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Pourquoi la gauche adore détester Michel Onfray

Lénine, relève-toi, ils sont devenus f…inanciers!


Pourquoi la gauche adore détester Michel Onfray
Michel Onfray © Hannah Assouline

Le 4 novembre dernier, France Inter consacrait une émission entière (« Affaires sensibles » animée par Fabrice Drouelle) à Michel Onfray et à sa supposée dérive droitière. Une heure de procès d’intention, sans contradictoire et sans retenue, pour reprocher au philosophe d’avoir quitté le camp du bien – et donc justifier qu’il n’ait plus sa place sur Radio France. Mais Michel Onfray a-t-il tellement changé ? N’est-ce pas plutôt la gauche qui a changé ?


Pourquoi la gauche déteste-t-elle Onfray ? Entre ostracisme et diffamation, le philosophe Michel Onfray est devenu l’ennemi public numéro un pour de nombreux médias de gauche. Quelles sont les causes de cette détestation et, surtout, que cache-t-elle ? Anatomie d’une haine…

Onfray, cible du sévice public

C’est un fait, Michel Onfray est persona non grata sur les radios et télévisions du service public.
France Inter, par exemple, ne l’a pas invité depuis des années : pas question d’offrir un espace d’expression aux idées souverainistes et de troubler l’entre-soi consensuel des animateurs de gauche et d’extrême-gauche, quasiment hégémoniques sur le service public, et tous ralliés à l’idéologie sans-frontiériste (sans-frontiérisme, c’est l’euphémisme bienséant utilisé pour qualifier le ralliement de la gauche au capitalisme financier et libre-échangiste).

En revanche, si Onfray n’est pas invité sur France Inter, son procès y est instruit, sur le mode des Procès de Moscou, c’est-à-dire sans droit à la défense. Ainsi, le 4 novembre dernier, une émission était donc entièrement consacrée au philosophe : tout d’abord, un Vychinski en herbe l’y a accusé de dérive vers l’extrême-droite ; ensuite, un psychologue auto-proclamé a expliqué cette prétendue dérive droitière par la mort de sa compagne. Aujourd’hui, sur un média financé par l’argent des contribuables, on ne se contente donc plus de calomnier les vivants sans leur accorder de droit de réponse, on exhume aussi une défunte pour lui reprocher un inédit délit de « fascisme post-mortem ». Il était inévitable que cette gauche, adepte du laxisme judiciaire à l’égard des criminels vivants, finisse par condamner les défunts innocents.

Les deux « Minutes » de la haine

La fatwa wokiste qui vise Michel Onfray ne s’arrête cependant pas au service public. Ainsi, dans les pages de Libération et du Monde, il est rituellement maudit et systématiquement extrême-droitisé. Qu’importe que le philosophe défende des valeurs traditionnelles de la gauche comme la solidarité ou le pacifisme ; pour Le Monde, qui n’est pas avare de contresens historiques, baptiser une revue Front Populaire, c’est « séduire »… l’extrême-droite (1), tandis que, pour sa part, Libération titre « Onfray réhabilite un discours d’extrême-droite ! » (2). Le philosophe annoncerait-il la météo ou lirait-il une recette de pâtisserie qu’il serait tout de même lepénisé, fascisé, nazifié. Les deux médias susnommés -qui ont publié en 1977 la tribune pro-pédophile de Matzneff- demeurent néanmoins les prescripteurs officiels de la morale publique et continuent à décerner les brevets de civisme et de respectabilité.

Pour masquer sa transition idéologique de l’internationalisme ouvrier (qui fut un mouvement social émancipateur) vers le capitalisme mondialiste (qui est un système économique d’aliénation des travailleurs, au sens marxiste du terme), la gauche se contente dorénavant et paresseusement de nazifier ses contradicteurs : la « reductio ad hitlerum » la dispense de formuler des arguments. Ainsi, ceux qui prônent un contrôle et une limitation de l’immigration sont systématiquement qualifiés de racistes et d’islamophobes, une qualification qui les… disqualifie moralement dans le débat public.

Hormis quelques esprits libres comme Michel Onfray, nul ne remarque que cette vision immigrationniste est servilement alignée sur celle du MEDEF et du patronat allemand. En effet, le Moloch capitaliste a sans cesse besoin de chair fraîche immigrée à ubériser et à mettre en concurrence avec le prolétariat local, afin d’exercer une pression à la baisse sur les salaires. Et la gauche, devenue complice de cette Traite négrière contemporaine, cautionne; elle en redemande même, telle l’idiote utile du grand patronat transnational qu’elle est devenue. Lénine, relève-toi, ils sont devenus f…inanciers !

