Priscilla, le nouveau film de Sofia Coppola, avec Cailee Spaeny, est en salles depuis le 3 janvier. Il est consacré à la femme du King et à la prison mentale qu’elle s’est construite. La rock star américaine avait fait sa connaissance alors qu’elle avait 14 ans.
Heartbreak Hotel, Hound Dog, Jailhouse Rock, Love Me Tender… Pas un seul de ces tubes d’Elvis qui déménagent et donnent envie de danser le rock instantanément n’est présent dans la BO du nouveau film de Sofia Coppola, exclusivement consacré à la seule et unique épouse du roi du rock n roll, Priscilla Presley née Beaulieu. Les fans du King seront déçus ! Cette absence s’expliquerait par des raisons légales. Faute d’obtenir les droits des chansons, la fille du réalisateur du Parrain a donc composé une BO bigarrée mélangeant les époques, piochant dans les sixties avec le tube de Frankie Avalon Vénus comme dans les eighties avec le hit des Ramones Baby, I Love You. Bref : tout sauf du Elvis. Et cet effacement musical n’est que le pendant d’une certaine désacralisation du King. Dans ce film, Elvis n’est pas le monstre sacré du rock au déhanchement légendaire et à la voix de velours qui swingue. Il n’est pas non plus la star sous influence, victime d’un manager véreux comme l’avait mis en scène le biopic de Baz Luhrmann avec Austin Butler sorti en 2022. Non : il est un « lover » amoureux, mais infidèle, accro aux drogues, colérique comme un dieu grec ne tolérant aucune critique et emporté par son hubris. Certes Elvis n’est pas montré sous son meilleur jour. Mais Sofia Coppola ne l’accable pas non plus, le militantisme néoféministe étant étranger à l’œuvre de la réalisatrice – Dieu merci !
De l’Allemagne à Memphis
Toute l’attention de la réalisatrice est donc portée sur Priscilla. Cela devient vite étouffant. Le spectateur ne voit qu’elle et elle, elle ne voit qu’Elvis, ne pense qu’à lui, ne vit que pour lui. Mais, on l’a dit, on ne peut pas profiter de sa musique…
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L’enfermement amoureux se perçoit dès l’ouverture du film, à travers l’ambiance crépusculaire qui se dégage des scènes de leur rencontre, alors que le King fait son service militaire en Allemagne. On est alors loin des spotlights de la scène. Mais on ne les verra jamais de toute façon. Ensuite, c’est l’installation à Memphis, autorisée par les parents en échange de l’obtention de son diplôme. Dans la maison de Memphis que nous présente Sofia Coppola, on retrouve un peu le Versailles de Marie-Antoinette. Deux cages dorées. Pour nous faire ressentir la solitude de Priscilla, son isolement et son interminable attente, la réalisatrice abuse de plans qui s’étirent en longueur et nous montrent cette petite et fine silhouette tirée à quatre épingles et assise sur l’un des canapés en cuir d’un immense salon. Ces plans se répètent, comme les multiples échanges téléphoniques aux dialogues guimauves qui tournent à vide : « I love you baby », « I miss you so much », « When do you come back ? ». Elvis est parti pour Hollywood ou en tournée, Priscilla attend son retour et s’ennuie entre deux manucures. Cela méritait-il vraiment un film ? Et, bien sûr, lorsqu’il débarque enfin, Priscilla suit son rythme. Et prend des amphét et des somnifères avec lui avant de s’enfermer pendant des jours dans cette chambre calfeutrée comme un tombeau de velours.
Libérez Priscilla (et Sofia Coppola) !
Il veut qu’elle change de look ? Elle se refait une garde-robe. Mais attention pas d’imprimé, Elvis n’aime pas. Il veut qu’elle se teigne les cheveux en noir corbeau ? Elle remontera sa chevelure de jaie, dans le style de Marie-Antoinette, adopté plus tard également, quoiqu’avec moins de démesure, par la chanteuse anglaise Amy Winehouse. Il veut qu’elle accentue son « make up » ? Elle soulignera ses yeux bleus par un trait de eye liner devenu son style iconique. La scène de relooking aurait pu être drôle et légère, à l’instar de celle de Pretty woman, elle est plombante. Car Elvis n’est pas le pygmalion de Priscilla, on se demande s’il n’est pas plutôt son geôlier.
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Sofia Coppola nous montre une Priscilla Presley qui est isolée comme l’était Marie-Antoinette. Mais si la dernière reine de France s’amusait et s’oubliait dans l’effervescence des fêtes et du divertissement, Priscilla se languit, ne vivant que dans l’attente de l’accomplissement de l’acte amoureux sans cesse repoussé par Elvis – lequel préfère batifoler ailleurs et entretenir jusqu’à son mariage une relation chaste avec sa future épouse. Vous l’avez compris, pour le spectateur, Priscilla est aussi barbante que Marie-Antoinette était exubérante. Si Marie-Antoinette est rattrapée par la cruauté de la Révolution française et que le monde réel viendra interrompre la fête, Priscilla, elle, s’accomplit après sa rupture avec le King. Mais cette seconde vie n’intéresse pas Sofia Coppola. Résultat : un film bien morose. Sofia Coppola est une artiste qui a trouvé son style, c’est certain, mais il est toujours très difficile de se renouveler, de créer une œuvre nouvelle tout en restant fidèle à ses créations passées. Assurément Sofia Coppola est actuellement enferrée dans ce dilemme-là. Espérons que pour son prochain film, elle parvienne à le dépasser.
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