Un mois après le début de l’offensive en Ukraine, il est prématuré de conclure à une défaite de la Russie. Si son armée n’a pas progressé aussi vite que prévu, Poutine détient sur les trois fronts principaux des gages suffisants pour négocier un accord avantageux.
En Ukraine, l’Occident redécouvre à quoi ressemble la guerre sans CNN. Il faut avoir été « embedded » (« embarqué ») dans une colonne militaire en opération pour bien mesurer combien le temps médiatique n’est pas celui de la guerre. A fortiori quand CNN n’est plus là pour en façonner le récit à l’image de ses commanditaires. Sculpté pour une opinion américaine ayant signé pour des chevauchées courtes, évidemment victorieuses. Comme celles de la première guerre d’Irak, en 1990-1991, ou de la phase initiale de la seconde intervention de l’Oncle Sam au pays de la Bible et de l’or noir, en 2003. Lors de ce bis repetita, les forces terrestres de la coalition américaine alignaient 150 000 hommes, des milliers de blindés. Ils mirent vingt-deux jours, avec l’appui de la toute puissante US Air Force, pour casser les reins de l’armée de Saddam Hussein. En 2022, le théâtre de la guerre n’est plus le billard sablonneux de la plaine du Tigre et de l’Euphrate, mais l’Ukraine de la fin de l’hiver. Les axes de pénétration praticables aux blindés sont réduits. L’adversaire est autrement plus combatif. Les caméras occidentales absentes. Dès lors, l’invasion russe redevient ce que les offensives terrestres ont toujours été : une succession de périodes de déplacements, de moments d’attente et de chocs épars, d’intensité variable. Des légions romaines à aujourd’hui, ont calculé les militaires français, le rythme de déplacement moyen d’une armée à l’offensive n’a jamais dépassé 40 kilomètres par jour.
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Au Nord, l’effet de surprise n’a pas fonctionné
La vérité est, on le sait, la première victime de la guerre. La deuxième, selon les militaires, ce sont les plans. À Moscou, croient savoir les Occidentaux, quelques maîtres espions ont été limogés pour avoir un peu vite vendu à Vladimir Poutine la perspective – au nord du moins – de réitérer l’opération éclair de la Crimée en 2014 : sidérer la défense adverse et faire tomber la capitale comme un fruit mûr. Avant le déclenchement des hostilités, les mêmes Occidentaux affirmaient pourtant que les espions russes avaient noyauté toute l’Ukraine… L’audacieuse opération héliportée (200 machines volantes) sur Gostomel, l’aéroport militaire de Kiev, a coûté la vie à de nombreux parachutistes russes. Des contre-attaques terrestres ont été nécessaires pour consolider leur tête de pont. Son « exploitation »