La gauche et le peuple : petite histoire d’une grande trahison

La gauche déteste Onfray parce que ce dernier lui reproche d’avoir sacrifié la vertu de la République en se couchant devant les marchés. Elle le déteste aussi parce qu’il lui rappelle ce qu’elle a été et ce qu’elle n’est plus : une force révolutionnaire qui a mené et remporté de nombreuses luttes sociales au service du peuple.

Telle la Statue du Commandeur, le philosophe énonce inlassablement et imperturbablement les félonies successives de notre gauche désormais populophobe. Liste (non exhaustive, car 10 volumes n’y suffiraient pas) :

-d’abord, la trahison économique et sociale initiale avec le « tournant de la rigueur » (traduction : le coming out libéral du Parti Socialiste), décidé par Mitterrand en 1983, et mis en place par le très européiste ministre de l’économie Jacques Delors.

-ensuite, la trahison de la démocratie avec le coup d’État de février 2008, lorsque l’abstention de nombreux  parlementaires de gauche a aidé à la ratification du très libéral Traité de Lisbonne, désavouant ainsi le referendum populaire de 2005 qui avait dit « non » au projet de Constitution européenne.

-puis, la trahison de la laïcité avec la conversion de toute l’extrême-gauche et d’une large fraction de la gauche à l’islamogauchisme. Les anticléricaux et bouffeurs de curés d’autrefois sont devenus les supplétifs et les idiots utiles des barbus patriarcaux, antisémites et homophobes. Désormais, c’est à gauche qu’on milite pour le port de signes religieux sexistes à l’école publique. Jules Ferry, relève-toi, ils sont devenus f…anatiques !

– enfin, la trahison de l’idéal pacifiste avec l’alignement pavlovien de nombreux parlementaires et ministres de gauche sur les positions atlantistes et bellicistes, depuis les interventions américaines en Irak et en Afghanistan jusqu’au conflit russo-ukrainien, en passant par les bombardements sur la Libye. Pour un Chevènement qui a démissionné, combien de ministres de gauche sont restés en place ? La soupe est bonne au gouvernement, même et surtout quand elle est préparée par les marchands d’armes. Jean Jaurès, relève-toi, ils sont devenus f…aucons !

Pour être un philosophe institutionnel et célébré par les médias de service public, Michel Onfray aurait dû, à l’instar de BHL (« Belliciste en Hermès et Lacoste » !), se proclamer de gauche tout en renonçant à toutes les valeurs de gauche. Bernard-Henri Lévy se prétend en effet de gauche alors qu’il est l’infatigable VRP de toutes les guerres américaines, un philosophe qui n’éprouve aucun complexe moral à redonner le moral au complexe militaro-industriel, un homme qui n’a pas d’alibi pour avoir entraîné Nicoléon le Petit dans l’a-Libye, c’est-à-dire dans l’anéantissement de toute structure étatique en Libye, désormais livrée au chaos et aux groupes terroristes. Une suggestion de titre pour le prochain film-pensum de BHL : « OTAN en emporte les vies »…

La Gauche-Pinocchio contre Jiminy Onfray

Une constante relie toutes les trahisons évoquées ci-dessus : l’adhésion d’une très large partie de la gauche à l’idéologie maastrichtienne, cache-sexe européen de la mondialisation ultralibérale. D’Artagnan tué en 1673 devant Maastricht, on aurait pourtant dû se méfier de Milady Von der Leyen !

L’élu maastrichtien de gauche -je ne parle pas de l’ère géologique du Crétacé mais de l’hère néo-illogique qu’est le partisan de l’Union Européenne- sait qu’il ne peut pas se prétendre de gauche et adhérer, « en même temps », à cette Europe antisociale du libre-échangisme et du dieu-marché ; alors il hait Michel Onfray pour l’avoir mis en face de sa schizophrénie politique et de ses reniements.

Bien loin d’une capitale qui fait aujourd’hui de la peine, artisan qui forge amoureusement des pensées philosophiques chez lui en province (Caen on a que l’amour…), Michel Onfray préfère sertir l’idée au logis que servir l’idéologie. Il est la conscience, le Jiminy Cricket de la Gauche-Pinocchio, celui qui lui souffle inlassablement à l’oreille qu’elle ment au peuple depuis qu’elle s’est convertie voilà 40 ans au capitalisme mondialiste et financier. Dans la version initiale du conte (pas dans celle, édulcorée, de Disney), Pinocchio, exaspéré, écrasait l’insecte incarnant sa conscience. Aujourd’hui, malgré la violence de l’ostracisme et de la diffamation, le philosophe, quant à lui, ne s’écrase pas : le cri qu’est Onfray retentit malgré les cris d’orfraie de cette gauche de la trahison.

