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Décapité pour avoir montré un dessin

L'analyse de Céline Pina de l'attentat du 16 octobre 2020


Décapité pour avoir montré un dessin
Le président Macron s'est exprimé hier soir devant les journalistes à Conflans-Sainte-Honorine (78) © Abdulmonam Eassa/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22503642_000005

 


Le professeur d’histoire de Conflans-Sainte-Honorine est absolument innocent. La militante laïque Céline Pina revient sur l’attentat survenu hier. Et esquisse des pistes d’actions crédibles que le gouvernement devrait mettre en oeuvre, pour que les paroles de sévérité présidentielles ne soient pas une énième indignation hypocrite.


 

Il était professeur. D’histoire. Sa tête a été retrouvée, non loin du collège où il enseignait, posée sur l’asphalte. Décapitée. Dans une mise en scène barbare digne de Daesh, l’auteur, un jeune Tchétchène de 18 ans a diffusé cette photo sur les réseaux sociaux avec un commentaire explicite : « J’ai exécuté un de ces chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad. » L’admonestation est adressée au chef des infidèles, Emmanuel Macron et est revendiquée au nom d’Allah, le tout miséricordieux.

Montrer ces dessins en classe est pertinent

Quel crime avait donc pu commettre ce professeur pour avoir une fin aussi atroce ? Aucun. Il a été tué par pure idéologie. Lui est absolument innocent. En effet, montrer des caricatures de Charlie dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, pour l’illustrer, est plus que pertinent, c’est primordial et indispensable. Ce devrait être une obligation que de faire le tour des établissements scolaires pour expliquer cette affaire et en faire un support pour illustrer à quel point cette liberté est une des bases de notre civilisation. Après un tel meurtre gratuit, comment supporter la cohorte des « oui, mais… », des « il l’avait un peu cherché » repris comme à chaque attentat, alors que s’alignent nos morts et que les islamistes en ajoutent à la liste tellement régulièrement que l’on a le sentiment qu’ils ont la maîtrise du calendrier. Comment supporter les protestations hypocrites de tous ceux qui ont laissé menacer de viol, de meurtre et d’égorgement la jeune Mila, déjà cible de la même violence et de la même idéologie ?

[Les familles musulmanes] sont dans une logique où le blasphème doit être puni, elles ne contestent que le caractère excessif de la sanction choisie

Aujourd’hui, tous ceux qui ont défendu sur notre sol la violence islamiste au nom de la protection des musulmans sont comptables de ce qui vient de se passer. Les islamistes ne se déchainent que parce qu’une partie de notre élite est à genoux et refuse de regarder en face certaines évidences : notre société n’est plus unie, un contre-modèle existe et grandit et notre pacte social a été rompu : aujourd’hui on peut être tué en sortant du travail parce qu’une communauté particulière veut imposer ses mœurs et sa charia.

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Soyons lucide. Cinq ans après les exécutions politiques de Charlie, oser défendre la liberté d’expression peut, en France, vous valoir la mort. Bien sûr de tels actes sont condamnés par le pouvoir, mais sont-ils combattus réellement ? Déjà il est dangereux d’oser dire et écrire que le problème n’est pas la religion en général. Cela vous vaut d’être ramené au traditionnel « faire le jeu de l’extrême-droite ». À croire que c’est le réel qui fait « le jeu de l’extrême-droite » finalement. Mais dans les faits, vous pouvez user de votre liberté d’expression envers les chrétiens, les juifs, vous moquer du pouvoir, contester le président et le dessiner dans toutes les positions, vous ne risquerez rien. Ce qui peut vous valoir condamnation à mort c’est de critiquer tout ce qui touche de près ou de loin à l’islam. Voilà notre réalité : le blasphème et son corollaire, la peine de mort sont en train d’être rétablis en France par la rue et contre la loi, au nom d’une religion particulière, par des leaders islamistes certes radicalisés mais qui ont de l’influence sur leur communauté, laquelle les suit dans leur rhétorique violente et victimaire.

