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Pourquoi j’aime le PSG


Pourquoi j’aime le PSG

Je me souviens d’un papier dans lequel Marc Cohen nous avouait combien il lui était difficile d’écrire sur le rock alors qu’il confesse n’écouter que ça depuis des décennies. Alors lorsque Marc m’a suggéré d’écrire sur le PSG, j’ai tout de suite compris ma douleur: je vais au Parc des Princes depuis mes sept ans…

Pour peu qu’on aime un tant soit peu le football, on a forcément un avis sur le PSG. Positif ou calamiteux, mais en général définitif et peu sujet aux variations saisonnières. J’aime le PSG car ce club sent bon la capitale et, bon, je suis de la capitale. Point. J’aime le PSG parce j’adore quand les provinciaux nous jalousent. J’aime quand mon club se prend pour un grand d’Europe quelle que soit sa valeur intrinsèque et frise du coup le ridicule lorsque ses résultats le rapprochent de la Ligue 2… Si ce club était un homme, il ressemblerait à coup sûr aux fils-à-papa qui déambulent la mèche au vent le long des avenues du XVIe. Le PSG est foncièrement agaçant.

Ne comptez pas sur moi pour vous faire le coup du supporter ultime, ce fameux smicard un rien apocryphe qui se saigne pour acheter un abonnement. Non, je suis sorbonnard et ne manque de rien. Et justement, j’aime le PSG car le Parc est probablement l’un des seuls endroits de Paris où les gens qui normalement sont programmés pour ne pas se croiser se rencontrent. Et où ils le font de leur plein gré, pas par obligation comme dans le bus, aux urgences, ou chez Ikea. Racailles du 9-5, cadres moyens versaillais, minettes à string apparent et anciens combattants de la gaypride se retrouvent autour de la même passion. Tout comme s’y retrouvent quoi qu’on ait pu en dire, blancs, noirs, juifs et arabes, ensemble. Approchez vous de la porte d’Auteuil un soir de match. Approchez-vous et regardez avec vos yeux, et pas ceux de la télé. Vous y verrez effectivement des supporters d’extrême droite mais aussi des altermondialistes à dreadlocks. Et tous en bleu et rouge !

J’aime le PSG, parce que sur les gradins, j’aurai toujours 7 ans. Jamais vous ne pourrez imaginer à quel point le Parc des Princes est impressionnant pour un gosse de 7 ans. Au début de chaque saison, mon père nous emmenait mes frères et moi voir quelques matchs du PSG. C’était toujours le même rituel. Nous trainions notre père vers la voiture trois heures avant le coup d’envoi et l’on se garait toujours rue Molitor. L’itinéraire impliquait le passage obligé devant les « Trois Obus » où les supporters se gorgent de bière avant le match. Mouvement de foules, ivrognes, gros mots : c’est précisément à ce moment que la tension devient palpable, comme on dit dans L’Equipe ; alors on se promet, avant chaque match, de se donner rendez-vous devant le lycée La Fontaine si l’on se perd. Suite du rituel : se tenir dans la file, passer le tourniquet, entendre les premiers chants des supporters. Une fois la fouille passée, sentir l’odeur des hot-dogs juste avant de donner son ticket à la placeuse. Et enfin la pelouse !

A peine assis, nous parcourions L’Equipe du jour et parlions du onze de départ avec des voisins inconnus, requalifiés en bons copains le temps d’un match. Qui préférer ? Le grand Sammy Traoré ou le jeune Mamadou Sakho en défense centrale ? Le petit Giuly ou Pancrate le costaud sur l’aile droite ? Débats existentiels, choix cruciaux ! Un supporter adverse, un sympathique Sochalien, Havrais ou Manceau s’immisce dans le colloque. Il nous conseille de nous méfier de leur petit numéro10, un joueur acheté à prix d’or à un club semi-pro en Norvège, un futur grand. Forcément…

Une demi-heure avant le début du match, les joueurs des deux formations arrivent sur la pelouse et débutent leur échauffement. En général, ce sont les visiteurs qui se risquent les premiers sur le carré vert. Et là, la bronca les accueille, pour les mettre dans l’ambiance, pour rappeler aux plus distraits d’entre eux qu’ici, ce n’est ni Toulouse ni Nancy mais Paris ! Puis le speaker présente les deux équipes. Religieusement, le nom de chaque joueur adverse est ponctué d’un délicat « Enculéééé ! » repris à 45 000 voix. Quand les Parisiens font enfin leur entrée, le Parc se lève comme un seul homme, ou plutôt comme un gentleman dès qu’une dame apparaît. Enfin, du temps où on se levait pour les dames…

Bientôt les fumigènes claquent, et les supporters se lèvent pour saluer les deux équipes avant le coup d’envoi. C’est donc parti pour 90 minutes de football, une heure et demie trop rapide, même en comptant les arrêts de jeu, beaucoup plus rapide en tout cas qu’une heure de collège, surtout en maths. Le match commence. On se déchaîne à chaque micro-tentative parisienne et on frissonne des que les adversaires ont le mauvais goût de s’approcher de notre surface de réparation. Et puis comme si l’équipe d’en face ne suffisait pas, bien sûr on doit jouer aussi contre l’arbitre, qui comme la France entière sauf les Parisiens déteste les Parisiens.

La mi-temps arrive. Les supporters vont se restaurer. C’est fou ce que c’est nourrissant, la bière. Pendant la pause, on annonce aussi les scores des autres matchs du championnat. Re-rituel et re-bronca dès que le speaker donne le résultat de l’OM. Le match reprend. Sur un corner, les rouges et bleus marquent ! Le Parc exulte ! On reprend en cœur le nom du buteur. Chaque année, le Parc a son chouchou, son idole. Jusqu’à sa retraite l’an dernier, c’était « l’Aigle des Acores », Pedro Miguel Pauleta – 109 buts, ça crée des liens.

La soixante-dixième minute de jeu approche, le rythme du match se ralentit, les entraîneurs procèdent aux remplacements. On injecte du sang neuf pour porter le coup décisif. Je vois encore Ronaldinho entrer en jeu pour sa première apparition en bleu et rouge. Je me rappelle les tribunes qui mimaient la prosternation devant cette idole, au sens étroit du terme. Et je n’oublierai jamais ses dribbles, même quand l’Alzheimer m’emportera.

Qu’on gagne ou qu’on perde, la fin de match est toujours douloureuse. Soit il faut préserver le score, soit il faut tenter d’égaliser, ou au moins de sauver l’honneur. Bientôt, le coup de sifflet final et le public se dirige vers la sortie en refaisant le match. Moi, je harcèle déjà mon père pour être sûr qu’on ira bien au prochain.



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Etudiant en master d’Enjeux internationaux à la Sorbonne.

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