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Pourquoi Nicolas Sarkozy m’a-t-il déçu?

Il manoeuvre en coulisse pour enfoncer son propre parti, LR


Pourquoi Nicolas Sarkozy m’a-t-il déçu?
Paris, mars 2023 © ERIC TSCHAEN / POOL/SIPA

Loin d’éprouver la moindre « haine » pour l’ancien président de la République, Philippe Bilger avoue être pourtant radicalement désappointé par ce dernier et son rôle d’homme de l’ombre de la macronie.


Est venu à mes oreilles un bruit selon lequel Nicolas Sarkozy (NS) se demanderait pourquoi j’éprouve une telle hostilité à son égard. À condition que cette information soit vraie et même si elle l’est, je me doute bien que NS n’y a pas consacré plus que quelques secondes.

Il n’empêche que pour ma part je tiens à m’expliquer, notamment pour répondre à ces obtus des réseaux sociaux qui, confondant tout, ne cessent d’évoquer « ma haine » – ce qui est ridicule – à l’encontre de l’ancien président continuant à manoeuvrer dans les coulisses du macronisme pour enfoncer encore davantage, espère-t-il, les Républicains.

NS m’a déçu pourtant, et c’est une évidence.

D’abord les admirations vite brisées créent de douloureuses frustrations dont l’aigreur est à proportion inverse des formidables espérances d’avant.

La République « irréprochable » promise en 2007 a été saccagée, il est vrai avec l’appui de quelques personnalités complaisantes, et pour moi ce fut un désappointement radical qui n’a pas été minimisé par son peu d’estime initial pour la magistrature et son incompréhension des règles strictes de l’État de droit.

J’étais d’autant plus amer que j’avais été ébloui par son exceptionnelle campagne de 2007 qui jamais n’a été égalée.

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J’avoue que son quinquennat, à l’exception de durables moments forts où sa naturelle agitation s’est muée en une action remarquablement efficace, m’a perturbé aussi par ses apparences où une forme de familiarité voire de vulgarité, en des circonstances appelant autre chose, a dominé. Je me suis senti blessé en ma qualité de citoyen l’ayant élu en présumant une allure et une dignité trop souvent absentes.

Après sa défaite en 2012, qu’il a admise sans barguigner, faut-il rappeler les nombreuses péripéties politiciennes qui l’ont conduit à vouloir jouer encore un rôle dans le parti dont il avait été l’emblématique incarnation ? Avec des manoeuvres que la lucidité ne guidait pas toujours et qui étaient inspirées par le souci de promouvoir ses affidés et ses inconditionnels. Ainsi on a attendu, à cause de lui, que François Baroin, durant un temps interminable, veuille bien se décider à dire non à la candidature présidentielle !

Convient-il aussi de faire le compte des multiples procédures judiciaires qui ont surgi de son quinquennat ou de ses suites, sur le plan national et international ? Que certaines aient abouti à des exonérations et d’autres à des condamnations ne rend pas moins insupportable ce triste inventaire que l’attitude générale de NS à l’égard des juges n’a pas amélioré. Ce n’est pas à lui seul que j’ai envie de jeter la pierre tant il a été conforté, dans ses postures critiquables, par une majorité à la fois politique et médiatique ignorante et peu regardante sur l’éthique publique.

Sa défaite nette à la primaire organisée pour la droite et le centre, et la victoire éclatante de François Fillon, auraient pu laisser croire à un retrait de NS acceptant, une bonne fois pour toutes, les autres voies que son désir d’action lui proposait, avec la conséquence d’un désinvestissement de la politique.

Ce fut le contraire. Pour le pire.

L’élection d’Emmanuel Macron, puis sa réélection, ont sans doute suscité chez l’ancien président, à cause aussi de son ressentiment pour sa déconfiture de la primaire, une obsession de peser sur le cours de la vie politique française grâce à l’influence réelle dont il se créditait et à la manipulation très habile dont le président usait pour le mettre en confiance et le persuader de son irremplaçable utilité.

NS est allé ainsi au bout d’une logique de désaffection partisane, d’abandon et de traîtrise, manifestée par plusieurs épisodes et mise en oeuvre aussi bien au détriment de Valérie Pécresse que lors des dernières élections législatives, par des coups fourrés ultérieurs, par l’obsession de persuader son ancien camp de se dissoudre dans le macronisme et, enfin, par de médiocres tactiques favorisant l’ignominieux sort fait au sénateur Pierre Charon et validant la désertion de Rachida Dati.

Il a voulu détruire la droite qui l’avait banalisé et servir une cause qui l’a dégradé.

Cela fait tout de même beaucoup et il ne faut rien de moins aujourd’hui que la cécité de plus en plus rare d’une minorité exsangue de soutiens pour ne pas s’émouvoir de telles turpitudes politiques!

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Il me semble que tout ce que je viens d’énoncer dans ce post est de nature à justifier une déception à l’égard de la personnalité publique de NS. Elle n’est pas contradictoire avec la pertinence de certains entretiens qu’il donne et où on retrouve la vigueur intellectuelle et décapante du candidat de 2007.

Mais, pour être honnête avec mes lecteurs, il y a également un élément personnel qui a joué et qui a accentué mon hostilité. Quand j’ai appris que ministre de l’Intérieur, il s’était permis, interviewé par le Monde, comparant Patrick Kron avec mon frère Pierre, de vanter celui-là pour dénigrer celui-ci, je n’ai pas accepté cette totale injustice et ne l’ai pas oubliée. NS défend sa famille. Moi aussi. Et cette indélicatesse émanant de lui relève d’un sacré culot !

J’espère que ce billet mettra les choses au clair et que je n’entendrai plus cette absurdité que ce serait par corporatisme, en tant qu’ancien magistrat, que je serais déçu par NS. Alors que j’ai trop bien cultivé l’art de déplaire au sein de la magistrature et qu’elle me l’a bien rendu.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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