Le distanciel est l’accomplissement d’un vieux rêve de la modernité : effacer le temps et la distance nécessaires à une rencontre.
Si vous n’en pouvez plus des écrans, des gestes barrières et des visages masqués, relisez Réelles présences de George Steiner : cela vous rappellera que la liquidation de la présence – vivante, rayonnante, dérangeante – est une vieille affaire qui a stérilisé notre approche de la création artistique, et qui va de pair avec la fascination de la modernité pour les artéfacts. L’instauration de distances sanitaires entre les personnes n’est à cet égard que l’amplification spectaculaire d’une mise à distance des êtres et des choses bien plus ancienne, bien plus structurelle. Pour une part justifiée par le souci d’objectivation propre au regard scientifique, la distanciation a également touché le théâtre, envahi l’art contemporain devenu « conceptuel » alors même que quelques réfractaires tentent en vain de dire leur inquiétude devant cette incapacité grandissante à entretenir avec le monde une relation charnelle qui ne dissocie ni ne confonde le proche et le lointain : « Il n’y a plus de puissance des icônes », déplorait Merleau-Ponty dans ce manifeste en faveur de la « présence réelle » qu’est L’Œil et l’Esprit (1964).
Que nous ressasse-t-on en effet à longueur de journée comme on enseignerait à des analphabètes les rudiments d’un nouvel alphabet ? Que le « distanciel »
