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PPDA / Porcel: le déni, la colère et le sentiment amoureux


PPDA / Porcel: le déni, la colère et le sentiment amoureux
Patrick Poivre d’Arvor, sur le plateau de son émission littéraire « Vol de nuit », diffusée sur TF1, en 2008. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Dans le récit que Florence Porcel fait de son viol par PPDA, on pourrait presque voir du consentement. Elle s’en explique en évoquant un cocktail qui est la recette de toutes les relations sentimentales. La formule aurait peut-être inspiré une fable à La Fontaine.


C’est par la radio qu’un matin, à la table du petit déjeuner, j’ai appris que PPDA était accusé de viol. Je ne sais plus par quelle station, je change souvent, pour fuir les publicités sur les chaînes commerciales, et pour ne pas entendre Askolovitch essayer de nous apitoyer sur le sort des minorités musulmanes opprimées ou Charline Vanhoenacker brailler sur le service public. Je n’ai pas été plus surpris que ça. Je ne connaissais rien de ses manières, mais je me suis fait à la tendance de l’époque et je me suis dit, en pensant à la loi des séries : « Tiens, encore une vedette violeuse ! »

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J’ai tendu l’oreille pour ne louper aucun détail croustillant de cette nouvelle affaire, mais ce n’était pas une bonne idée. La main de PPDA dans la culotte de Porcel (c’est le nom de la plaignante) m’aurait sûrement excité en fin de soirée mais de bon matin, bof. Lorsque j’entendis parler de « fellation non protégée », je ne fus pas plus émoustillé que ça non plus et pour tout dire un peu surpris. « Non protégée » ? Il y a donc des gens qui pratiquent des fellations protégées ? Qui sucent du caoutchouc ? Berk ! Et quand ils se branlent, ils mettent un gant Mappa ?

Des sentiments amoureux créés artificiellement par « l’emprise »

Voici donc ce qui me traversait l’esprit tandis que je priais ma femme de me passer le beurre et que je haussais le ton pour que mon fils revienne finir son « Candy’Up » et son « Pick Up ! » ! Je venais déjà de le lui demander, mais comme j’avais dit « chocolat au lait » et « biscuit », il n’avait pas compris. Voilà où j’en étais donc, redoublant d’imagination pour voir un peu d’érotisme dans le drame que cette innocente vierge avait vécu avec Patrick Poivre « prédateur » d’Arvor lorsque je fus stoppé net dans mes fantasmes par une formule du journaliste qui résumait les sentiments de la fille dans son aventure, requalifiée en viol, avec la bête médiatique : « Un mélange de déni, de colère et de sentiment amoureux. »

J’en restai perplexe. Pour en savoir plus, je suis descendu chercher Le Parisien dans lequel j’ai trouvé ce récit de leur première rencontre (en 2004) selon la version de la jeune femme : « Tout à coup, il ferme la porte, lui propose un verre d’alcool avant de l’agresser sexuellement en l’embrassant puis en introduisant sa main dans sa culotte. Les faits se seraient déroulés rapidement, sans signe annonciateur. La jeune étudiante, tétanisée par la tournure de la situation, se met alors à exécuter mécaniquement ses demandes, comme se déshabiller… Florence Porcel affirme n’être pas parvenue à s’enfuir sous l’effet de la surprise et de la sidération, mais soutient que sa panique était parfaitement perceptible et qu’elle a émis des cris de douleur. »

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J’ai marqué le passage sur le journal pour le retrouver le soir et j’ai continué à chercher les trois mots qui excitaient ma curiosité : « le déni », « la colère » et « le sentiment amoureux ». J’ai fini par les trouver. « Elle décrit un mécanisme d’emprise psychologique, […] un système de déni né de l’admiration qu’elle avait pour l’homme célèbre, puissant et bien plus âgé, et son désir de percer dans le monde littéraire. L’aura de cet homme et son inexpérience sentimentale auraient même déclenché chez elle des sentiments amoureux qu’elle juge aujourd’hui créés artificiellement par cette emprise. Partagée entre la colère et la passion, elle admet avoir continué à lui écrire après l’agression présumée, y compris pour des échanges à caractère érotique. »

Un fait divers qui aurait inspiré La Fontaine

 Le déni, la colère et le sentiment amoureux. La formule était là, éparpillée dans le texte. Elle sonnait bien. Elle aurait sûrement inspiré une fable à La Fontaine. J’en inventai une et j’imaginai mon fils, debout dans le salon, se dandinant et se tenant les mains, déclamer avec sa voix de garçon de cinq ans : « Le Déni, la colère et le sentiment amoureux », de Jean de La Fontaine.

Une pauvre biquette, vingt et un ans passés,

Qu’Apollon et Vénus n’avaient pas visitée,

Adulait un vieil étalon :

Un cheval de retour, beau parleur, bien en vue,

Mais de lourde réputation.

Elle vient à lui, sans souci du qu’en-dira-t-on.

Il lui parle de sa croupe, elle croit qu’elle est aimée.

À ses côtés, de gloire elle est auréolée.

Il la prend sans détour, lui dit : « c’est ça l’amour. »

Le temps passe, les temps changent,

L’ingénue dessalée veut se faire dépoivrer,

Elle trouve une vieille recette :

La chèvre écrit sur tous les toits qu’elle a été violée.

À son procès la meute interroge l’accusé :

« Mais quand elle disait “oui”, que n’entendiez-vous “non” !

À l’abattoir ! Et aux enfers ! »

Le coureur déconfit fut changé en démon.

Mon fils ne nous a jamais récité La Fontaine. À l’école, en dernière année de maternelle, il a appris de quoi nous donner des leçons sur les gestes barrières, les accidents domestiques, le tri des déchets, le réchauffement de la planète et même les stéréotypes sexistes, mais il n’a rapporté ni corbeau, ni renard, ni cyclope, ni cheval ailé, ni Achille, ni Esther, ni Roland, ni Bayard, ni Sophie, ni Robinson, ni Bécassine, ni Fantômette, ni Delphine, ni Marinette. Sans les livres que sa mère lui lit, il penserait que nous sommes tombés de la dernière pluie et que nous avons de la chance de vivre à l’époque du récupérateur d’eau.

Mais mon imagination s’essouffla vite à essayer de suivre les pas du maître et les trois mots m’inspirèrent une autre idée. En repensant à ma vie sentimentalo-sexuelle, je ne trouvais aucune romance qui ne fût faite de déni, de colère et de sentiment amoureux. Les femmes dans ma vie ont toujours vécu le début de nos histoires dans le déni de toute réalité contrariante, puis ont connu la colère d’avoir été aveuglées par leurs sentiments amoureux. Et j’apprenais à la radio que ces trois berceaux de mes amours d’antan étaient devenus les nouveaux cadres d’un viol rétroactif. Je me réjouis alors de n’être pas célèbre et de n’avoir jamais vraiment fâché personne.

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Article extrait du Magazine Causeur




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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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