A comme abolition, bien sûr.
Nous y sommes. En tout cas, il semble bien que nous nous y dirigions insensiblement. On aurait tort de se contenter de diagnostics de laxisme ou de dysfonctionnements judiciaires lorsqu’on constate que tel criminel n’effectue que trois ou quatre années d’incarcération sur les douze ou quinze que prévoyait sa condamnation.
En profondeur, il s’agit de bien autre chose. Tout un lobby, encore vaguement souterrain, est à la manœuvre, nourri, animé par un courant idéologique déjà ancien mais revigoré par l’actuelle vague de wokisme. Selon les tenants de ces doctrines, on le sait, le vrai coupable n’est pas le condamné mais la très vilaine société qui l’a amené là, derrière les barreaux. Horrible corps social fauteur d’inégalités féroces, d’oppression obsessionnelle du fort sur le faible, du riche sur l’impécunieux, du patron sur le travailleur. Et désormais, wokisme oblige, du mâle blanc sur tout ce qui bouge ou peu s’en faut.
Cette conception-là perdure, savamment entretenue et distillée dans certains milieux dits intellectuels, mais aussi dans une frange non négligeable de la magistrature. Ce qu’il faut décrypter, par exemple, dans la suppression des peines planchers par Mme Taubira en son temps, c’est en réalité l’amorce, encore discrète, de la mise en œuvre de ce fantasme : l’abolition de la peine tout court. Et donc, à terme, l’abolition de la prison. Vétusté, insalubrité, promiscuité inhumaine, bouillon de culture de la récidive, violence terrifiante, tout est mis en exergue – si ce n’est hypocritement et cyniquement entretenu ? – pour que nous soyons amenés un jour ou l’autre à cesser de voir dans l’incarcération une possible réponse. Il faut que nous en arrivions à avoir honte de recourir à cette forme de châtiment. Non seulement, que nous ayons honte, mais aussi que nous nous sentions « coupables » de tolérer encore de telles pratiques.
Autrement dit, l’enjeu, pour ces âmes bienveillantes et vertueuses, est de réussir avec la prison ce qui a été si bien réussi avec le bagne. Obtenir le rejet consensuel de ce qui était devenu, de facto, inacceptable pour les populations à un moment donné de leur histoire. Si tel n’est pas le but recherché, comment expliquer alors la si piètre volonté politique de doter le pays d’un parc pénitentiaire, humainement décent, bien évidemment, mais en réelle cohérence avec le degré de délinquance que nous avons atteint ces derniers temps ? Et qui, probablement, ne fera que croître et embellir dans les années qui viennent ?
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