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Pourquoi j’aime Ruquier, Zemmour et Besson


Pourquoi j’aime Ruquier, Zemmour et Besson

On dormira quand on sera morts, écrivait mon amie Anne Vergne, elle-même morte trop tôt dans un monde trop vieux ; une femme comme il y a peu de mecs, sans vouloir être misogyne – et un écrivain comme il n’y a pas d’écrivaines… Bref je repensais à cette phrase, un peu connement d’ailleurs, à propos de Laurent Ruquier : voilà un mec qui, à coup sûr, n’aura guère eu le temps de dormir la saison passée. Pendant que j’assumais laborieusement l’écriture de deux ou trois chroniques par semaine, l’animateur Duracell cumulait deux quotidiennes radio et télé, plus une hebdo de trois heures, toujours sur France 2. Maximum respect !

L’une des motivations de Laurent relève sans doute de « la revanche de Monte Cristo » : longtemps il a tenté sans succès (et je suis poli) d’entrer dans la bulle magique de la télé ; et puis ses quatre-quarts de professionnalisme s’expliquent aussi par un cinquième quart de plaisir non simulé.

C’est ce qu’il fait qui lui plaît, le Ruquier ! Prenons l’exemple de « On n’est pas couché » (samedi 23 h 15 – 2 h 20, sauf pendant l’été). Durant la première demi-heure, il s’amuse comme un petit fou en nous ressortant sa vocation rentrée de chansonnier. Je dis bien chansonnier : l’humoriste a beau se réclamer de la stand up comedy, ses prestations restent plus proches en vérité du théâtre des Deux-Anes ou du Caveau de la République. Sur le fond comme dans la forme, c’est Pierre-Jean Vaillard ou aujourd’hui Jean Amadou beaucoup plus que Dubosc et Bigard – et c’est pas plus mal !

Hormis ce péché mignon, Laurent connaît ses limites et sait s’entourer ; deux qualités rares dans le Paf, et même partout ailleurs maintenant que j’y pense. Alors il a recruté deux porte-flingue, les fameux Zemmour & Naulleau, entre lesquels il ne fait pas bon être pris en tenailles.

Naulleau, c’est le rotweiller à tête de saint-bernard qui vous déchiquète avec l’air navré, pour votre bien ; Zemmour, c’est le bernard-l’ermite qui ne sort de sa coquille que pour vous nucléariser avec un bon sourire. Ce duo de Muppets tueurs constitue à mes yeux, et de loin, l’attraction la plus piquante du cirque Ruquier. Le boss le sait bien d’ailleurs, qui les garde à ses côtés jusqu’au bout de l’émission.

La menace permanente d’une attaque en piqué d’un des deux Eric sur n’importe quel invité est une arme efficace contre le zapping – sauf évidemment dans les cas extrêmes, comme la présence sur le plateau de Machine Truc de la « Nouvelle Star ». Quoi qu’il en soit, Laurent tient ses deux molosses en laisse et, quand ça commence à dégénérer grave, il n’a pas son pareil pour faire retomber la pression avec une bonne blague.

Parce que, figurez-vous, tout le monde n’accueille pas avec la même longanimité les assauts de nos deux réducteurs de têtes. Bien sûr il y a quelques cuirassés, et c’est un bonheur de voir les balles rebondir sur leurs blindages. En fin de saison encore, on a pu admirer la manière dont deux victimes de l’Inquisition naullo-zemmourienne parvenaient à s’en sortir avec le sourire. L’insubmersible Jack Lang bien sûr : en vieil intermittent de la politique-spectacle, il sait qu’il vaut cent fois mieux être agressé qu’ignoré – surtout quand on est candidat à tout, et pas fermé au reste… Du coup on peut le traiter de tous les noms, lui dire en face les pires vérités, jamais il ne se départit de cette mine enjouée qui semble gravée pour l’éternité sur son masque de comédien antique. Allo Jack ? Il y a plein de rôles pour toi dans Aristophane !

Dans un registre légèrement différent, Guy Marchand, qui n’a rien à vendre, est un excellent client. Même interrogé sur son âge, il répond le mieux du monde : « Vieillir, j’adore ça ! C’est le seul moyen que j’aie trouvé pour ne pas crever ! »

Mais la plupart des invités soumis à la double question ont tendance à s’énerver. Récemment Cali (figure de proue de la nouvelle chanson française de « calité ») est monté au plafond parce que Naulleau daubait sur son « œuvre »…

Quant à Jacques Weber, étrangement épaissi avec l’âge – surtout intellectuellement – il n’a pas supporté les piqûres de la Zemmouche ; au terme du troisième rappel, ce Cyrano de bergerie a bêlé sa fatwa : « Je ne parle plus à ce Monsieur-là. » On n’est pas plus borné. Au lieu de s’énerver, il n’avait qu’à répondre avec n’importe quelle citation inventée, comme un Luchini normal.

Juillet 2008 · N°1

Article extrait du Magazine Causeur



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