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Poelvoorde de retour dans « Profession du père »

Un coup de génie de Jean-Pierre Améris


Poelvoorde de retour dans « Profession du père »
Benoît Poolevorde dans le film "Profession du père" de Jean-Pierre Améris © 2019 Curiosa Films

Les salles de cinéma ont retrouvé toutes leurs capacités et les films sortiront en cascade durant tout l’été. Quoi de neuf alors ? Causeur est allé voir le dernier film de Jean-Pierre Améris, en salle le 28 juillet 2021


On peut bien l’avouer ici sans détour, le cinéma de Jean-Pierre Améris s’apparentait jusqu’à présent à une tentative aussi ratée que permanente de faire majoritairement des comédies sentimentales plus ou moins à l’eau de rose et qui pouvaient virer au mauvais mélo. On y croisait ainsi Sandrine Bonnaire et Jacques Dutronc vivant une histoire d’amour dans un mouroir, aussi bien que la sempiternelle larmoyante Isabelle Carré tentant de soigner sa timidité via une thérapie collective ou bien encore Virginie Efira en mère de famille au bord du gouffre. Les titres de ces films sonnaient comme des programmes lourds et perdus d’avance (« C’est la vie », « Les Émotifs anonymes », « Une famille à louer ») et l’on préfère passer les autres sous silence. Deux d’entre eux avaient pourtant un point commun qui aurait pu constituer un atout majeur et déterminant en la personne de leur acteur principal, Benoît Poelvoorde.

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Or, même lui ne parvenait pas à sauver ces deux navires du naufrage dans les eaux abyssales de la niaiserie. Dans ces conditions (« Jamais deux sans trois », n’est-ce pas ?) aurait-on vraiment le courage d’aller voir le nouveau film d’Améris avec Poelvoorde dans le rôle-titre : « Profession du père » ? Repoussée de vrai en faux déconfinement, la sortie elle-même semblait improbable ; comme un signal d’alarme inquiétant. Conscience professionnelle d’airain, on finit cependant par laisser une nouvelle et énième dernière chance au dénommé Améris. Poelvoorde n’y était pas pour rien.

Merci Poelvoorde !

On sait depuis longtemps qu’il est un acteur-ovni par excellence, capable du pire et du meilleur, au gré de ses rôles et plus encore de la faculté de ses réalisateurs successifs de conduire ce pur-sang. Qui n’a pas vu l’un de ses premiers films intitulé « Les Portes de la gloire », de Christian Merret-Palmer, ne sait pas de quoi Poelvoorde est capable depuis toujours. Dans ce film décidément trop méconnu, il campe un voyageur de commerce qui le soir à la veillée se prend pour le héros du « Pont de la rivière Kwaï » entre autres délires pitoyables. Dans le registre de la folie et de l’inquiétante étrangeté, il peut aller très loin, comme Gassman par exemple savait le faire.

Benoit Poolevorde dans le film « Profession du père » de Jean-Pierre Améris © 2019 Curiosa Films

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C’est précisément là où l’a conduit le rôle qu’il tient dans « Profession du père », film d’autant plus recommandable qu’il ne repose pas seulement sur la composition époustouflante de Poelvoorde. Adapté d’une partie, mais d’une partie seulement, du livre éponyme de Sorj Chalandon, le film raconte l’enfance lyonnaise, en 1961, d’un petit garçon, fils unique d’un couple composé d’une femme au foyer et d’un ancien parachutiste de la guerre d’Algérie, qu’incarne donc le génial Poelvoorde. Partisan de l’OAS, antigaulliste acharné, paranoïaque, complotiste avant la lettre et mythomane grandiose, ce père n’a de cesse d’entraîner son collégien de fils dans le prétendu réseau secret dont il fait partie et qui se verrait bien transformer l’essai raté du Petit-Clamart ! Ce pourrait être une grosse farce ou ce pourrait être un sombre drame.

Un jeu subtile

Or, grâce notamment à Poelvoorde, ce n’est ni l’un ni l’autre ou plus précisément, la subtilité du jeu de l’acteur fait osciller le film en permanence entre ces deux extrêmes. D’une justesse et d’une crédibilité absolues, Poelvoorde entraîne son fils autant que nous dans ses délires absolument improbables. On est bluffé devant cette performance que n’importe quel cabot aurait transformée en un jeu de massacre facile. Or, il s’agit aussi de rendre possible la fascination d’un fils pour son père et cela Poelvoorde y parvient également. Petit tyran domestique insupportable, tour à tour lâche, veule, dangereux et proche de la folie furieuse, ce père est en quelque sorte sauvé de son propre néant par le jeu de Poelvoorde, de la première à la dernière image (ou plutôt l’avant-dernière car, et c’est bien le seul reproche que l’on peut faire au film, un épilogue inutile vient le conclure). Avec ce rôle, Poelvoorde franchit un nouveau cap dans sa carrière de grand agité du bocal et l’on ne peut que s’en réjouir. Vivement la suite.

Été 2021 – Causeur #92

Article extrait du Magazine Causeur




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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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