Plenel, Mélenchon et la prétendue “guerre aux musulmans”

Un exemple nous a été récemment fourni de cette influence et de ses effets délétères, comme de cette rhétorique qui accuse la France de faire la guerre aux musulmans et qui envahit les réseaux sociaux. Ce fantasme de « guerre aux musulmans » est repris comme un mantra par toute une partie des jeunes, elle les exonère de tout effort : l’échec c’est la faute de l’autre qui est forcément raciste et justifie toutes les violences induites par leur frustration. Ce discours est un des premiers pas vers la radicalisation car c’est au nom de persécutions fantasmées ou d’une vision de l’histoire tronquée, que les islamistes sèment la haine et déclenchent les passages à l’acte. Ici la victimisation est en fait une justification de la violence par déshumanisation de l’autre. Il s’agit ici de mettre fin au règne des bourreaux. À la fin de ce conditionnement, un prof de banlieue peut prendre la figure d’un monstre à terrasser dans la tête d’un jeune fanatique.

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Ce crime n’est pas arrivé par hasard. Il a été porté sur les fonts baptismaux de la conceptualisation par des officines que nous connaissons tous et qui se sont dernièrement affichées en soutien du salafiste dirigeant de Barakacity, Idriss Sihamedi. Il fallait voir celui-ci à peine sorti de garde à vue menacer sur les réseaux sociaux, le ministre, la police, parler de guerre aux musulmans et faire diffuser cette idée d’une guerre en cours à tous les excités de la fachosphère islamiste : les Tariq Ramadan, Marwan Muhammad, Houria Bouteldja, Sihame Assbague, Taha Bouhafs… ils reprennent tous l’expression de guerre contre les musulmans et laissent les esprits s’échauffer et l’appel à la vengeance monter. Les islamistes sont à ce point décomplexés qu’ils osent tout, certains que leurs alliés d’extrême-gauche ou de gauche, qu’ils soient politiques ou journalistes, garderont les paupières bien cousues, relaieront leurs tentatives de victimisation, alimenteront les « oui mais », expliqueront qu’il ne faut pas faire d’amalgames ou que l’ensauvagement en France est une vue de l’esprit. La désinhibition et le sentiment d’impunité atteignent de tels niveaux qu’en plein procès Charlie, un des accusés s’est permis de menacer une enquêtrice, au cœur du tribunal. Tranquille.

Multiplication des passages à l’acte

Résultat de ce mépris pour notre capacité collective à réagir et à défendre notre civilisation : les attentats se multiplient, les policiers sont pris pour cible et paraissent débordés, les appels à la haine des kouffars ne connaissent plus de limites et les passages à l’acte se multiplient. Les parents d’élèves qui ont alimenté la haine contre ce professeur par obscurantisme et par soumission, l’homme qui a fait la vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux et qui appelle à une sorte d’expédition punitive ne sont pas des islamistes, en tout cas ils n’en ont pas tous les codes, mais ils montrent que la bataille est en train d’être gagnée par les fanatiques. Et ils mériteraient d’être traités avec la sévérité que leurs agissements méritent. Ils ne sont pas pour rien dans ce meurtre et ont excité la haine par pure bêtise. Cela ne mérite ni indulgence ni compréhension car ils ont semé les graines du drame. Ils sont en partie responsables de ce qui s’est passé et méritent de se l’entendre dire. 

En attendant, à force de traiter d’« islamophobes », ceux qui ont essayé de tracer une frontière entre musulmans et islamistes et de présenter les islamistes comme des purs, de simples amoureux de leur religion, de bons musulmans en quelque sorte, les Plenel, Mélenchon et compagnie ont servi l’emprise de l’islam politique. Laissons donc aux islamo-gauchistes et à leurs suppôts qui se sont couchés depuis longtemps devant ces fanatiques l’excuse sociologique. « Ils sont pauvres, ils sont exclus, ils sont rejetés, etc. etc. » La démocratie est toujours fragile et les islamistes l’ont compris. Ils savent exploiter les failles de notre système. Les plus malins arrivent même à se faire élire sur des listes municipales, les plus crétins montent au front en tuant. Ce professeur a été victime bien sûr du terrorisme islamiste mais il est aussi victime de la médiocrité et du manque de vertèbre des gouvernements qui se succèdent depuis quelques trente ans. 

