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Présidentielle en Côte d’Ivoire: les leçons tactiques de la victoire d’Alassane Ouattara

Un pari réussi


Présidentielle en Côte d’Ivoire: les leçons tactiques de la victoire d’Alassane Ouattara
Le président ivoirien Alassane Ouattara s'exprime devant les journalistes après avoir voté le jour de l'élection présidentielle, le 31 octobre 2020. © Leo Correa/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22508632_000009

Alassane Ouattara, réélu dès le premier tour avec 95,3% des voix, entame un troisième mandat de cinq ans. 


Alassane Ouattara peut se réjouir : il a réussi son pari. Alors que les observateurs prévoyaient une situation tendue après la décision de maintenir l’élection au 31 octobre, celle-ci s’est finalement déroulée dans un contexte relativement apaisé. Le scrutin a reçu l’approbation des différentes missions d’observation présentes sur le terrain. L’heure est désormais au dialogue avec l’opposition – appelé de ses vœux par Alassane Ouattara et déjà en partie matérialisé par la rencontre, ce 11 novembre, entre le Président et Henri Konan Bédié, son principal opposant – mais aussi et surtout à l’action. Deux mandats n’auront pas suffi à l’homme fort d’Abidjan pour faire profiter à tous les Ivoiriens, de façon inclusive, de la croissance insolente du pays. Beaucoup reste à faire.

Une élection globalement apaisée

Peu après le scrutin, la Mission internationale d’observation des libéraux et démocrate a salué “la maturité exemplaire et le sens des responsabilités élevés” du peuple ivoirien et félicité les organes en charge de l’élection pour la bonne organisation du scrutin. Même son de cloche du côté de l’Union africaine et de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette dernière a même récemment transmis ses félicitations au président Ouattara pour sa réélection, juste après la validation de sa victoire par le Conseil constitutionnel.

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Plus que la victoire d’Alassane Ouattara, ce succès électoral consacre l’échec de l’opposition. En effet, cette opposition disparate, composée d’ennemis d’hier et n’ayant pas d’autres projets que le « Ouattara doit partir » a péché. Elle aurait dû comprendre, elle qui regroupe une bonne partie de ce que la Côte d’Ivoire compte de vieux éléphants de l’univers politique, que la politique de la chaise vide est inopérante. En outre, son appel à la désobéissance civile a été un large échec et pour plusieurs raisons. En premier lieu, le traumatisme de 2010 est trop récent dans la mémoire des Ivoiriens, et peu ont envie d’aller risquer leur vie pour jouer un remake de cet épisode tragique. Ensuite, à part les appels au « dégagisme » ayant ciblé le président Ouattara, l’opposition n’a rien proposé, ou a été inaudible sur ses autres propositions. Enfin, Alassane Ouattara affichait à la fin de son second mandat un bilan à faire pâlir d’envie beaucoup de dirigeants de la planète. Il possédait donc un avantage certain.

Plutôt que de louvoyer, l’opposition aurait dû battre campagne, jouer selon les règles, même si elle ne les a pas édictées, et présenter un candidat unique. Si mathématiquement, elle avait de sérieuses chances de mettre en difficulté le président sortant, l’opposition aura péché par son égoïsme et ses petits calculs. Plus portée sur les déclarations tapageuses que sur l’action véritable auprès des populations, elle doit aujourd’hui prendre acte de sa défaite, et consolider ses propositions de réponses aux véritables problèmes des Ivoiriens en vue des prochaines élections.

Le jour d’après

Plus que l’organisation du scrutin qui, à quelques incidents près, s’est déroulé dans le calme, l’après-scrutin est riche d’enseignements. Il y a 10 ans, l’annonce de la victoire d’Alassane Ouattara sur son rival d’alors, Laurent Gbagbo, avait plongé le pays dans le chaos, ce dernier ne souhaitant pas reconnaitre sa défaite. S’en était suivie une crise post-électorale ayant entrainé la mort de plus de 3 000 Ivoiriens. En 2020, en dépit des prévisions pessimistes des Cassandre, le pays a survécu, preuve de son désir de tourner la page d’une histoire tragique. La raison en est simple: les Ivoiriens ont préféré laisser sa chance à un système, qui, quoiqu’imparfait, éloigne les spectres du passé. La rencontre entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, ce mercredi 11 novembre, ayant « brisé la glace » et « rétabli la confiance » selon les deux intéressés, même si elle n’est qu’un prélude à un processus d’apaisement qui devrait prendre plusieurs mois, traduit bien ce changement de paradigme, et consacre symboliquement la primauté du vote et du dialogue sur la rue et les armes.

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Le passage du cap dangereux des élections ne doit cependant pas inviter à percevoir la victoire d’Alassane Ouattara comme un blanc-seing. Sous la présidence de l’actuel chef d’État, le pays s’est hissé en tête des pays les plus riches d’Afrique de l’Ouest, selon une récente étude de la Banque mondiale. Avec un PIB par habitant de 2 286 dollars à la fin de l’année 2019, la Côte d’Ivoire devance le Ghana et le Nigeria. Le fait que sa croissance moyenne se soit établie, au cours des huit dernières années, à 8,3%, n’y est sans doute pas pour rien. La nation éburnéenne peut en outre se vanter de progressions impressionnantes ces dernières années au classement Doing Business de la Banque Mondiale, ainsi que d’être le pays ayant enregistré la plus forte progression au sein du classement Mo Ibrahim de la gouvernance africaine (fondé sur des critères de sécurité et d’état de droit, de droits humains, de développement économique et humain). Reste qu’une grande partie de sa population souffre toujours de pauvreté, problématique à laquelle n’a qu’en partie répondu le passage en 2013 du salaire minimum de 36 000 à 60 000 FCFA.

Pas assez inclusive, la croissance ivoirienne ? Ouattara ne peut le nier. Le lundi 9 novembre, son premier message à la Nation depuis sa réélection y faisait d’ailleurs référence : « Place maintenant au temps de l’action. Et l’action pour moi, c’est le Projet de la Côte d’Ivoire Solidaire pour lequel j’ai été élu et qui va accélérer la transformation économique et sociale de notre pays, par une croissance plus inclusive. » Dont acte ? Réponse en 2025.



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Doctorant en droit international à l’Université Paris-Descartes.

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