La sobriété, la pénurie ou le rationnement énergétique ne sont pas une fatalité. En misant sur la relance du nucléaire et l’exploitation intelligente des énergies fossiles, il est possible de répondre à tous les besoins. Et cela laisse le temps de repenser le « renouvelable ». Il y a urgence.
Le développement de l’humanité, qui a eu tendance à s’accélérer ces derniers siècles, s’est toujours appuyé sur la disponibilité d’une énergie abondante, bon marché et souveraine. C’est donc à l’aune de cette exigence que l’on doit apprécier les propositions visant à satisfaire d’autres objectifs, en particulier la défense de l’environnement et ce que l’on appelle désormais le défi du changement climatique. En général, pour faire prévaloir des solutions qui s’avèrent plus coûteuses, les dirigeants augmentent le prix des énergies fossiles à travers les taxes. Dans bon nombre de pays, ce renchérissement artificiel du charbon, du pétrole et du gaz, considérés comme polluants et émetteurs de CO2, vise à rendre plus attractives les énergies éoliennes et solaires. L’intention, louable, se heurte à deux réalités : l’intermittence du soleil et du vent, et l’occupation de l’espace (champs de capteurs photovoltaïques et d’éoliennes) cent fois plus importante que dans toutes les autres solutions.
Si le problème de l’espace, aisément compréhensible, suscite des réticences croissantes, celui de l’intermittence est minimisé par les études qui préconisent un mix énergétique 100 % renouvelable. Il convient donc d’y revenir pour définir les investissements prioritaires, au moment où on annonce la « fin de l’abondance », la pénurie, le rationnement, et des prix multipliés par trois, quatre, cinq et parfois dix pour l’électricité et le gaz des entreprises ! Autrement dit, quand tout le fonctionnement des pays, industries, services, modes de vie, peut ainsi être atteint, un examen approfondi s’impose.
A lire aussi: Le XXIe siècle sera nucléaire ou ne sera pas
Le caractère renouvelable de certaines sources d’énergie répond à l’angoisse du lendemain et donc au risque de pénurie, à l’extinction des réserves de la planète. Le raisonnement paraît implacable : les autres ressources sont « finies », la quantité de charbon et hydrocarbures étant par définition limitée. Toutefois, ces prédictions peuvent être contestées : on peut penser que le progrès technique permettra de faire reculer l’échéance de plusieurs centaines d’années. Nous pouvons disposer de pétrole et de gaz abordables pendant au moins de nombreuses décennies encore, car des réserves de gaz, de pétrole ou de charbon continuent à être découvertes, il suffit d’y mettre le prix ! C’est donc le prix à payer pour les extraire qui va décider de leur abandon progressif et non les volontés gouvernementales.
En revanche, le caractère intermittent ou « pilotable » des différentes sources d’énergie est essentiel. L’humanité n’a pas seulement besoin d’énergie, elle en a besoin de plus ou de moins selon ses activités et doit éviter de dépendre des caprices des éléments naturels, le vent, le soleil et l’eau. L’énergie hydraulique est devenue « pilotable » grâce aux barrages, mais il n’en va pas de même pour le soleil et le vent qui produisent une électricité sans possibilité de stockage simple et bon marché – pour le moment et l’avenir prévisible. Les électrons en mouvement ne se stockent pas et si les batteries peuvent restituer des électrons en opérant un changement d’état, c’est au prix de volumes d’installations conséquents et de pertes de rendements élevées. En clair, le soleil et le vent sont des sources d’énergie inépuisables et capricieuses, ce caractère intermittent étant leur principal handicap. La préférence donnée à ces énergies plébiscitées pour leur « gratuité » apparente a obligé à investir dans des sources susceptibles de fournir les consommateurs en l’absence de vent et/ou de soleil. D’où la multiplication des centrales électriques à gaz et le maintien des centrales à charbon sur l’ensemble de la planète, y compris en Europe. Sur une année, le solaire et l’éolien produisent 25 à 30 % de leur puissance nominale, ce qui signifie que le gaz ou le charbon doivent y suppléer pendant 75 à 70 % du temps. Les énergéticiens en ont conclu que ces énergies ne pouvaient pas résoudre l’exigence fondamentale de l’abondance. Aussi, malgré les progrès en termes de technologie et de rendements, après le choc pétrolier de 1973, l’industrie européenne s’est détournée de ces productions sauf dans quelques pays très venteux comme le Danemark, avec l’entreprise Vestas.
On a donc privilégié pour la production électrique les options pilotables, le nucléaire et l’hydraulique, et, parmi les fossiles, la plus performante en termes de rendement, donc de protection de l’environnement, le gaz. On a conservé le pétrole pour ses dérivés utilisés dans les transports et l’industrie, tout en cherchant à augmenter la température de combustion pour diminuer les émissions polluantes du charbon.
