L’annonce en fanfare du programme d’Emmanuel Macron avait tout pour impressionner: 500 experts, 3000 ateliers avec, paraît-il, la participation de 30 000 Françaises et Français. Fallait-il tant de monde pour aboutir à un résultat aussi creux ?
Il suffit d’écouter les Français pour connaitre leurs principales préoccupations, finalement assez simples : chômage et baisse des revenus, immigration, éducation, justice et sécurité, lourdeur de la pression fiscale et donc des dépenses publiques, système social pléthorique et désordonné.
Le pédagogisme toujours roi
Sur tous ces sujets majeurs, peu ou pas de propositions sérieuses. Rien sur la justice, rien sur l’immigration (et comment cela intéresserait-il Macron qui a félicité Merkel d’avoir ouvert largement ses frontières ?), aucune réponse aux attentes des « travailleurs pauvres », immigrés compris, qui ont le sentiment frustrant d’être moins bien traités que les assistés. Rien par ailleurs sur la famille et la politique familiale – et donc aucune perspective de revenir sur sa destruction par les socialistes.[1. Sauf les familles immigrées principales bénéficiaires des allocations « ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin », les natifs pauvres n’ayant plus guère d’enfants.] Et il n’est guère question de politique étrangère : pour quoi faire ? Macron compte poursuivre la politique d’alignement servile sur l’OTAN qui a valu à Hollande le mépris universel. Est seulement proposé un « quartier général européen »: pour faire la guerre à qui?
Sur la sécurité, les rares propositions sont d’une pauvreté affligeante : retour à la police de proximité (dite « police de sécurité quotidienne »), « ne plus tolérer les incivilités », plus vite dit que fait. « Toute peine prononcée sera exécutée », mais encore faut-il que ces peines soient prononcées, ce qui n’est pas évident aujourd’hui vu les dérives de la justice, dont Macron ne s’émeut pas.
Sur l’éducation, à quoi sert de proclamer que l’on donnera « la priorité à l’école primaire » si on n’en change pas les méthodes, ce dont il n’est nullement question ? Ou de donner plus d’autonomie à des chefs d’établissement habitués à ne pas faire de vagues ? Ne sont remis en cause ni les méthodes pédagogiques aberrantes, ni le tronc commun, ni la réforme désastreuse du collège par Najat Vallaud-Belkacem, ni celle des rythmes scolaires, réformes que même Jean-Luc Mélenchon veut abroger.
Pas question non plus de « la France périphérique », provinciale et rurale, qui souffre et dépérit : on peut imaginer que le quart des départements qu’il projette de supprimer sont de cette France-là.
L’affaiblissement de l’Etat
Les Français croulent sous les impôts : le programme prévoit de supprimer la taxe d’habitation, la seule que tous, Français et étrangers, payent. Il prévoit aussi la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 20 % et, comme Fillon, l’abrogation de l’ISF. Quoique cela ne soit pas dit, Macron envisage de compenser ces baisses par un super-impôt foncier. Moins d’impôts pour le haut et le bas de l’échelle, encore plus pour les classes moyennes, soit les 58 % de Français ayant un bien foncier, qui seront un peu plus laminés.
Sur les 96 propositions, 27 annoncent une augmentation des dépenses, presque aucune ne tend à les réduire; il est seulement question de « lutter davantage contre la fraude fiscale ou sociale », ce qui laisse supposer que le ministre Macron ne le faisait pas assez. Propositions dépensières : augmenter le minimum vieillesse de 100 € par mois, augmentation de l’allocation adulte handicapé de 100 € aussi, extension du bénéfice de l’assurance chômage à ceux qui démissionnent, remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires, plan de 5 milliards pour la santé, de 5 milliards pour l’agriculture, grand plan d’investissement de 50 milliards, 2% du PIB pour la défense nationale (précisément l’objectif fixé par l’OTAN), soit au moins 20 milliards de plus. Ajoutons : « Nous augmenterons les salaires de tous les travailleurs, des ouvriers, des employés » d’un 13ème mois. Le Fonds pour l’industrie et l’innovation, prévu en sus, sera financé par la vente des participations de l’Etat dans les industries stratégiques, ce qui va encore affaiblir sa capacité de manœuvre. De politique industrielle, il est à peine question chez celui qui a autorisé la cession d’Alstom à General Electric.
