Il n’y a pas que la droite qui a besoin d’un plan B après les heurs et malheurs de François Fillon. La gauche aussi. Il est entendu que nous entendons par gauche, la gauche de gauche et certainement pas, selon l’assez étrange comptabilité médiatique, celle qui serait représentée par Macron ou Gérard Collomb. Il faut dire que du côté de la gauche, les choses se sont clarifiées depuis la primaire du PS où ceux qui se sont dérangés ont donné une large victoire à Benoît Hamon et ont clairement indiqué que le vallsisme, à défaut d’être un humanisme, est un libéralisme. Et le libéralisme, quoi qu’en dise un certain nombre de penseurs aujourd’hui, n’est pas franchement de gauche, même si on y ajoute l’adjectif libertaire.
Qu’est-ce qu’un libertaire ?
En fait un libéral-libertaire est plutôt un libertaire devenu libéral, c’est-à-dire qui n’a gardé de l’émancipation que ce qui constitue la satisfaction de ses plaisirs et l’extension indéfinie des droits individuels du renard libre dans le poulailler libre. Par exemple, le libéral-libertaire ou plutôt, donc, le libertaire-libéral ne voit aucune objection à l’expression des particularismes sexuels, religieux, régionaux, bien au contraire puisque chacun d’eux est conçu comme une niche potentielle pour pouvoir lui faire consommer les produits dont ils sont friands, burqas siglées par les grands couturiers, cours en langue régionale, parc de loisirs pour chouans genre Puy du Fou ou gestation pour autrui dans des usines à bébé à actionnariat éthique. En ce sens, il n’est pas faux de dire qu’Emmanuel Macron est, de fait, le plan B de François Hollande comme le disait récemment ici même Jean-Paul Brighelli. Mais Macron pourrait très bien être aussi, au point où on est, le plan B de LR tant par exemple, sa compatibilité idéologique avec NKM, l’UDI voire le juppéisme ne pose pas de problèmes majeurs.
Le paradoxe le plus flagrant reste que la gauche de gauche, soumise à ses vieux démons de la division et elle aussi passée à la moulinette de la personnalisation extrême induite par la Vème république, se retrouve divisée entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon et risque de faire rater une occasion historique aussi inespérée que paradoxale. En effet, les deux hommes additionnés, et encore augmentés du PCF et des écologistes, pourraient comme en témoignent les sondages, non seulement se retrouver au premier tour, mais même se retrouver en tête devant Marine Le Pen pourvu qu’il n’y ait qu’un candidat dans ce camp-là. Chacun pourrait alors prendre ses responsabilités au deuxième tour et nous verrions si le front républicain, comme on dit, fonctionne dans les deux sens puisque ces derniers temps, et notamment aux élections régionales de 2015, c’est plutôt à la droite qu’il a servi.
Une reine d’Angleterre trotskiste ?
Mais ne nous faisons pas d’illusion : malgré la très grande proximité des programmes de Hamon et Mélenchon (transition écologique, redistribution, décroissance soutenable) et à quelques nuances près comme le revenu universel, il est fort peu probable que l’un accepte de s’effacer au profit de l’autre. Dans ces cas-là, il faut résoudre la contradiction autrement. Ce pourrait être ni l’un ni l’autre, mais un troisième homme qui servirait de recours et saurait incarner, juste incarner une plate-forme de gouvernement. Il faudrait aussi que cet homme soit assez souple, aimable et sympathique pour empêcher que resurgisse l’image du partageux au couteau entre les dents.
Philippe Poutou: « Mélenchon, c’est ‘moi je' » par
C’est ainsi que Philippe Poutou, actuel candidat du NPA en quête difficile de ses 500 signatures, devrait avoir un rôle à jouer. En plus, comme il est ouvrier, cela éviterait de crisper les électeurs qui n’aiment plus les élites ? Ce n’est pas Poutou, par exemple, qui se tromperait sur le prix d’un ticket de métro ou d’un pain au chocolat. En plus, comme la gauche de gauche changera immédiatement les institutions pour passer à la VIème république dès qu’elle arrivera aux affaires, le rôle de Philippe Poutou serait pour la suite proche de celui d’une reine d’Angleterre trotskiste.
Cela ne nous priverait pas pour autant, lors des sommets internationaux, de prendre un vrai plaisir à voir ce que pourrait donner un sommet Poutou-Merkel, Poutou-Trump, voire, pour les amateurs de paronymie, un sommet Poutou-Poutine.
Espérons-donc, en l’occurrence, que la raison et le sérieux triompheront, cette campagne présidentielle sombrant dans le grand n’importe quoi, il faut bien l’avouer.
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