A lire aussi: « La lâcheté de Macron sur le nucléaire a scandaleusement affaibli la France ».
Les militants antinucléaires confondaient utilisation civile et militaire et, en raison de leurs faibles connaissances en physique, passaient à côté des avancées réalisées dans le domaine de la santé, avec la médecine « nucléaire ». Durant des décennies, ces organisations ont empoisonné la vie des énergéticiens, surtout qu’elles ont bénéficié du soutien de nombreux médias, puis de partis politiques. L’attaque la plus pertinente portait sur les déchets issus des centrales à cause de leur extrême longévité. Les techniciens ont donc cherché à « utiliser » énergétiquement ces résidus avec les programmes d’études des surgénérateurs dits à neutrons rapides, arrêtés à cause de leur succès en 1997 (Superphénix) puis une nouvelle fois en France en 2019 (Astrid). Le dernier réacteur lancé en France, l’EPR 3 de Flamanville, a connu beaucoup de malheurs essentiellement « politiques » sur lesquels on ne reviendra pas.
L’hydraulique nécessite des barrages et des lacs artificiels, qui la rendent très pilotable. Elle est aussi mal jugée car elle modifie le milieu naturel. Certaines retenues d’eau sont donc en voie de démantèlement. Enfin, on construit peu de centrales à gaz, car il est plus facile et moins cher de rouvrir des centrales à charbon, comme on l’observe aujourd’hui en France.
Or, si on veut exclure ou limiter les fossiles, seuls l’hydraulique, le nucléaire et dans certains cas la géothermie fournissent une énergie abondante et bon marché. Quant aux renouvelables, non seulement elles ne sont ni abondantes ni bon marché, mais de surcroît elles ne sont pas souveraines, les matériels et composants étant achetés hors de France et majoritairement hors d’Europe. De plus, leur caractère intermittent nécessite des investissements très lourds pour modifier les réseaux existants qui doivent être prioritaires sur le transport et la distribution pour empêcher les pics et les trous qui viendraient torturer tous les appareils électriques.
Alors que les fossiles représentent aujourd’hui 80 % de la consommation mondiale d’énergie, la réduction ne va pas de soi, dès lors que les énergies intermittentes, associées au gaz ou au charbon, ne résolvent aucun des problèmes posés.
Il y a urgence ! Face aux risques de pénurie, de flambée des prix et de perte de souveraineté, nous avons accès au pétrole mondial, à nos réserves souterraines de gaz et à nos centrales nucléaires, hydrauliques et au charbon. Il faut donc remettre en route les centrales nucléaires, hydrauliques, et charbon/pellets, ce qui nécessite un dispositif exceptionnel dans les mois à venir pour permettre à tous les sous-traitants de travailler 24/24 h avant l’hiver.
A lire aussi: Pourquoi cette valse-hésitation sur le nucléaire français ?
Pour les centrales nucléaires arrêtées par « précaution », un panel de scientifiques internationaux doit nous dire si cette contagion est justifiée. Surtout arrêtons de vendre notre gaz stocké aux Allemands pour qu’ils nous vendent leur électricité à base de gaz : c’est une horreur économique, écologique et technique ! Nous pouvons faire face avec nos investissements, nos techniciens et nos entreprises, mais il faut les mobiliser et payer les heures supplémentaires indispensables. On pourra le faire en réduisant les dépenses pour les énergies intermittentes, inutiles pour les années qui viennent, donc non urgentes.
Il faut aussi revoir l’objectif de la généralisation d’ici 2035 de la voiture électrique (VE), qui n’a aucune justification technique, industrielle ou écologique. Pour le tenir, nous allons créer une pénurie, encourager les acheteurs à coups de subventions tandis que, faute de modèle économique viable, le déploiement des bornes de recharge marque le pas. L’État devrait encore mettre la main à la poche pour subventionner le rechargement des VE qui augmentera la demande d’électricité.
Pour répondre à nos besoins en électricité pendant les années à venir, l’accélération des maintenances de centrales nucléaires ne suffira pas. Il faudrait des capacités nouvelles, celle de Flamanville 3 et celle de Fessenheim, dont la remise en fonction prendrait trois ans (c’est d’ailleurs l’investissement le plus rentable). Il faudrait également lancer en urgence absolue les six réacteurs dont la construction est prévue. On peut sûrement raccourcir les délais, à condition d’oublier la religion malsaine de la précaution ! Rappelons que la décroissance est synonyme de chômage de masse, de chute brutale de l’économie, bref d’une pléthore de drames sociaux. Notre seule solution pour l’éviter, ce sont le nucléaire et l’hydraulique. Pour les relancer, nous devons aller vite, prendre des risques et travailler plus.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !