Selon les derniers sondages, le Rassemblement national représenté par Jordan Bardella en l’absence obligée de Marine Le Pen, serait en mesure malgré tout de remporter la prochaine élection présidentielle. C’est donc bien le Rassemblement national tel qu’il se présente, avec ses élus tels qu’ils sont, qui séduit une grande partie de l’opinion publique. Il reste à comprendre ce qui fait le succès de cette droite dite « extrême » par ses adversaires et qui a son équivalent désormais dans plusieurs pays occidentaux. Analyse.
Un profond malaise traverse les couches populaires françaises, celles que l’on appelait autrefois le « peuple laborieux ». L’exaspération est à son comble face à une classe dirigeante perçue comme hors-sol, aveugle aux réalités concrètes, soumise à des logiques technocratiques européennes et mondialisées. Une fracture béante s’est installée entre ceux d’en bas, qui subissent au quotidien les effets de la désindustrialisation, de l’insécurité et de la précarité, et ceux d’en haut, qui vivent à l’abri des conséquences de leurs décisions dans des cercles fermés, souvent parisiens et européanisés.
Dépossession
La construction européenne, telle qu’elle est vécue par une grande partie de la population, incarne cette dépossession politique. Les grandes orientations économiques et sociales sont dictées par des commissions non élues, des traités intangibles et des règles budgétaires strictes, imposées sans véritable débat démocratique. L’idéal d’une Europe sociale a cédé la place à une gouvernance d’experts, indifférente aux souffrances concrètes. Le sentiment d’abandon, nourri par cette distance entre les institutions et les citoyens, alimente un désir de rupture plus que de réforme.
Historiquement, c’était la gauche — celle de Jaurès, de Blum, des luttes ouvrières — qui portait les espoirs de justice sociale,
