Pédestrement, en cette brumeuse matinée pré-électorale, sur les contreforts des Pyrénées où nous tenons quartiers de campagne entre Chenu & associés, je me rendais à la boulangerie. A l’aise dans mes pompes citoyennes, entre notre mas et le centre-bourg, je faisais un petit bilan perso de la campagne. Une quinzaine de meetings dont 6 de Mélenchon où j’ai retrouvé de vieux potes de mes années de syndicaliste étudiant, militant ici et là, entre NPA et PS. Beaucoup ont mal tourné et pointent dans des emplois plus ou moins fictifs au service de notre petit personnel politique. Les autres ont un vrai boulot et sont candidats aux législatives pour le Front de Gauche.
A ce sujet, je me demande quelle tête feront tous ces jeunes gens grisés par le plébéien magnifique quand le carrosse de campagne reprendra sa forme originelle : une grosse citrouille stalinienne. Il nous a tant fait de bien cet Homme-Verbe, chantant Hugo, rimant Flaubert et toujours riant littéraire, version classique, en rappelant à tous les temps que Nation et République ne sont qu’une seule et même chose dans ce pays superbe ou en déclinant à tous les modes que chacune de nos libertés, nous les devons au combat ouvrier. Ouais, c’était bon, et même très bon. Mais donner une nouvelle vigueur à un appareil qui a failli, condamné par l’histoire et encore dirigé par des gens qui ont fait l’école à Moscou, est-ce une bonne nouvelle pour la classe ouvrière ? L’avenir nous le dira, je vais voter pour lui quand même, car nous partageons le même roman : 1793.
Tout à mes pensées nostalgiques sur les soldats de l’an II, j’arrive à la boulangerie. Là, deux dames, rondes comme des brioches, dissertent sur la situation politique. La première à la seconde : « Hein, t’as vu, Hollande, il a promis 1700 euros aux smicards ». La seconde, doutant gravement du propos de la première : « T’es sûre ? Non, non, c’est Bayrou qui a promis ça ». Je vous épargne la minute ahurissante qui a suivi et j’en arrive directement à mon intervention, profitant de mon statut de « parisien », forcément plus au courant des choses du monde que la moyenne des braves gens pour recentrer le propos général de la discussion : « Mesdames, je vous assure, c’est Jean-Luc Mélenchon qui a avancé cette proposition ». L’une d’elles : « Ah bon, vous êtes sûr ? » Moi : « Oui, tout à fait certain ». Toujours la même : « Et comment vous écrivez ça ? » Et les deux de l’écrire sur leur main sous ma dictée, histoire de voter pour le bon demain… En sortant avec ma baguette et mon sachet de croissants chauds, j’ai soudain douté. Et si, en fait, la majorité était comme ces deux petites dames ?
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