Si la Russie se sentait menacée, que dire de l’Ukraine !… Poutine croit avoir signé un CDI avec le diable. Et si c’était un CDD ?
Que va devenir l’Ukraine ? Poutine va-t-il reculer devant les ripostes européennes ou bien ne peut-on qu’aggraver sa paranoïa ? A-t-il perdu la confiance des Russes ? Ne fait-il pas courir un risque mortel à l’économie mondiale – ce que ses « amis » chinois ne toléreront pas longtemps ? Je n’ai que des pressentiments – et des questions.
En France ou en Allemagne, Poutine aurait fini en prison, mais la Russie est-elle en Occident ? Dans un pays où le despotisme, de Pierre le Grand à Lénine, a été le suprême outil de la réforme, un petit voyou devenu tsar a réussi à faire croire qu’il était le seul en Russie à avoir une vision de l’avenir et à garantir la stabilité de l’État. À moins d’être un scélérat, personne ne le croit désormais. Sauf peut-être Cyrille de Moscou, le patriarche de l’Église orthodoxe russe, un saint homme, qui bénit les tanks et les avions de chasse avec des larmes – de crocodile !
Connaissez-vous l’Ukraine ? L’air qu’on respire à Kiev n’est pas celui de Moscou : on y parle aussi le russe, on aime Pouchkine et Lermontov, le « poète du Caucase », mais on est déjà en Europe. Oui, au-delà de la propagande, la « Rus’ de Kiev », berceau historique et spirituel de la Russie, est en Europe et elle souhaite y rester – sous une forme qui reste à définir. Poutine n’y peut rien. Ce qui se joue là-bas, comme jadis dans l’Espagne républicaine, c’est l’avenir de l’Europe.
Un autocrate? Un tyran?
Le tyran est un aventurier chanceux plutôt qu’un stratège, et puis un jour la chance le quitte. Il finit mal – étranglé comme Néron ou pendu à un croc de boucher comme Mussolini… Car à force de spéculer sur la peur, à force de devoir sans fin inventer un ennemi pour exister, le tyran devient un ennemi pour lui-même, un fléau pour son peuple – et un danger pour la planète. Quel que soit le dénouement, l’Ukraine sera le tombeau de Poutine – s’il se sent acculé, cela sera aussi le nôtre ! Est-il aussi froid et rationnel qu’on le dit ?
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Dans son pays jusqu’ici, Poutine restait populaire malgré tout. C’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Car cette fois, Poutine est tombé sur un bec. Forcément, il est fâché. Magicien malgré lui, le maître du Kremlin, en envahissant l’Ukraine, a provoqué le réveil de la conscience européenne. En France, les étourdis qui lui baisaient les pieds baissent les yeux en se tortillant comme des séminaristes surpris dans un bordel : bon d’accord ! Grozny rasée, Alep anéantie, Boris Nemtsov assassiné, c’est mal !
Union européenne: on est là!
Qui l’eût cru ? L’UE qui s’est construite sur le refus de la guerre se met à exister autrement grâce à la guerre. Kiev n’est pas en Tchétchénie, Macron n’est pas Daladier. D’un coup d’un seul, Poutine a fait de la Russie une nouvelle Corée du Nord bornée par l’Amour et le Dniepr ! Déjà la majorité silencieuse, le petit peuple, murmure, la jeunesse des villes défie le pouvoir dans la rue tandis que les oligarques, déjà prêts à déserter, pleurent leurs yachts et leurs villas. Poutine enrage. En un sens, et il est tragique, l’idiot utile, c’est lui.
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Car aujourd’hui qui est le pire ennemi de la Russie ?
Est-ce l’Occident ? Est-ce Joe Biden, ce « vieux gâteux » ? L’Union européenne, l’OTAN ou bien la Suisse qui – on croit rêver – sort de sa neutralité bancaire en appuyant les sanctions de Bruxelles contre les Russes ? Et si c’étaient les instances du foot mondial, si complaisantes hier avec les dictateurs, qui privent les supporters d’une finale de la Champions League à Saint-Pétersbourg et du Mondial au Qatar ? Ou encore ce « repaire de drogués et de nazis » qui à l’ouest de l’Ukraine s’emparent de leur destin et s’autorisent à rêver de démocratie ?
Non, le pire ennemi de la Russie, c’est Poutine.
Une histoire de fous
Ce qui grâce à lui nous est révélé, c’est je ne sais quoi de vil, inhérent au Pouvoir quand il s’arroge le droit de choisir qui doit vivre et qui doit mourir. De quel droit ? Qu’est-ce que la force ? Ce qui fait de l’autre une chose. Nihilisme ? Fascisme ? Comment dit-on : « Viva la muerte ! » en russe ? L’histoire s’écrit comme ça, il n’y en a pas d’autre.
Muré dans son palais, devant les caméras, Poutine dicte des ordres à des collaborateurs balbutiants comme à une bande de volailles à qui il jetterait du pain. Les Russes adorent l’absurde et les fantômes mais quand même, n’est-il pas un peu ridicule ? À sa façon, le président Zelensky, tantôt grave, tantôt hilare, semble dire à Poutine que si un ancien pitre peut devenir un chef de guerre, un chef d’État peut aussi perdre les pédales.
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Il dit ce qu’il fait, il fait ce qu’il dit
J’aime les Russes parce qu’ils ne sont pas comme nous. Plus ils ont mal, plus ils sont forts. Hitler et Napoléon l’ont compris trop tard. Plus ils souffrent, plus ils se ressemblent. Ils ont des idées étranges sur la foi, le mal, Dieu, la Russie. Avec cela, brutaux et mélancoliques, un peu dépressifs, ils semblent veufs de leur destinée, comme Ivan Karamazov et oncle Vania. On a dit qu’en envahissant l’Ukraine, Poutine se trompait d’époque. Eux aussi depuis toujours. Nous aussi peut-être.
Dans une interview réalisée en 2007 en marge du sommet du G8 en Allemagne, Poutine déclarait : « La tragédie, c’est que je suis le seul pur démocrate au monde ! Voyez ce qui se passe en Amérique du Nord, c’est l’horreur !… Voyez ce qui se passe en Europe : les violences contre les manifestants, l’utilisation de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogènes. » On dirait du Mélenchon !
Poutine concluait en pouffant de rire : « Depuis la mort du Mahatma Gandhi, je n’ai plus personne à qui parler » ! Il faut oser – il ose. D’ailleurs, en gros, il dit ce qu’il fait, et il fait ce qu’il dit. On ne le croit pas. On devrait. Hitler non plus ne cachait pas ses intentions dans Mein Kampf.