Les juges se font un malin plaisir de prendre en charge les dossiers politiques, quitte à user de méthodes peu scrupuleuses. Dans le procès mettant en accusation Nicolas Sarkozy, tous les moyens sont bons pour essayer de démontrer qu’un pacte de corruption a été scellé. Mais l’accusation n’a pas de preuves formelles. Qu’ils aient voté pour lui ou pas par le passé, de nombreux Français s’indignent de voir leur ancien président menacé d’une peine d’emprisonnement.
Le 8 décembre s’est clos le procès qui met en accusation Nicolas Sarkozy, son avocat Thierry Herzog ainsi que l’ancien premier avocat à la Cour de cassation Gilbert Azibert.
Pour rappel, l’ancien président et son avocat sont suspectés d’avoir demandé à ce dernier de leur fournir des informations sur les débats de la Cour de cassation concernant la saisie de l’agenda de Nicolas Sarkozy dans le cadre des poursuites judiciaires liées à l’affaire Bettancourt. En échange, Nicolas Sarkozy aurait usé de son influence pour aider Gilbert Azibert à obtenir un poste à Monaco, conversant sur un téléphone secret à la carte SIM au nom désormais célèbre de « Paul Bismuth ».
Une inquiétante judiciarisation de la vie politique française
Ce procès avait tout pour exciter la curiosité médiatique. C’est d’abord la première fois de
l’histoire de la Ve République qu’un procureur requiert une peine d’emprisonnement
pour un ancien président de la République, réquisition qui créa la surprise par sa sévérité, et qui tranche radicalement dans un contexte où le doute plane encore sur l’éventuel retour de Nicolas Sarkozy dans le jeu politique. Ensuite parce que ce procès fut pour le moins théâtral, et que, de la subtile plaidoirie de Jacqueline Laffont aux saillies grandioses de Hervé Temime, en passant par les agitations corporelles de l’ancien président et les liens d’amitié profonde qui unissent Hervé Temime à Thierry Herzog, le procès fit une fois de plus la démonstration que la politique comme la justice se font devant le 4e mur.
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Du point de vue de l’analyse politique, ce procès est surtout symptomatique d’un renversement dangereux entre la justice et le politique. Nous en voulons pour preuve l’apostrophe de Jean-Luc Blachon, l’un des deux procureurs du procès aux côtés de Céline Guillet : « La République n’oublie pas ses anciens présidents, mais ses anciens présidents ne doivent pas oublier la République et l’État de droit », a-t-il admonesté à plusieurs reprises devant l’accusé présidentiel. On devine dans cette phrase une accusation envers le politique, comme l’orientation d’un parquet parfois partial qui choisit ses proies selon la couleur de leur carte, et donnant le choix entre son omniprésence et le retour aux lettres de cachet. Or si quelqu’un ne respecte pas l’État de droit dans cette affaire, c’est bien la justice elle-même. D’abord parce que les méthodes mises en œuvre par l’information judiciaire du Parquet National Financier ont fait fi du scrupule et de la légalité. La perquisition du bureau de Gilbert Azibert fut étonnante dans la mesure où ce dernier était normalement couvert par le secret du délibéré, ce qui a ensuite été reconnu par le Conseil Constitutionnel qui n’a toutefois pas donné d’effet rétroactif à sa décision.
Un dossier peu consistant
Les écoutes des conversations secrètes tenues entre Sarkozy et Herzog, ébruitées ensuite au mépris du droit auprès du gouvernement de Jean-Marc Ayrault (et en particulier de la garde des Sceaux de l’époque Christiane Taubira) fut carrément une atteinte au secret professionnel. Quant à l’information judiciaire ouverte par le PNF, qui a épluché les notes téléphoniques – ou « fadettes » – de 60 lignes dont certaines de grands avocats, elles constituent ce qu’Éric Dupont-Moretti – qu’on ne peut suspecter d’alliance politique avec Sarkozy – a qualifié de « méthodes de barbouzes ».
Malgré ces informations judiciaires illégales, malgré les 96 heures d’interrogatoires de
Nicolas Sarkozy – aurait-on été aussi zélés pour un justiciable « normal » ? – on aurait au
moins pu s’attendre à ce que le dossier constitué par le PNF eût quelque consistance. Il n’en est rien.
Que la justice demande l’application de l’État de droit à un ancien président est une chose bien naturelle. Simplement, force est de constater que le parquet lui-même a violé les conditions d’un procès sain et équitable à plus d’une reprise
Sur toute cette débauche de recherches acharnées et d’écoutes à la soviétique, le dossier
constitué par le parquet s’appuie exclusivement sur les 19 écoutes de conversation
téléphoniques entre Sarkozy et Herzog sous la carte SIM de Paul Bismuth, dans lesquelles on peut entendre Nicolas Sarkozy dire en 2014 qu’il aiderait Gilbert Azibert, mais qui n’avait absolument pas candidaté pour un quelconque poste à Monaco, ce qu’Hervé Temime souligne au cours du procès. De ces enregistrements, on ne retient que des conversations amicales qui ne permettent pas de porter une seule accusation fondée. Réponse du parquet : c’est bien parce qu’ils n’ont rien dit qu’ils savaient être écoutés, et qu’ils sont donc coupables ! « Nous sommes face à une accusation diabolique, où s’il n’y a rien, c’est qu’on est coupable », résume Temime.
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Que la justice demande l’application de l’État de droit à un ancien président est une chose bien naturelle. Simplement, force est de constater que le parquet lui-même a violé les
conditions d’un procès sain et équitable à plus d’une reprise, face à un Nicolas Sarkozy qui s’est soumis aux procédures, contre lequel personne n’a trouvé d’éléments compromettants et qui se voit affublé d’une réquisition plus que sévère. Le PNF, dont les méthodes ont également été mises en accusation par l’affaire Fillon, n’en est pas à son premier fait d’arme.
Alors, qui jugera nos juges ?
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