À l’attention de Philippe Hensmans
Directeur de la section francophone belge d’Amnesty International (Belgique)
Monsieur Hensmans,
Voilà de nombreuses années que j’ai accepté d’être, à sa demande, parrain d’Amnesty International, pour le droit des femmes.
J’ai pu à cette occasion soutenir plusieurs campagnes en participant à leur médiatisation.
Le tournant adopté par Amnesty depuis quelques temps m’a fait prendre une certaine distance avec cette ONG.
Le dernier cas en date, à savoir qu’Amnesty considère qu’interdire le voile intégral est une entrave à la liberté, est pour moi la dérive de trop.
Les entraves à la liberté sont à mon avis plutôt les pressions de plus en plus manifestes, jusque dans nos contrées, pour obliger des femmes à se couvrir. A ce titre, je ne puis plus soutenir le point de vue d’Amnesty.
La burqa est loin d’être anodine, elle est plus qu’un voile, elle prive toute femme d’une élémentaire liberté de mouvement, elle les oblige à se cacher du regard des hommes, les coupe de l’extérieur, du soleil, de la lumière… Elle concrétise une ségrégation inacceptable. Elle affirme que la femme est par essence un être impur qui n’est que difficilement tolérable sur terre.
Des petites filles se retrouvent également de plus en plus enfermées dans cette « prison mobile », privées des jeux d’enfants les plus naturels, et par extension privées aussi de l’instruction auquel chacun a droit.
J’ai vu pour y avoir habité, il y a une trentaine d’années, les pressions grandissantes, qui au Caire, qui à Tripoli, faisaient qu’une femme, « pour avoir la paix », se couvraient la tête. Je connais de plus en plus, ici, à Bruxelles, dans certains quartiers, des femmes qui, musulmanes ou non, sont la cible d’insultes parce que cheveux au vent, et sont effrayées de se voir si peu soutenues et protégées pour l’élémentaire liberté de se promener en rue en sécurité, à tout heure, en tout lieux.
Je me suis moi-même retrouvé à l’hôpital, avec côtes cassées et perforation du poumon, pour avoir pris la défense d’une jeune fille agressée à cause d’une tenue vestimentaire « contraire à l’Islam ».
Des hommes et des femmes se sont battus tout au long de notre histoire afin d’arriver à une égalité totale qui m’est chère.
Les femmes en Europe ont acquis une visibilité dans tout l’espace public. Chaque fois que l’une d’entre elles se cache sous une burqa, c’est un affront à toutes les autres qu’elle fait, c’est leur liberté à toutes qui recule, ce sont des années de combats qui sont bafouées. Amnesty ne peut approuver que soit ainsi hissé l’étendard de la soumission d’une catégorie de personnes à une autre. Je considère dès lors qu’à ce titre, Amnesty s’est détourné de son idéal original et je ne puis dès lors plus rester parrain de cette ONG.
Veuillez donc acter ma démission.
Bien à vous,
Bernard Swysen
Auteur de Bandes dessinées.
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