditions du bout du monde mais s’en prennent à ce qui fait la colonne vertébrale de nos territoires. C’est une volonté d’« anonymation » de notre culture.

On parle d’une division entre ruralité et la vie urbaine. Cela se confirme ?

C’est clairement ça. Si l’on doit grossir le trait, les opposants à la corrida se présentent comme des « sachants » : ils pensent pour les autres, ils aimeraient même pouvoir respirer pour les autres. Et nous, nous sommes des sauvages, des barbares et des ploucs qui ne savons pas comment vivre la vie. Alors que ce n’est pas vrai. Toutes nos organisations, tous nos rites, toutes nos traditions le montrent.

Qu’est-ce qui empêche ces personnes de comprendre la relation millénaire entre l’homme et les animaux ?

Ce sont des gens qui remettent en cause tout ce qui fait société depuis l’ère néolithique. Ils trouveront toujours des perspectives pour dire que ce qui existe ne devrait pas exister : l’agriculture, la domestication… Ce sont eux qui sont inadaptés. Sortis de leurs grandes villes, quel est le monde qui s’offre à eux ? Ça voudrait dire quoi ? Que notre schéma global est vicié et dans l’erreur ?

Est-ce que ce genre de mépris pour la campagne et ceux qui y habitent peut provoquer d’autres révoltes à l’instar des gilets jaunes ?

Non, je ne crois pas. Les Français sont tellement à bout de tout qu’ils n’ont plus la force de se révolter. Je le vois bien en circonscription, les gens sont plus occupés à savoir comment ils vont payer leurs factures et remplir leur frigo. Monsieur Macron a tout à fait réussi son pari. Il a réussi à complétement anesthésier tout un peuple.

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Est-ce que le même mépris pour les « petites gens » et leurs traditions qui s’exprime à travers ces condamnations des crèches dans les mairies ?

Je trouve que c’est ubuesque que le Conseil d’État mette son nez dans ce genre de chose. Je crois que les maires sont libres de d’installer des crèches, certes pour la tradition mais aussi pour la mise en valeur du travail des artisans santonniers qui est très important notamment en Province où se trouve ma circonscription. Certes, Noël est une fête chrétienne et l’État est laïc, mais la France est d’essence chrétienne. C’est malheureux que les élus se soucient des crèches dans les mairies plutôt que des mosquées clandestines dans certains quartiers, qui ne tiennent pas des propos de paix et d’amour.

Une minorité n’a pas à imposer un schéma sous prétexte d’un hygiénisme intellectuel.

En ce qui concerne les incendies qui ont ravagé le Sud de la France cet été, certains commentateurs ont pointé le fait que les écologistes se battent pour la préservation de la végétation aux dépens de la forêt.

Cette approche prétendument « écologique » est une véritable hérésie, puisque le non-entretien de la végétation limite l’accès des pompiers qui essaient de combattre le feu. N’importe quel forestier le sait. Il s’agit toujours de la même méconnaissance totale du monde rural. Il y a une rupture profonde entre Paris et la province. Au niveau de la politique nationale, nos réalités sont totalement gommées.

Craignez-vous que la catastrophe sécheresse/incendies se répète l’été prochain ?

Bien sûr. J’ai été entendu cette semaine à Arles par des enquêteurs du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Agriculture. Je leur ai dit qu’il n’était pas question que 2023 ressemble à 2022 et que les services de l’État osent me dire qui faut qu’il pleuve pour que les choses s’arrangent. L’eau, on en a – c’est une question de captation et de redistribution. En Camargue, c’est la première année où, avec un taux de sel de 5g/litre, on a eu des bêtes qui se sont empoisonnées en buvant dans une flaque, et où mes riziculteurs commencent à faire de la culture hors-sol de tomates pour survivre. Et si on n’a plus d’élevage de taureaux, la Camargue telle qu’on la connait n’existera plus. La Camargue, comme la lagune de Venise, est une création entièrement humaine. Sans l’intervention de ces animaux, tout sera bouleversé.

Quel serait votre message d’espoir pour tous ces citoyens ruraux qui sont à bout ?

Allez voter ! Prenez votre destin en main. Je crois que tout tient grâce à la démocratie. Et il faut remettre sur la sellette que la liberté est la règle. Que ce soit pour la corrida, la chasse ou d’autres pratiques. Une minorité n’a pas à imposer un schéma sous prétexte d’un hygiénisme intellectuel.



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