Ils avaient le discours. Maintenant, ils ont les images qui vont avec. Ils exultent.
Tournée générale de vodka bien frappée chez le Tsar de (presque) toutes les Russies. Tournée de fatwas des jours de fête chez le Guide Suprême de la splendide République Islamique d’Iran. Il y a de quoi ! Leurs services de propagande et de désinformation n’auraient pas pu mieux faire. D’ailleurs, lorsque l’un et l’autre ont visionné les images, ils se sont mépris. Ils étaient tout au bord de combler d’honneurs et de décorations leurs officines pour un si excellent travail quand, au dernier moment, on leur a ouvert les yeux. Ce qu’ils avaient devant ces mêmes yeux n’était nullement un produit de fabrication locale mais une pépite d’importation concoctée à la source même et par les autorités compétentes, autorisées, officielles. Françaises, en l’occurrence, ces autorités.
Il ne leur restait plus qu’à repérer les meilleurs passages, les sectionner et les lancer en l’état sur leurs réseaux d’endoctrinement. Le discours d’accompagnement, je le disais, est rôdé depuis longtemps. Parfaitement au point: « L’Occident miné par le cancer de la décadence se précipite tout droit dans les poubelles de l’histoire, entraîné là à grandes guides par des élites dégénérées. »
Les images choisies par le tsar Poutine sont celles auxquelles on peut s’attendre: la farandole queer and co sur le ponton du défilé dit de mode, agrémentée du détournement obscène et fort appuyé du symbole religieux de la Cène – l’œuvre magistrale de Léonard de Vinci n’étant ici qu’une victime collatérale. J’entends d’ici le prêche de Poutine, relayé par ses gens à travers les steppes immenses de la Russie éternelle: « Voici les valeurs dont se repaît l’Occident, les aberrations mentales qu’il défend et qu’il entend nous imposer. Voici de quelle invasion leurs forces elles aussi au comble de l’avilissement nous menacent. Et voici donc Paris devenue, par la magie de cette messe noire d’un soir, la Mecque de la décadence, la Rome de la déconstruction avancée, l’Athènes de la déliquescence mentale. Que Dieu vienne en aide à la Sainte Russie et nous épargne un tel naufrage. » Bref, vous voyez le topo.
Même choix d’images et même vitupération du côté du Guide Suprême, l’Iranien. Sans référence à la Mecque, on s’en doute. Même choix, mais avec une variante assez éloquente: le passage où l’on voit, en découpe sur les murs de la Conciergerie, Marie-Antoinette décapitée, chantant dans un flux de sang du meilleur goût « Ça ira, Ça ira, les aristocrates à la lanterne ». Là encore, nous entendons d’ici la prédication du Guide Suprême : « Quelle leçon d’humanisme pourrions-nous donc attendre de ces gens-là, de ces chiens de chrétiens, nous qui nous nous sommes bien gardés de couper le cou à nos tyrans d’hier ! Le Shah a gardé sa tête sur ses épaules et la shahbanou la sienne (Charmante, sa tête, d’ailleurs) ! Et ces impies se font une gloire d’être allés aussi loin dans la fureur révolutionnaire ! Au moment où ils reçoivent la terre entière, ils se glorifient de ces horreurs. Les barbares, mes frères, ce sont eux. Les barbares ce sont ces mécréants honnis. Ils sont devenus fous, ils ont perdu le sens commun. À croire, les voyant encenser à ce point les chanteuses à barbe, les asexués, les désexués, les pansexués de toute espèce, qu’ils n’ont d’autre idéal pour leur jeunesse que de la voir s’engouffrer en masse dans ces travers. « Tu seras drag-queen mon fils ! », voilà sans doute désormais toute la noble ambition qu’ils ont pour leurs enfants. Réjouissons-nous. Le fruit était mûr, le voilà pourri. Un coup de vent, il tombe. Contentons-nous d’être ce coup de zéphyr. Comme ils disent chez eux : « La messe est dite ». »
Les concepteurs et organisateurs de la cérémonie de référence souhaitaient tendre à l’universalité. Ils y ont réussi, on le constate. Applaudissons !
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