Comme Marine Le Pen et à la différence de François Fillon, Emmanuel Macron maintient la retraite à 60 ans, sans même exiger, comme elle, 40 ans de cotisation.
L’Europe, l’Europe…
Macron a beau promettre de « construire une Europe qui développe nos emplois et nos économies », qui « protège nos industries stratégiques », on sait bien qu’elle a fait le contraire jusqu’ici. Il ne servira donc à rien de réunir « des conventions citoyennes pour redonner un sens au projet européen » (toujours le peuple ignare à qui on a mal expliqué les choses !) si le logiciel de l’Europe de Bruxelles n’est pas revu en profondeur.
François Fillon est pour le maintien de l’euro mais il intègre à son programme les disciplines que cela implique (abrogation des 35 heures, retraite à 65 ans, réduction de la fonction publique). Emmanuel Macron est pour l’euro mais sans les disciplines qu’implique son maintien. Marine Le Pen les refuse aussi mais se propose de mettre fin à l’euro. François Fillon et Marine Le Pen, chacun à leur manière, sont cohérents. Emmanuel Macron, lui, ne l’est pas. Si son programme était appliqué, il ne lui resterait qu’à faire comme François Hollande : attendre le retour de la croissance pendant cinq ans en regardant d’un air désolé grimper chômage et déficits, ce qu’il faisait comme principal conseiller économique de l’actuel président.
Autres contradictions sur l’Europe : il propose que les agriculteurs « soient payés au prix juste » et ne vivent plus de subventions, alors même que c’est Bruxelles qui a imposé en 1992 la réforme de la PAC laquelle a remplacé la rémunération par les prix par une rémunération par les primes. Comment d’ailleurs concilier ces intentions avec la volonté d’étendre le libre-échange à travers l’accord économique et commercial global (CETA), traité euro-canadien qu’il est le seul candidat à soutenir et qui fera encore baisser les prix ?
Hollande en pire
Loin de laisser espérer plus de liberté, le programme d’Emmanuel Macron annonce en outre, entre les lignes, le resserrement de toutes les contraintes bureaucratiques et idéologiques liées à la pense dominante: environnement (150 % de produits bios dans les cantines ou mise à la casse des vieilles voitures), parité à tous les étages, non-discrimination à tout va : « Nous ferons de la lutte contre la discrimination une priorité nationale » ; et même discrimination positive sous la forme d’ « emplois francs » pour les ressortissants de certaines banlieues. Le nom des entreprises ne respectant pas la parité homme/femmes sera rendu publique. Evaluation systématique des services publics dont on sait le caractère arbitraire des critères. En perspective, une société orwellienne où la pression du politiquement correct se fera encore plus étouffante. Bonjour le candidat jeune et libéral !
⚡️VIDÉO – Quand #Macron lit un discours (qu’il n’a pas écrit) et qu’il ne comprend pas. pic.twitter.com/vBqCzYoKqI
— AlertesNews (@AlertesNews) 15 avril 2017
Tout cela est assorti, ficelle un peu grosse, de quelques propositions ponctuelles clinquantes: interdiction de téléphones portables à l’école primaire et au collège (et au lycée ?), ouverture des bibliothèques le soir et les week-ends, un pass culturel (ce que font déjà beaucoup de maires), remboursement des lunettes et des prothèses dentaires à 100%. L’enseignement du fait religieux à l’école, vieille lune là aussi, fait craindre des abus.
Rares propositions positives : le rétablissement de classes bilingues, promis aussi par François Fillon, et la limitation des sessions parlementaires.
En résumé, ce programme, souvent flou et toujours démagogique laisse apparaître le prolongement et même l’aggravation des tendances majeures du quinquennat Hollande : immigration non contrôlée, déclin du système éducatif, explosion de la délinquance, sacrifice des familles et dénatalité, alourdissement des dépenses publiques et de la fiscalité, persistance d’un volant de chômage, système social injuste, police de la pensée. C’est ce qui explique sa pauvreté, mal masquée par le « bling bling » : la société du spectacle, chère à Guy Debord, est plus que jamais « en marche ».
La philosophie générale de son programme est claire : davantage d’Europe et d’ouverture des frontières (aux hommes, aux marchandises, à la finance), pour une société mondialisée où la France, coupable de crimes contre l’humanité et qui, dit-il, n’a pas de culture propre, ne pèsera guère. Tout ce que demande le peuple…
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