Je ne vois pas pourquoi je ne tenterai pas ma chance. Après tout, je vaux bien les Juppé, les Le Maire, les Mariton, les NKM, les Frédéric Lefebvre, les Geoffroy Didier, j’en passe et des plus inconnus. Même Sarkozy, je le vaux bien. Je n’oublie tout de même pas que c’est grâce à lui que j’ai perdu mon siège de député en 2012.
En plus, j’ai compris le truc : pour qu’on parle de vous dans les médias, si vous voulez être candidat à la primaire, il ne s’agit même pas de réunir les parrainages. Ca, ce n’est pas si difficile que ça : 250 élus répartis sur au moins 30 départements dont vingt parlementaires et 2 500 adhérents à jour de cotisation, ça devrait aller.
Il suffit juste de repérer qui déteste qui et de jouer là-dessus. Et comme tout le monde déteste tout le monde chez les Républicains, ce serait bien le diable si je n’arrivais pas à en convaincre un nombre suffisant que je suis l’homme idéal pour incarner le rejet de ceux qui font les vedettes à la télé soit pour un dernier tour de piste comme Juppé qui me fait penser à Reggiani (« Il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins » ) ou pour un premier comme Didier qui me fait penser à Dalida (« Il venait d’avoir dix-huit ans »)
J’ai hésité à publier un livre-programme, ils le font tous, mais comme je ne veux pas me ridiculiser en vendant à peu près autant d’exemplaires qu’un poète contemporain dépressif, je vais plutôt miser sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas parce qu’on est comme moi le maire d’une petite commune rurale qu’on ne sait pas se servir de Twitter, d’Instagram ou de Facebook. Pas plus mal qu’eux, en tout cas, qui disent une connerie tous les cinq tweets et s’excusent après. Non, ce que j’ai compris pour que BFM ou LCP m’invitent tout le temps, c’est qu’il faut être libéral, néolibéral, ultralibéral et même hyperlibéral ! Ca les fascine, ça les médias. Je pourrais même être copain avec Nicolas Doze, si ça se trouve. C’est ma femme qui sera contente.
Alors, je vais décliner mon programme selon quelques axes simples et trianguler la concurrence en allant plus loin qu’eux. Fini les mesurettes thatchériennes…
1°) Suppression totale de la fonction publique. J’ai bien dit totale. Pas cent mille par ici, cent mille par là. Suppression totale. Je ne vois pas pourquoi on garderait des fonctions régaliennes de l’Etat qui est l’ennemi. La police et l’armée peuvent être remplacées aisément par des mercenaires. Les Américains l’ont déjà fait en Afghanistan et en Irak et à mon avis, Blackwater contre une manif, ce sera autrement plus efficace que ces enfants de chœur de la BAC. On pourra protéger son domicile grâce à une appli Sécurité qui prévoira, une fois souscrit un forfait, un certain nombre d’heures de garde statique devant votre porte.
2°) Extension indéfinie des droits de l’individu. Il aura d’abord le droit de se défendre : le port d’arme sera autorisé pour toute personne majeure, en sachant qu’on abaissera la majorité à 15 ans dans les cités. Ils se tireront dessus comme les Crisps et les Bloods à L.A. et on sera bien tranquille. Mais aussi liberté individuelle totale dans l’usage qu’on fait de son corps : la GPA, bien sûr ; la prostitution évidemment, mais aussi ne pas interdire aux pauvres de vendre leurs organes (après tout on a deux reins, deux yeux, etc.) voire de se vendre eux-mêmes à un patron pur travailler en créant un CSV, Contrat de Servitude Volontaire qui est ce que j’ai trouvé de plus adapté pour amener l’idée du rétablissement de l’esclavage. Je vais t’en donner, moi, du dialogue social…
3°) Réorganisation territoriale. Fini les régions, les départements, les regroupements de communes, tout ce patriotisme de clocher qui empêche la libre circulation des hommes et des biens. Le découpage de la France en une dizaine de carrés regroupant 6 millions d’habitants suffira à créer des entités économiques et administratives viables sans passé, donc sans histoires, qui seront mises en concurrence entre elles et pourront pratiquer un dumping social tel que l’on verra des usines délocalisées en Chine revenir à toute vitesse. A terme, l’idée, c’est de faire disparaître la nation qui ne sert à rien sinon à provoquer des guerres tous les trente ans.
Là, sincèrement, je ne vois pas comment ils pourraient me rattraper, les autres qui en sont restés à un archaïsme reaganien assez triste. Les Français comprendront vite que le seul moderne, c’est moi. Si ça se trouve, Gattaz viendra déjeuner le dimanche. Il me conseillera de prendre Macron comme Premier ministre en signe d’ouverture. Je dirai oui. Ce sera le bonheur.
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