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Présidentielle: la peste et le choléra


Présidentielle: la peste et le choléra

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Par tradition familiale et sensibilité personnelle, je suis de centre gauche, sans doute du fait d’un fort attachement à ce qu’il est convenu d’appeler la doctrine sociale de l‘Eglise. J’ai «émergé» à une certaine conscience politique à l’ère du RPR triomphant dont Alexandre Sanguinetti reconnaissait qu’il n’était plus rejoint que «par ceux qui refusent l’espérance des autres»[1. Alexandre Sanguinetti, J’ai mal à ma peau de gaulliste, Grasset, 1978.]. Sans doute les centristes, pour qui j’ai toujours eu de l’estime,  auraient-ils été ma famille naturelle si le système politique français, bi-partisan, ne les avait condamnés à l’inexistence. C’est ainsi que je me suis retrouvé «de gauche» sans avoir le sentiment d’être jamais reconnu par elle. De Rocard à Delors, mes modèles ont toujours été les mal-aimés de la «vraie» gauche laïcarde et anticléricale ! De quoi faire mienne l’évocation par Albert Camus, en 1959, de «cette gauche dont je fais partie, malgré moi et malgré elle »[2. Albert Camus, Carnets, Folio Tome III, p. 309.].

Déçu par la gauche au pouvoir

J’ai voté pour François Hollande en 2012 malgré mon désaccord radical avec ses projets de réformes sur le mariage pour tous et la fin de vie[3. J’ai consacré à mon engagement sur la question du mariage pour tous nombre d’articles dont je propose une relecture sur mon blogue, à la faveur d’un long entretien avec Virginie Tellenne.]. Mais ce désaccord ne me semblait pas suffisant pour envisager de voter à droite, alors même que ce que je portais par ailleurs de désirs de réforme sur la justice sociale et fiscale, la transition énergétique, la recherche d’une autre forme de croissance écologique ou la priorité à donner à la jeunesse me semblait se trouver du côté du candidat socialiste.

L’homme m’a déçu, comme tant et tant de mes compatriotes. Et plus encore cette gauche libéralo-libertaire laminée lors des scrutins successifs de ces dernières années. Et qui pense se refaire une virginité en radicalisant ses positions sur la laïcité. Rien de nouveau sous le soleil. Tocqueville écrivait déjà : «Nous avons vu des hommes qui croyaient racheter leur servilité envers les moindres agents du pouvoir politique par leur insolence envers Dieu et qui, tandis qu’ils abandonnaient tout ce qu’il y avait de plus libre, de plus noble, de plus fier dans les doctrines de la Révolution, se flattaient encore de rester fidèles à son esprit en restant indévots.»[4. Cité par Albert Camus dans ses Carnets, op.cit, p.105.]

Ni Hollande, ni Sarkozy…

A mes yeux l’heure n’est pas encore au bilan du quinquennat. Et j’attends de savoir quelle offre politique nous réservent les candidats potentiels issus de la gauche. A ce jour, comme une majorité de Français, mon souhait est simplement que ni François Hollande ni Nicolas Sarkozy ne se présentent à ce scrutin. J’entends néanmoins les meilleurs observateurs de notre vie politique conjecturer qu’ils pourraient, l’un et l’autre, remporter les primaires dans leur camp respectif et donc figurer en tête dans la compétion Elyséenne. Magnifique illustration de la crise du politique en France, où les citoyens, pour la seule élection réellement décisive, se trouvent pris au piège du diktat des formations politiques.

J’ignore donc toujours à qui ira mon vote du premier tour. Mais je ne peux éviter de me poser la question du second. Le bilan personnel du chef de l’Etat semble devoir nourrir, à gauche, des divisons qui pourraient lui être fatales. Et, je l’ai dit, nul ne peut exclure une possible victoire de Nicolas Sarkozy lors de la primaire à droite, si les militants de son parti y sont largement majoritaires. Ce qui pourrait lui assurer de se qualifier au premier tour de la présidentielle.

«Au second tour on élimine…» les deux ?

Imaginer au soir du 27 avril 2017 la perspective d’un duel opposant Marine le Pen – donnée à ce jour présente par tous les sondages – et le Président du parti les Républicains, n’est donc pas une hypothèse d’école. Et c’est là que les sueurs me viennent au front. Je suis bien résolu à ne voter, le 7 mai, ni pour l’un ni pour l’autre. «Au premier tour on choisit, au second on élimine… « assure l’adage. Et si l’on pense, en conscience, devoir éliminer les deux ? Que l’on me fasse grâce du discours sur « l’ardente obligation » du vote républicain. Comment pourrais-je croire, une seule seconde, en la capacité de Nicolas Sarkozy à rassembler au centre et à gauche après des mois et des mois d’une campagne menée sur des idées à ce point opposées à mes convictions les plus profondes.

Alors autant le dire : oui, je suis prêt à prendre le risque de laisser à d’autres le soin de trancher entre la peste et le choléra. Parfaitement conscient que dans un contexte d’abstention massive, on peut se retrouver à l’Elysée avec les voix de 37,51 % des inscrits comme ce fut le cas de Georges Pompidou en 1969. Sauf que c’était Georges Pompidou et qu’il fallait, face à Alain Poher,  départager deux candidats de «centre droit»[5. Opposé au Président du Sénat , Alain Poher, ce duel entre deux «centristes» avait justifié l’appel à l’abstention de la part du PC encore puissant, en la personne de son candidat malheureux du premier tour : Jacques Duclos.].

Au risque de la cohabitation

Il y aurait un non-sens dramatique pour notre pays à devoir choisir entre l’extrême droite et une droite extrême qui ne correspondent en rien à l’opinion d’une majorité de Français. Ce qui pourrait se traduire, lors des législatives suivantes, par un de ces revirements parlementaires et citoyens dont la France est bien capable. Bref un président ou une présidente de droite extrême et une Assemblée d’opposition recentrée. Bref un quinquennat s’ouvrant sur une impossible cohabitation. Une forme de chienlit version vingt-et-unième siècle, induite par la logique de nos institutions et de nos pratiques politiques.

Est-il encore temps d’éviter le pire ? Certains, au centre-gauche, déçus par François Hollande et légitimement inquiets du scénario que je viens de décrire, s’apprêtent à participer à la primaire de la droite avec la ferme intention de servir l’élection d’Alain Juppé. Et après tout, peut-on les accuser de se renier vraiment en signant une adhésion, toute formelle, à des idées «de la droite et du centre» ?  Derrière cette «menace» se cache un vrai message à l’adresse des électeurs de droite qui participeront à la primaire : de leur choix pourrait dépendre, pour nombre de Français, l‘acceptation ou le refus d’une «discipline républicaine» qui pourrait faire basculer le second tour de la présidentielle.

Retrouvez cet article sur le blog A la table des chrétiens de gauche



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