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Quand le Code pénal pakistanais s’invite chez nous

Multiculturalisme et Justice: retour sur le procès de l'attentat de la rue Nicolas-Appert


Quand le Code pénal pakistanais s’invite chez nous
Des gendarmes devant le passage Sainte-Anne Popincourt, perpendiculaire à la rue Nicolas Appert, où a eu lieu l'attentat, le 25 septembre 2020 © CELINE BREGAND/SIPA Numéro de reportage: 00983038_000044

En 2020, Zaheer Hassan Mahmood, un Pakistanais de 26 ans, avait agressé un homme et une femme avec un couteau de boucher de 38 cm près des locaux de Charlie Hebdo. Pendant tout son procès, la défense s’est échinée à replacer les dimensions « culturelles » et la notion de « blasphème » au cœur du dossier…


Le jeudi 23 janvier, la cour d’assisses spéciale de Paris prononçait une peine de trente années de réclusion criminelle pour tentative d’assassinat terroriste à l’encontre de Zaheer Mahmoud, ainsi que des condamnations de trois à douze ans pour association de malfaiteurs terroriste criminelle contre ses cinq co-accusés. Peines assorties d’une interdiction définitive du territoire.

Débat sociologico-psychologico-ethnologico philosophique

Zaheer Mahmoud, migrant pakistanais de trente ans venu chez nous chercher un avenir meilleur que celui qui l’attendait chez lui, s’est illustré en attaquant sauvagement à coups de hachoir deux jeunes gens dont le seul crime était de fumer tranquillement leur cigarette rue Nicolas-Appert à Paris, à hauteur des anciens locaux de Charlie Hebdo. C’était le 25 septembre 2020. Mahmoud entendait ainsi répliquer à la republication des caricatures de Mahomet par l’hebdomadaire et venger le prophète. « Je pensais que c’était la loi du Coran et du Pakistan », tenta-t-il de justifier en garde-à-vue. Plus tard, probablement bien instruit par son avocat, il dira n’avoir pris conscience de l’absurdité et de l’horreur de son crime qu’une fois en prison.

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Durant les trois semaines du procès une question s’est imposée tant à la défense qu’à l’accusation : cet acte barbare qui ne correspondait pas explicitement à une revendication djihadiste relevait-il d’un particularisme culturel ? Particularisme culturel pakistanais qui, nous enseigne-t-on complaisamment à l’audience, se caractérise par le fait que le blasphème est un crime passible de la peine de mort. On se doute combien il est important pour la résilience qu’on souhaite aux victimes qu’on puisse déterminer si la sauvagerie du hachoir ressortit au culturel ou non. Il y a des moments judiciaires comme celui-ci où la cour d’assises se mue en cénacle de haute intensité, accusation et défense s’offrant mutuellement la satisfaction de briller dans un débat sociologico-psychologico-ethnologico philosophique rappelant étrangement les foisonnantes et fumeuses disputes de la scolastique. Les temps où l’on pouvait considérer que le tribunal de la République était un lieu où avant toute chose il s’agissait de rendre la justice au nom du peuple français et sur la base d’un droit lui aussi rigoureusement français seraient-ils révolus ?

Le procureur place d’emblée la barre très haut, introduisant une nuance d’importance. Il évoque la « spécificité » de la chose car l’attentat serait le premier impliquant des auteurs adeptes d’un islam sunnite du courant Barelvi. De nouveau, on pense à la vive satisfaction des jeunes gens tailladés au hachoir d’apprendre cela.

Poursuivant dans une si bonne voie, ce même procureur s’emploie à expliquer que ces jeunes migrants ont été nourris de l’opinion que le blasphème doit être puni de mort, ce que le Code pénal pakistanais d’ailleurs prescrit. Mais aussitôt, tient-il à préciser, pour autant « nul n’a jamais été autorisé à se faire justice soi-même. » On se prend à respirer. Sur ce point précis, le Code pénal pakistanais viendrait donc au secours du nôtre.

Névrose nationale

Puis, à son tour, son heure de gloire ayant sonné, l’avocat de Mahmoud vient en quelque sorte prolonger l’œuvre pédagogique initiée par son prédécesseur. Au procureur la « spécificité » de l’affaire, au défenseur sa « singularité ». Et d’évoquer « le Pakistan et sa névrose nationale, le blasphème ». La « matrice » du passage à l’acte serait là. Quant à la dévotion à l’endroit du prophète, particulièrement vive dans ce courant sunnite Barelvi – sans aucun doute trop méconnu chez nous jusqu’à ce procès – elle serait un élément constitutif de « l’identité nationale du Pakistan, qui signifie littéralement « le pays des purs »… Le conseil de Mahmoud entend évidemment que la cour sache tenir compte de cela. Là encore, de découvrir qu’ils se sont fait massacrer à coups de hachoir par un ressortissant du Pays des Purs doit être une source de contentement bien réel pour les victimes…

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« L’effort de souplesse mentale que nous demande ce dossier est absolument énorme », lâche encore l’avocat, parfaitement dans son rôle, cela dit en passant. « Il nous demande de ne pas le juger comme d’autres dossiers terroristes dont les accusés sont des enfants de la République (…) Mahmoud est en France physiquement mais, dans sa tête, il est toujours dans ce pays. » 

Mine de rien, l’avocat pose ici le problème de fond : de combien de milliers et de milliers de migrants ne pourrait-on dire qu’ils sont en France physiquement, mais qu’ils sont encore dans leur tête là d’où ils viennent ? Et, en conséquence – et pour cette seule raison – jusqu’où devrions-nous aller dans la souplesse mentale pour que nos mœurs, nos règles et nos lois parviennent à surnager et survivre, confrontés toujours davantage à ces « spécificités », à ces « singularités », à ces « particularismes culturels » ? Ce procès, les questions soulevées, les débats qui l’ont animé devraient faire date. Ils devraient aussi inciter à la réflexion, à la prudence, à la vigilance. Durant les trois semaines qu’il a duré, il n’a cessé, en vérité, d’exhumer les pièges, les impasses – y compris judiciaires – dans lesquels se fourvoit inéluctablement toute société s’abandonnant au multiculturalisme.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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