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Pourquoi l’UMP n’implosera pas


Pourquoi l’UMP n’implosera pas

Cope-Fillon-Des paroles et des actes

Il semble de bon ton de présenter l’implosion de l’UMP comme quasi inéluctable. D’une part, la guerre des deux clans rassemblés derrière François Fillon et Jean-François Copé, par sa violence, laisserait trop de traces pour que le parti puisse vraiment se reconstruire. D’autre part, pour les commentateurs avertis, l’opposition serait irréconciliable entre les options politiques de la « droite décomplexée » et celles d’un courant plus « moral ». Seule la poigne et la dynamique de Nicolas Sarkozy, avant et après 2007, avaient pu concilier les deux. Il semble pourtant permis de remettre en cause cette pseudo-évidence en s’appuyant sur les deux plans, idéologique d’abord, politicien ensuite.

Sur le plan idéologique, rappelons d’abord que le parti gaulliste – il serait d’ailleurs plus juste de revenir aux sources et d’évoquer le « rassemblement » gaulliste -, a toujours combiné en son sein une composante plus droitière et une mouvance plus « sociale », qui alla même parfois jusqu’à revendiquer l’appellation de « gaullisme de gauche ». Contrairement à ce qu’on lit, il n’y a pas par exemple d’un côté une « ligne Buisson » et de l’autre une « ligne Guaino »… tout simplement parce que les deux hommes soutiennent Copé, comme d’ailleurs Jean-Pierre Raffarin, du courant « humaniste ». S’il y a eu des différences entre les candidats, celles qui furent surmédiatisées relevèrent plus de la forme que du fond.

L’UMP n’est cependant pas le gaullisme, et n’est même pas un RPR qui s’accommodait tant bien que mal de la présence à ses côtés d’une formation ouvertement concurrentielle de centre-droit comme l’UDF. Plus que cela, l’UMP s’est voulu le grand parti « attrape-tout » de la droite française, fédérant notamment les deux traditions politiques distinctes que l’on a coutume de désigner, à la suite de René Rémond, par les étiquettes de « bonapartiste » et d’« orléaniste ». Il convient cependant de rappeler que cette OPA n’est arrivée à son apogée que sur des bases politiciennes, et non autour de constructions idéologiques, lorsqu’en 2007 des éléments centristes, soucieux d’assurer leur avenir politique, ont rejoint l’UMP pour les élections législatives. Restés marginaux, ils pourraient maintenant retourner au Modem de François Bayrou ou, plus vraisemblablement, à l’UDI de Jean-Louis Borloo, mais il s’agit de cas peu nombreux. L’autre hypothèse, celle d’une scission « de droite », dans laquelle des éléments souverainistes et assez largement populistes se retrouveraient alliés au Front National, est encore moins convaincante, car elle supposerait de la part des élus transfuges une rupture avec le discours autorisé et des risques de sanctions médiatiques auxquels ils ne sont sans doute pas prêts. L’UMP peut donc continuer sans problème à faire cohabiter les éléments divers qui la constituent, et cette logique d’union est plus encore évidente si l’on se place maintenant au niveau de la pratique politique.

En l’absence de bouleversement majeur conduisant à une refondation du type de 1958, la vie de nos deux grands « partis de gouvernement », PS et UMP, n’est pas structurée par les citoyens, ni même par les militants, mais par des élus qui attendent avant tout de leur parti une investiture qui soit un gage certain de victoire. Si des formations ouvertement concurrentes, ayant toutes deux vocation à devenir majoritaires, coexistent sur le même côté de l’échiquier politique, on peut envisager des accords systématiques de désistement en faveur du candidat arrivé en tête. Mais ce n’est qu’un pis-aller. Il vaut mieux garantir son élection en obtenant une investiture grâce à son entregent dans les instances dirigeantes d’un parti à la base électorale la plus large possible, plutôt que d’attendre son succès du vote entre plusieurs formations d’électeurs toujours versatiles. Ainsi, même desservie par l’échec présidentiel, perdue dans une querelle de chefs et vacillante sur sa base idéologique, l’UMP reste la meilleure garantie pour trouver ou retrouver à moindre coût le chemin des ors de la République.

Les seules « implosions » possibles seraient finalement les conséquences de choix tactiques. Il peut s’avérer plus rentable pour certains de constituer un parti nouveau ou de renforcer un parti indépendant, de petit format, allié cette fois plus que rival, pour négocier avant l’élection une alliance qui réserve des places (bien situées sur une liste ou avec des circonscriptions garanties). L’exemple vient ici de la manière magistrale dont les Verts ont joué leur ralliement électoral de 2007 au PS, avec un gain exceptionnel en termes de sièges, et sur la base d’une capacité de nuisance largement exagérée, comme l’a démontré le score de leur candidate à la présidentielle. C’est aussi la tactique choisie par certaines de nos femmes politiques, qui ont compris qu’il valait mieux être la Première Dame d’un néant militant hâtivement baptisé parti pour négocier ensuite une place aussi éminente qu’imméritée sur la seule foi de leur image d’icône médiatique en ces temps de parité obligatoire.
Dans les deux cas cependant, le choix est risqué. D’abord, parce que seuls les premiers des transfuges, ceux qui se trouveront aux meilleures places de ces petits partis alliés, seront servis. Ensuite, parce que si le soutien médiatique cesse et/ou que le parti dominant accepte la confrontation électorale, nos fins tacticiens risquent fort de se retrouver le bec dans l’eau, confrontés à la distorsion entre image médiatique et réalité électorale.

C’est pourquoi, tant qu’elle représentera cette sécurité pour les élus, même si elle connaît quelques départs tactiques, et peut-être en sus celui du perdant du conflit actuel, l’UMP n’implosera pas, pas plus que le PS n’a implosé après le congrès de Reims de 2008, après les mêmes fraudes -réelles ou supposées -, les mêmes haines et les mêmes divisions de courants. Les deux grands partis n’imploseront que lorsque des « labels » concurrents garantiront mieux la réélection de leurs élus – permettant ainsi à ces derniers de mettre en œuvre plus efficacement leurs idéaux au service du bien public. Ou lorsque la crise de fond vers laquelle s’achemine notre société aura vraiment rebattu les cartes…

*Photo : Des paroles et des actes.



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est professeur de droit public à l'université de Caen. Il est l'auteur des "grands discours du XXe siècle" publié chez Flammarion

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