Instruction à charge, presse enrégimentée, défense bâillonnée : un procès-fleuve se déroule sous nos yeux, dans des conditions dignes d’une République bananière, et ça n’intéresse personne. Il est vrai que le verdict est prononcé d’avance. Dans le box des accusés, la France n’a aucune chance de s’en sortir.
Les crimes multiples qui lui sont reprochés relèvent du même chef d’inculpation, le plus grave de tous : racisme. Du sommet du pouvoir aux esprits lepénisés, la France n’aime pas l’Autre. En tout cas la France blanche : comme chacun sait, dans la France diverse, la tolérance et l’amour de la différence sont la règle.
[access capability= »lire_inedits »]Sans cesse, de nouvelles preuves du crime sont brandies devant l’opinion. La chasse au raciste ne fait jamais relâche. L’armée, la police, le gouvernement comparaissent à tour de rôle. La Halde ne sait plus où donner de la tête. L’infortuné Brice Hortefeux a fait la « une » pendant une bonne semaine et risque de durer dans le rôle du raciste de comédie que les humoristes grinçants et dérangeants lui ont assigné avec une belle unanimité. Eric Besson a pris le relais, aux manettes d’une « rafle d’Etat » : il a arrêté 250 immigrés illégaux (dont beaucoup ont été relâchés par les tribunaux) et fait détruire un campement sauvage dont on aurait aimé qu’il se trouvât dans le 6e arrondissement. On se rappelle la joie des riverains quand des sans-abri qui n’étaient même pas sans-papiers se sont installés sur les rives du canal Saint-Martin, au cœur du Boboland parisien.
Mais il y a le témoignage accablant de Mustapha Kessous, journaliste au Monde et bon citoyen, confronté tous les jours à ceux qui « n’aiment pas les Arabes ». À la lecture de son article, on se sent triste et coupable. Dans les rédactions, on triomphe : on la tient, cette France toujours moisie !
Tous des salauds ? Peut-être. Mais alors tous. Comme l’a rappelé Malika Sorel au micro de Finkielkraut[1. « Répliques », France Culture, 26 septembre.], ce qu’on appelle racisme est fort bien partagé. Toutefois, le reportage du Monde dans une cité de Cavaillon où la haine de la France et des Français s’affiche et se hurle quotidiennement n’a pas suscité le moindre intérêt. Là, ce n’est pas raciste, juste l’expression d’une légitime révolte.
Mustapha Kessous n’a rien inventé. Tandis que, sur les plateaux de télé, on s’aime les uns les autres, dans la vraie vie, la France « de souche » et la France « issue de » se font la gueule. Encore que, plus que la tension, c’est la séparation qui monte. S’agit-il de racisme ?
Pour une partie des Français, la France de la mixité siffle la Marseillaise dans les stades. Elle a le visage de bandes de gamins taillés XXL qui barrent l’accès au métro et occupent l’espace public comme s’ils y étaient seuls. Pour d’autres, elle prend la forme de quartiers où il est difficile de manger pendant le ramadan et où on croise des fantômes de femmes. Tous oublient leurs milliers de concitoyens arabes ou africains devenus des Français comme les autres – peut-être justement parce qu’on ne les voit pas. On peut le comprendre. Il faut aussi rappeler sans relâche, par le verbe et par la loi, qu’il n’y a pas de responsabilité collective.
Ce qui est « visible », dans nos minorités, ce n’est pas la « race », mais le comportement. Ce qu’on appelle racisme tient à la fois de la méfiance sociale et du jugement culturel. Est-il criminel de penser que certains modes de vie sont préférables à d’autres et de vouloir les préserver ?
Le prêchi-prêcha ambiant est aussi étouffant et impitoyable que le furent, hier, les religions du Ciel puis de la Terre. Poser des questions, faire preuve de tiédeur dans l’autocritique, c’est se désigner comme hérétique.
Et pourtant, la France serait-elle le Dutroux des nations, elle a le droit à un procès équitable.[/access]
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