La séquence électorale que nous vivons est à bien des égards révolutionnaire. Jusqu’où se poursuivra cette révolution des urnes ?
Quatre phénomènes enregistrés dans les sondages sont d’ores et déjà révolutionnaires :
L’installation de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle.
On en parle tellement depuis des mois, que cela apparaît comme presque normal. Jean-Marie Le Pen était arrivé au second tour presque par accident. Sa fille s’installe comme favorite du premier tour, en soi c’est déjà une révolution : 25 % à 30% des Français affichent clairement leur volonté de la propulser au second tour et de la présenter comme une alternative crédible au système en place. Si elle n’y parvenait pas, on parlerait alors d’accident… Un 21 avril à l’envers.
L’effondrement de la droite gouvernementale…
…et sa disparition probable au second tour. Certes, la candidature de François Fillon, accablé par les affaires, peut apporter une explication conjoncturelle à ce phénomène. Mais à y regarder de plus près, le rejet violent de l’ex-président Sarkozy à la primaire de la droite et sa perte totale d’autorité sur le parti qu’il entendait diriger manifestent aussi une volonté de renverser la table. L’UDF et le RPR qui représentaient jadis entre 40 et 45% des voix à eux deux risquent de finir ensemble à 16% ou 17% au premier tour de la présidentielle. Situation sans précédent dans toute l’Europe occidentale.
Le débordement du Parti socialiste par son extrême gauche…
…et sa disparition programmée au second tour. Premier épisode de cette révolution, l’évasion de Mélenchon des rangs du PS et son rejet de toute alliance programmatique avec le PS. Dernier épisode, le choix du courant le plus rebelle à toute action gouvernementale réformiste en la personne de Benoît Hamon lors de la primaire de la gauche. Le candidat du PS, non content de représenter la contestation du gouvernement sortant dont il faisait partie, prend en otage la gauche gouvernementale en l’acheminant tranquillement à un étiage de 11 ou 12%. Révolution qui risque de précipiter le PS dans les oubliettes de l’Histoire.
L’émergence d’un candidat et d’un mouvement sortis de nulle part…
…construits en opposition à la fois à la droite et à la gauche gouvernementales. Qui au mois de novembre aurait misé un kopeck sur la candidature Macron ? Et pourtant, elle est là et bien là. Les ralliements se font de plus en plus nombreux dans la dernière ligne droite et Macron paraît assuré d’arriver au second tour. Peut-être même en tête avec 26% des voix.
Ces quatre révolutions électorales sont la manifestation d’un fossé de plus en plus profond qui sépare les électeurs des élus, les habitants des métropoles des habitants de la France périphérique, la base du sommet, les exclus de la mondialisation des inclus de la société libérale… Beaucoup de commentateurs s’accordent à voir dans la période actuelle une situation pré-révolutionnaire. Mais la révolution est déjà engagée, dans les urnes tout au moins.
Est-elle terminée ? Rien n’est moins sûr. On s’achemine vers un second tour Macron – Le Pen et des sondages convergents semblent indiquer qu’Emmanuel Macron l’emporterait par environ 60% contre 40% à Marine Le Pen. A tout le moins, cela veut dire que 15% des électeurs qui n’ont pas voté pour la candidate du FN au premier tour s’apprêtent à le faire au second tour. Au vu des quatre révolutions qu’on s’apprête à vivre au premier tour, qui peut prétendre que ce plafond de verre de 40% ne sera pas crevé par Marine Le Pen et qu’une autre révolution n’éclatera pas au second tour ?
Car après tout, si Emmanuel Macron passe le premier tour, c’est parce qu’il incarne avec Marine Le Pen le rejet des Républicains et du PS considérés comme syndics d’une France en faillite morale, sociale et économique. C’est ce rejet de l’ex-UMPS qu’incarnent au premier tour ces candidats. Mais au second ? Quand Emmanuel Macron sera seul en face de Marine Le Pen… Tous les ralliés de l’entre-deux-tours qui viendront soit du PS soit de LR vont cristalliser sur Emmanuel Macron tout le rejet de l’ex-UMPS. En période révolutionnaire, les choses basculent très vite.
Il n’est pas impossible que les partisans du « plus rien à foutre » – comme les appellent Brice Teinturier -, emportés par leur élan contestataire, éliminent Macron après avoir éliminé Fillon, Valls, Juppé et Sarkozy. Le jeu de massacre ne fait peut-être que commencer…
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