La France paie cher ses renoncements successifs

Aujourd’hui, concrètement au fur et à mesure que les gouvernements promettent des « réactions à la hauteur », ce sont plutôt les renoncements qui s’accumulent : le voile est autorisé pour les accompagnatrices scolaires, on a renoncé à scolariser les enfants juifs dans les établissements publics là où l’islamisme fait la loi, on a renoncé à enseigner la Shoah dans certains collèges, bref en général on se couche devant n’importe quelle absurdités ou demande inacceptable pour peu qu’elle soit présentée au nom du « respect de l’islam ». Autre point : tous les élèves musulmans ne vivent pas dans des familles radicalisées, mais la logique des islamistes est rarement contestée pour autant par ces familles. Elles ont du mal à condamner purement et simplement les faits. Elles sont dans une logique où le blasphème doit être puni, elles n’en contestent que le caractère excessif de la sanction choisie. C’est aussi un problème qu’il faudra aborder. En attendant, aujourd’hui, la vraie question est simple : Va-t-il être encore possible d’enseigner l’histoire, la biologie et tout ce qui dérange les représentations des musulmans sans courir le risque d’être rappelé à l’ordre par les islamistes ? Lesquels sont plutôt efficaces en matière de sanction. 

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Il y a aujourd’hui besoin d’une réaction à la hauteur tant cette affaire fait peur. Déjà symbolique : si j’étais au gouvernement j’afficherai dans tous les établissements scolaires, toutes les institutions, je prendrai des publicités dans les journaux, dans le métro, sur les bus. Je paierai des 4×3 et je créerai une affiche reprenant les caricatures de Charlie et revendiquant cet affichage au nom de la liberté d’expression et pour rendre hommage à ce professeur martyr. J’inonderai la France de ces affiches. Le message serait fort et la reconquête physique de notre espace serait ainsi symboliquement marquée. Nous en avons besoin en tant que peuple.

Le président Emmanuel Macron aux Mureaux le 2 octobre 2020 © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22499019_000005
Le président Emmanuel Macron aux Mureaux le 2 octobre 2020 © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22499019_000005

Il y a peu, peinant à trouver des accents churchilliens mais s’y essayant quand-même, notre président de la République nous a expliqué que nous étions en guerre. Guerre sanitaire contre un virus. Mais un virus n’est pas belliqueux, il n’a pas d’intention, il doit être combattu mais n’appelle pas à la guerre. En revanche, ce que l’on subit sur notre sol est une véritable déclaration de guerre. Par un ennemi qui doit être nommé. Nous sommes attaqués pour ce que nous sommes, sur nos fondamentaux. Enseigner notre histoire devient une prise de risque inconsidérée. Oui monsieur le président « nous sommes en guerre », mais l’ennemi s’appelle l’islamisme. Et en guerre, on se dote des armes nécessaires pour agir : utiliser l’armée n’est plus inenvisageable. Le degré de violence symbolique atteint le justifie, mais il y a d’autres armes à réactiver : déchéance de nationalité, indignité civile, poursuites judiciaires, expulsions, contrôle des mosquées, dissolution des associations, surveillance et action facilitée. On ne s’en sortira pas avec trois coups de mentons, dix tweets, des empilements de « monstrueux », « ignoble », « horrible » dans les discours, pour qu’une semaine après le dossier soit classé et que le gouvernement passe à autre chose. Par exemple à la mise en place d’une taxe halal permettant de distinguer les deux peuples en train de se constituer sur notre sol, une taxe qui permet aux islamistes d’imposer ses marqueurs : voile, alimentation séparée, interdiction des mariages mixtes, refus de notre sociabilité, le tout pouvant être exprimé dans sa manière de s’habiller, de se nourrir, dans les normes que l’on respecte et celles que l’on refuse d’accepter. Par exemple en accélérant la construction d’un islam de France via l’AMIF d’Hakim El Kharoui, alors que cette association est déjà infiltrée par nombre d’islamistes (AOC frères musulmans). Une occasion en or de gagner en parts de marché communautaires et en pouvoir de nuisance et de déstabilisation.

Le président veut être crédible ? Qu’il arrête déjà cette sinistre comédie qui fait que nous installons nous-mêmes dans notre propre paysage institutionnel ceux qui rêvent de nous réduire au silence. Sans cela, les rodomontades d’Emmanuel Macron ne seront que des coups de communication en attendant la prochaine exécution, individuelle ou de masse. Et les larmes versées sur la tête atrocement mutilée du professeur d’histoire n’auront été que la énième manifestation d’hypocrisie de nos gouvernants.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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