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Présidentielle: en marche vers une nouvelle République!


Présidentielle: en marche vers une nouvelle République!
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, janvier 2017. SIPA. 00788019_000043
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, janvier 2017. SIPA. 00788019_000043

La VIe République est à nos portes ! Pas celle dont Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon se font les chantres afin de mettre fin à « la monarchie constitutionnelle » instaurée selon eux par la Ve République. Mais la très possible élection d’Emmanuel Macron devrait modifier profondément le fonctionnement de nos institutions. À tort ou à raison, personne n’imagine en effet que son éventuelle victoire à la présidentielle puisse se doubler d’un raz de marée d’En marche !, la formation qu’il a créée, aux élections législatives. Selon toute probabilité, Macron président devra donc chercher des partenaires à gauche et à droite pour former un gouvernement de coalition.

Pour une révolution, ce serait une révolution ! Depuis 2002, et l’effet combiné de l’adoption du quinquennat et du couplage présidentielle-législatives, c’était automatique : le parti du président élu a toujours disposé à l’Assemblée d’une majorité absolue. Chirac, Sarkozy et Hollande ont tous les trois eu les mains libres pour gouverner. Même après un premier tour faiblard à la présidentielle. En avril 2002, Chirac n’a pas atteint la barre des 20 %. Huit semaines plus tard, l’UMP a raflé plus de 60 % des sièges. Mécaniquement : avec le couplage, les législatives sont devenues une simple réplique, amplifiée, de la présidentielle.

La France est coupée en quatre

Une ère Macron rapprocherait la France du modèle européen, exception faite de la Grande-Bretagne. Pour disposer d’une majorité à l’Assemblée, le président devrait négocier un accord politique avec d’autres partis que le sien. Selon le camp Fillon, ce serait son talon d’Achille : l’élection de Macron déboucherait sur une véritable « crise de régime ». Il risquerait non seulement d’être dans l’incapacité d’appliquer son programme mais même de gouverner. Aux yeux des héritiers du général de Gaulle, foin de la VIe République ! Il s’agirait d’un retour pur et simple à la IVe !

Quelques éléments pour éclairer ce débat qui va devenir incontournable. Il y a d’abord un paradoxe français. Nous sommes supposés avoir les meilleures institutions d’Europe, et la plupart de nos voisins sont censés être englués dans un régime désuet, le régime parlementaire, et paralysés par un mode de scrutin délétère, la proportionnelle. Et pourtant ce sont nos voisins qui ont mené ces dernières années des réformes qui leur ont permis d’aller mieux, en particulier de faire reculer sensiblement le chômage. En regard, le bilan du trio Chirac, Sarkozy, Hollande apparaît navrant. Ils disposaient de toutes les manettes, mais aucun d’eux n’est parvenu à améliorer la situation de l’emploi qui reste le problème numéro un aux yeux des Français.

Nos formidables institutions pèchent du point de vue de l’efficacité. Pour mener des réformes qui modifieraient l’ADN de l’Hexagone – moins d’État, plus de libertés pour les entreprises, ou encore définir la place et les modes d’expression de l’islam –, il ne suffit pas d’une majorité à l’Assemblée. Il faut obtenir si ce n’est un consensus, du moins un consentement large dans l’opinion.

Or, et c’est le deuxième élément de réflexion, plus aucun parti n’est désormais en état d’y parvenir seul. La représentation politique a éclaté. Elle ne se résume plus à une opposition droite-gauche. Désormais la France est coupée en quatre, en quatre camps d’importance assez égale. Le FN, la gauche radicale, les progressistes – pour reprendre une formulation macronienne – et la droite parlementaire. Aucun camp n’est plus légitime qu’un autre pour accaparer tous les pouvoirs. Que Fillon et les leaders des Républicains y prétendent encore constitue un véritable déni de démocratie.

Un retour à l’esprit de la Ve République ?

Dernier élément de réflexion : un gouvernement de coalition ne ressemblerait en rien aux gouvernements de cohabitation que la France a connus du temps de François Mitterrand et de Jacques Chirac. En 1986 et en 1993, pour le premier, et en 1997 pour le second, ils ont perdu l’essentiel de leurs prérogatives dans le domaine de la politique intérieure parce qu’ils avaient été désavoués à l’occasion d’élections législatives intervenues au cours de leurs mandats. Le pouvoir a retraversé la Seine, pour s’établir à Matignon. S’il est élu en mai, Macron ne pourra en aucun cas faire figure de président désavoué en juin, quel que soit le résultat des élections législatives. Même si En marche ! ne comptait que très peu de députés.

Dans cette hypothèse, Macron restera le patron incontestable de l’exécutif. Mais sa première tâche sera de bâtir une coalition majoritaire afin de pouvoir gouverner. Osons un paradoxe : ni IVe République ni VIe, il s’agira plutôt d’un retour à l’esprit de la Ve République fondé sur la notion de majorité présidentielle. Une notion sur laquelle viennent de s’asseoir successivement les trois derniers présidents. En 2012, la majorité présidentielle c’étaient les 51,5 % d’électeurs qui avaient voté pour Hollande au premier tour, pas les seuls électeurs socialistes du premier tour.

Alors, bien sûr, ça va tanguer dans un premier temps. Mais Macron a de la chance : les deux partis dits de gouvernement, le PS et Les Républicains, sont en voie d’implosion. La mort du premier paraît programmée. Cinq ans de quinquennat Hollande ont montré qu’il n’y avait plus grand-chose en commun entre les sociaux-démocrates du PS, dont la figure de proue est Manuel Valls, et les frondeurs, dont le chef de file est Benoît Hamon. Le mauvais score prévisible du second devrait « libérer » les premiers. Côté Les Républicains, c’est le pari de Chirac en 2002 – réunir la droite et le centre au sein de l’UMP – qui semble perdu. Après le Penelope Gate, Fillon n’a guère été soutenu que par la droite tradi. Les centristes et les recentrés (les juppéistes, Le Maire, NKM, etc.) ne devraient pas faire de difficultés pour travailler avec Macron.

La nouvelle mort des « rois »

Il ne faut pas exclure cependant que les vieilles structures résistent, au moins dans un premier temps. Dans ce cas, le nouveau président devra en passer par elles. Avec une possibilité de compromis : il existe deux formes de coalition, à l’allemande et à la suédoise. Dans le premier cas, les partis qui la nouent rentrent tous au gouvernement. Dans le second, un accord est passé sur quelques grandes réformes, mais des partis peuvent rester en dehors du gouvernement et s’opposer à lui sur les autres dossiers.

Il ne faut pas exclure non plus que Fillon fasse, comme lors de la primaire de la droite, une remontée in extremis et gagne la présidentielle. Il ne faut pas même exclure, bien que ce soit très peu vraisemblable, que Marine Le Pen l’emporte. Quitte à être accusés d’esprit de système, nous pensons qu’eux aussi devront en passer par la constitution d’une coalition. S’il était élu, Fillon devrait pouvoir compter sur une majorité absolue pour son parti. Mais comment imaginer qu’il se conduise comme Chirac en 2002 ? D’autant qu’il aura beaucoup adouci son discours entre les deux tours afin d’amadouer les électeurs de gauche. Quant à Marine Le Pen, elle ne disposerait sûrement pas d’une majorité parlementaire FN. Elle aussi devrait donc chercher des alliés…

En mai et en juin, la France va changer non seulement de visage, mais aussi de mode de fonctionnement. Le temps des « omni-présidents » et des « moi, président » va prendre fin. Pourquoi s’en plaindre ?



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est journaliste et essayiste, auteur des Beaufs de gauche et de La Gauche et la préférence immigrée.

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