La droite ne l’aime pas non plus !

La droite européiste (y en a-t-il une autre ?) n’aime pas davantage Michel Onfray. Elle ne l’aime pas parce qu’il est toujours de gauche, bien sûr, mais aussi parce qu’elle n’est pas parvenue à le débaucher, à le récupérer au moment où elle n’a plus de philosophe d’envergure depuis les disparitions de Raymond Aron et de Jean-François Revel. 

Il y a bien François-Xavier Bellamy, mais il est à la philosophie ce que Macron est à la politique : on ne peut en effet pas prétendre que la nation est le « seul cadre dans lequel s’exprime la souveraineté des peuples » et déclarer « en même temps » que le « terme de souverainisme est réducteur » (3).

Tandis que le véritable philosophe doute, s’interroge et remet en cause; le sans-frontiériste maastrichtien croit en les textes saints que sont pour lui les traités européens. Tandis que le philosophe privilégie l’Homme, le libéral maastrichtien le réduit à une variable d’ajustement microéconomique. L’adhésion à Maastricht, c’est l’anti-philosophie : voilà pourquoi, malgré ses indéniables qualités intellectuelles, l’européiste Bellamy n’écrira jamais une Métaphysique des montants compensatoires monétaires d’Aristote à Schopenhauer ou un De la Politique Agricole Commune dans la pensée nietzschéenne.

Le philosophe, le révolutionnaire et le politicien (aka « Le bon, la brute et le truand »)

Onfray n’aime pas Robespierre, du moins la lecture que Mélenchon en fait. Pourtant, il y a du Robespierre chez le philosophe : ne surnommait-on pas Maximilien « l’Incorruptible » ? L’indépendance de Michel Onfray interroge en effet le microcosme médiatico-politique : quel est donc ce psychorigide normand à lunettes rectangulaires qu’on ne peut pas acheter par une sinécure à la direction d’un institut culturel surnuméraire ou bien par un secrétariat d’Etat à l’intitulé farfelu ? Bref, quel est cet individu déconcertant des cons certains et refusant des honneurs qu’il considère comme déshonneur ?

« Ôte-toi de mon soleil ! », disait Diogène à Alexandre le Grand qui lui demandait ce qu’il désirait. « Ôte-moi de ton soleil !», réplique Michel Onfray (que dieu gêne ?) à tel anima-tueur de télé qui le désire-hait. En effet, le philosophe sait qu’aucun projecteur de plateau-télé n’éclairera jamais aussi fort que les Lumières. Or, dans les studios, ce n’est pas Jean-Jacques que l’on croise, mais Aurélien Rousseau, Sandrine Rousseau et Adrien Quatennens (cherchez : c’est également un Rousseau).

De l’Union Soviétique à l’Union Européenne : la xénocratie en marche…

A un siècle d’intervalle, Léon Blum (chef du Front Populaire, le gouvernement) et Michel Onfray (fondateur de Front Populaire, le journal) affichent la même préoccupation souverainiste et la même volonté de lutte contre la xénocratie : à l’instar du socialiste Blum qui avait refusé de se soumettre à la tutelle politique de Moscou en ne signant pas l’adhésion de la SFIO à l’Internationale communiste, Onfray rejette la tutelle économique de Bruxelles et la supranationalité antidémocratique imposées par la Commission européenne, dont pas un seul des membres n’est élu.

Le « tout-marché » des maastrichtiens d’aujourd’hui est l’équivalent dogmatique du « tout-Etat » des communistes d’autrefois et les co-misères européens sont les héritiers des commissaires politiques soviétiques : des technocrates fanatiques, dénués de la moindre empathie et au service d’une idéologie mortifère.

Le 27 décembre 1920, dans un discours mémorable au Congrès de Tours (qui allait aboutir à la scission de la gauche française entre socialistes et communistes), Léon Blum disait à ceux qui renonçaient au socialisme et à la démocratie pour devenir les vassaux des communistes russes, tueurs de masse : «il faut que quelqu’un reste pour garder la vieille maison». Aujourd’hui, alors que la gauche européiste a renoncé au peuple et s’est associée aux assassins de la nation française, c’est Michel Onfray qui garde la «vieille maison».


(1) Avec sa nouvelle revue « Front populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite (lemonde.fr)

(2) «Onfray réhabilite un discours d’extrême droite» – Libération (liberation.fr)

(3) Bellamy : «Une Europe qui permet de ne plus subir la mondialisation» – Le Parisien




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Enseignant

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